Selon les agents généraux rejoints par Finance et Investissement, le secteur des clientèles d’affaires est en croissance. Les besoins sont grands. Toutefois, n’entre pas qui veut dans un domaine où l’expérience règne en roi et maître.
«La majorité des conseillers ne s’intéressent pas aux clientèles d’affaires. Pour beaucoup, et cela touche peut-être plus particulièrement les jeunes conseillers, les fonds d’investissement ont la cote […] comme s’il était plus sexy de comprendre et de vendre des fonds d’investissement que des produits d’assurance destinés à des chefs d’entreprise», dit Christian Laroche, président de Aurrea Signature.
Et pourtant, affirme le président et directeur général de AFL Groupe Financier, Yan Charbonneau, «le secteur des clientèles d’affaires enregistre une énorme expansion».
De son côté, le vice-président assurances chez MICA Cabinets de services financiers, Louis Thibault, croit également que les besoins des clientèles d’affaires sont «insuffisamment couverts».
Produits répondant aux besoins
«On a l’impression qu’il y a de plus en plus d’entrepreneurs au Québec. C’est la combinaison de deux phénomènes : de plus en plus de professionnels préfèrent s’incorporer et les jeunes générations semblent plus intéressées à travailler pour elles-mêmes que pour d’autres», évoque David Benamron, directeur principal des ventes vie et prestations du vivant ainsi qu’aux dossiers avancés à la Financière MSA.
Il ajoute que «plus les impôts sont lourds, plus il est avantageux d’élaborer des stratégies reposant sur la fiscalité. Les produits d’assurance permanents dans le cadre de corporations sont donc de plus en plus populaires».
Les produits d’assurance permanents, comme les polices d’assurance vie universelle, d’assurance vie avec participation, d’assurance vie temporaire 100 ans ainsi que des produits en prestations du vivant, visent à garantir la stabilité de l’entreprise en cas de décès ou d’accidents des dirigeants et personnes clés. Par exemple, une assurance invalidité autorisera le rachat des actions d’un dirigeant qui n’aurait plus la capacité de revenir travailler au bureau.
D’autres produits d’assurance visent également à faciliter la continuité de l’entreprise en cas d’invalidité de l’entrepreneur, tels que l’assurance frais généraux d’entreprise en cas d’invalidité et son équivalente couvrant les prêts commerciaux.
N’oublions pas la «poule»
Christian Laroche évoque un étrange paradoxe qui caractérise bien, selon lui, l’état du marché des clientèles d’affaires.
En raison de ses obligations, l’entreprise dispose toujours des assurances de base comme l’assurance-responsabilité. Toutefois, en matière de protections, les dirigeants sont souvent les grands oubliés et ils doivent se fier à la chance.
«Les oeufs sont assurés […] mais qui assure la poule ?», exprime le dirigeant de Aurrea Signature, comparant l’entreprise aux oeufs et son dirigeant à la poule.
Pas si simple
D’après Yan Charbonneau, le secteur des clientèles d’affaires n’a pas atteint la même maturité que le secteur des assurances et rentes collectives, un domaine âprement disputé par une multitude de conseillers.
«Les assurances et rentes collectives sont saturées au point de vue des efforts de vente. C’est loin d’être le cas dans le secteur des clientèles d’affaires», dit-il.
Mais attention, car cela ne veut pas dire que la concurrence n’existe pas.
«Les banques et les caisses populaires s’intéressent beaucoup aux clientèles d’affaires par l’entremise de leurs services de courtage et de gestion privée. Selon moi, les banques et les caisses ont une longueur d’avance sur nous à cause de l’intégration de leur offre de services. En revanche, le milieu des agents généraux met les bouchées doubles afin de rattraper son retard», explique Yan Charbonneau.
Les conseillers ont également une certaine côte à remonter. «Contrairement à leurs collègues du secteur de l’assurance et des rentes collectives, les conseillers éprouvent une certaine gêne à appeler les entrepreneurs et les dirigeants d’entreprise afin de leur proposer des produits faits pour eux», signale-t-il.
Dans cette perspective, les agents généraux disent mettre beaucoup d’accent sur des activités de formation destinées à mieux approcher les dirigeants d’entreprise. Outre la connaissance des produits, ces formations reposent notamment sur l’apprentissage de certaines techniques de vente.
Par exemple, Aurrea Signature prépare une formation sur les assurances maladies graves destinée aux conseillers ayant au moins cinq ans d’expérience. «Il n’est pas facile d’approcher des dirigeants d’entreprise en leur parlant d’un sujet aussi chargé que les maladies graves. Nos formations axées sur la théorie et la pratique devraient contribuer à faciliter ce travail d’approche», dit Christian Laroche.
Luc Brunelle est expert-conseil, dossiers avancés et conseiller en développement des affaires au Groupe Financier Horizons. D’après ce connaisseur de la fiscalité, il arrive que des conseillers oublient de solliciter l’expertise de leur agent général.
«Certains réussissent à suivre les besoins de leurs clients d’affaires sans aide spécialisée de leur agent général. D’autres tentent de le faire, mais aux dépens de leur crédibilité. Même si on a des connaissances en fiscalité, ces dossiers sont complexes. Une erreur peut être fatale. Voilà pourquoi on devrait toujours se servir de l’expertise de son agent général», dit Luc Brunelle.
Comment nous avons procédé
Le Baromètre 2018 de l’assurance a été réalisé à partir de réponses obtenues à la fois par un sondage en ligne et par des entrevues téléphoniques réalisées par notre sondeuse, Zineb Sabone. Frédéric Roy a colligé et analysé les données.
Seuls les répondants possédant le permis de conseiller en sécurité financière pouvaient participer au sondage. Au total, 109 conseillers ont été sondés entre le 28 juin et le 5 août 2018. Plus de la moitié (52 %) des conseillers interrogés ont affirmé appartenir à un réseau exclusif ou encore faire partie d’un réseau carrière d’une société d’assurance. Pendant les entretiens, nous avons insisté auprès des répondants sur le caractère anonyme et confidentiel de leurs réponses, et ce, afin de garantir un maximum de transparence.
Lors de l’analyse des résultats, nous avons conservé les répondants ayant indiqué «Ne sait pas» pour les questions concernant la meilleure offre des assureurs présentée dans le tableau en page 19. Ce sondage n’a aucune prétention scientifique et a pour objectif de mieux saisir le portrait de l’industrie de l’assurance et de ses manufacturiers au Québec.