Des clients pourraient détenir des fonds d’investissement susceptibles de leur transférer des factures fiscales latentes élevées. Les conseillers devraient les repérer afin d’éviter de mauvaises surprises à leurs clients, d’après une étude de James Gauthier, analyste de fonds chez iA Valeurs mobilières (IAVM).
Ainsi, les fonds communs qui connaissent de bons rendements sont susceptibles de faire des distributions à la fin de l’année lorsqu’ils sont détenus dans des comptes non enregistrés, donc des comptes sujets à l’impôt. Que ces fonds soient constitués en fiducie ou en société par actions, les distributions peuvent être inévitables.
Prenons le cas des fonds constitués en fiducie, qui représentent la majorité des fonds d’investissement au Canada. Un fonds en fiducie ne paie généralement pas d’impôt sur ses revenus, car il les attribue à ses détenteurs de parts chaque année. Un tel type de fonds agit alors comme un «conduit de distribution» et chaque type de revenu (intérêt, dividende et gain en capital) est transféré dans sa forme originale aux détenteurs de parts.
La fiducie de fonds remet un feuillet T3, État des revenus de fiducie (Répartitions et attributions) aux investisseurs afin que ces derniers puissent inclure les distributions à leur déclaration de revenus, écrivaient Francys Brown et Justin Cormier, respectivement associé, fiscalité canadienne, chez Demers Beaulne, et représentant chez SAFJ Cabinet de services financiers, dans le livre du congrès de 2016 de l’Association de planification fiscale et financière. Cette facture fiscale peut survenir même si un client ne se défait pas de ses parts de fiducie de fonds, par exemple en les vendant.
James Gauthier et son équipe ont analysé les états financiers de plus de 200 fonds d’actions et équilibrés, lesquels sont émis par les plus importants manufacturiers de fonds. Leur but était de déterminer leur gain en capital latent net. Ce gain latent tient compte des pertes en capital latentes. En tout, 90 % des fonds de leur échantillon avaient un tel gain en capital, selon leur étude publiée à la mi-juillet.
Les analystes ont par la suite comparé la valeur de ce gain en capital latent avec l’actif sous gestion du fonds. Ils appellent ce rapport le ratio des gains en capital. «Supposons qu’un fonds a 500 M$ d’actif et a un ratio des gains en capital de 10 %. Cela veut dire que ce fonds a un gain en capital non réalisé de 50 M$. Si le gestionnaire de portefeuille de ce fonds fait une rotation complète des actifs du portefeuille et cristallise ainsi tous les gains en capital latents et les pertes latentes, les investisseurs recevraient des distributions de gains en capital de 10 % de leurs actifs dans ce fonds. Cela constituerait une facture fiscale significative pour n’importe quel client», lit-on dans l’étude d’iA Valeurs mobilières.
Dans les fonds de l’échantillon, le ratio des gains en capital médian s’élevait à 12 %.
«Il est également important de noter qu’un fonds avec des gains en capital latents importants et un taux de rotation élevé est beaucoup plus susceptible d’effectuer une distribution de gains en capital qu’un fonds avec un gain non réalisé de même ampleur et un faible taux de rotation. Le taux de rotation des actifs d’un fonds est fonction de l’approche d’investissement du gestionnaire de portefeuille et nous avons observé que ce chiffre tend à être un indicateur relativement persistant au fil du temps», lit-on dans l’étude.
«Considérons le fonds de l’échantillon avec le ratio de gains en capital le plus élevé – Fonds américain de croissance des dividendes Franklin. Malgré le ratio des gains en capital élevé (41 %), les investisseurs dans le fonds ne devraient pas trop se préoccuper des distributions importantes de gains en capital, car le faible taux de rotation de l’actif (5 %) suggère que le gestionnaire du fonds est peu enclin à cristalliser des gains en capital.»
James Gauthier le compare au Fonds Fidelity Extrême-Orient, où le taux de rotation moyen des trois dernières années a été de 48 % et où le ratio des gains en capital était de 26 %, soit 128 000 $ sur un actif de 493 000 $ : «En supposant qu’il y ait une certaine persistance dans [le taux de rotation], les porteurs de parts de ce fonds devraient être préparés à la cristallisation complète des gains en capital et à leur distribution au cours des deux prochaines années.»
Les analystes ont aussi examiné les fonds ayant les actifs les plus importants de leur échantillon. Ils notent que le Fonds canadien de dividendes RBC avait un ratio des gains en capital de 32,6 %, et un taux de rotation moyen sur trois ans de 13,3 %. Pour le Fonds Fidelity Revenu mensuel, ces chiffres étaient de 8,9 % et 38 % respectivement, et pour le fonds Fidelity Étoile du Nord, de 14,4 % et 39,3 % respectivement.
Meilleure rentabilité fiscale
L’analyse révèle des fonds qui étaient assortis d’une bonne efficacité fiscale, en ce sens qu’ils ont une perte en capital latente importante.
«Prenez le premier fonds sur la liste, le Fonds Fidelity Mondial. Son ratio de gains en capital s’est établi à -124 %. Cela signifie que, toutes choses étant égales par ailleurs, le fonds devrait s’apprécier de 124 % et que tous ses gains devraient être cristallisés avant que le fonds ne soit à nouveau en mesure de distribuer des gains en capital. Considérez cela comme le « seuil de rentabilité fiscale » du fonds. Il pourrait s’écouler des années avant que certains des fonds puissent même potentiellement payer une distribution de gains en capital.»
Ces fonds sont des exemples de situations dans lesquelles les problèmes qu’ont rencontrés les investisseurs dans le passé offrent désormais un avantage aux investisseurs actuels et futurs. «Bon nombre des produits énumérés étaient beaucoup plus gros à un moment donné et ont ensuite connu une période de faible performance. Cette faible performance a entraîné des reports de pertes en capital pour les fonds, puis dans les années suivantes, beaucoup de ces fonds ont connu des vagues de rachats (le Fonds Fidelity Mondial susmentionné a été 10 fois plus important qu’aujourd’hui). Ainsi, les pertes subies par ces fonds lorsqu’ils étaient beaucoup plus importants sont maintenant extrêmement bénéfiques pour les investisseurs d’aujourd’hui», lit-on dans l’étude d’IAVM. Si un conseiller prévoit effectuer un nouvel investissement dans un compte non enregistré, il peut être judicieux de déterminer s’il existe des options appropriées dans la liste des fonds ayant des ratios de pertes fiscales importants, estiment les analystes d’IAVM : «Nous ne conseillons pas que les considérations fiscales soient les principaux éléments de toute décision d’investissement, mais il serait imprudent de ne pas en tenir compte.»
Le rendement avant la fiscalité
Tenir compte de la fiscalité lors de l’achat d’un fonds est pertinent, puisque l’écart entre les différents fonds est étonnant, estime Dany Provost, directeur planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm. Toutefois, la fiscalité ne doit pas être le critère de décision le plus important. «L’objectif numéro 1 en investissement est le rendement après impôt. Évidemment que la fiscalité est importante, mais aucune optimisation fiscale ne peut battre un bon rendement à la base», dit Dany Provost.
Pour les clients particuliers, les rendements qu’on souhaite généralement éliminer sont essentiellement les revenus d’intérêts et de sources étrangères, lesquels sont plus lourdement imposés, indique Thomas Jolin, directeur stratégies d’investissement, Centre financier SFL, Cité de Montcalm : «Le gain en capital demeure une source de revenu imposable intéressante.» Or, l’analyse d’IAVM ne traite pas des revenus d’intérêts et de sources étrangères.
«Limiter les distributions, dans un contexte de société par actions, représente toutefois un objectif en matière de gestion des actifs. Comme nous devons limiter les revenus passifs à 50 000 $ pour éviter la perte progressive de la déduction pour petite entreprise (DPE), les manufacturiers affichant des pertes importantes ont un avantage certain», indique Thomas Jolin.
Une analyse complète de la fiscalité avant l’achat de fonds peut donc apporter une valeur ajoutée au client, bien que cela puisse représenter beaucoup de travail, d’après Dany Provost. «Ma recommandation pour les comptes taxables est de valider auprès des manufacturiers avant de procéder. Ils sont généralement très honnêtes et de bon conseil sur cette question. Il n’est pas rare de les voir intervenir lorsqu’une transaction se fait à quelques jours d’une distribution», ajoute Thomas Jolin.