Ces mesures risquent de réduire le volume de recommandations de clients, nuisant ainsi à l’accès à un conseil varié pour le client, en plus de handicaper le modèle d’affaire de plusieurs courtiers, selon les mémoires remis dans le cadre de la consultation sur les réformes axées sur le client et sur les modifications proposées au Règlement 31-103.

Selon le projet d’encadrement réglementaire, les ACVM souhaitent permettre à une personne inscrite en valeurs mobilières à payer une commission d’indication seulement à une autre personne inscrite. Une personne inscrite pourrait recevoir une commission d’indication de client de la part d’un tiers qu’il soit inscrit ou non.

De plus, une personne inscrite ne pourrait octroyer ou recevoir de commission d’indication de clients pendant plus de 36 mois. Les commissions d’indication de clients ne peuvent excéder 25 % de la rémunération versée par le client à la personne inscrite qui offre les services pour lesquels celui-ci a été indiqué.

Les ACVM proposent cet encadrement puisque les ententes d’indications « donnent lieu à un conflit d’intérêts qui doit être traité au mieux des intérêts du client ».

Interdiction inéquitable

« Si le nouveau régime interdit la rémunération de personnes non inscrites, il est évident que ces dernières feront moins de référencement et que cela limitera l’accès au conseil. Par exemple, il sera impossible de verser une commission d’indication de clients à un inscrit en assurance, à un courtier en immobilier, à une caisse ou à une banque, etc. » lit-on dans le mémoire du Mouvement Desjardins.

Ces restrictions constituent un frein à la multidisciplinarité dans le secteur financier, favorisent le travail en silo et limitent la capacité des courtiers à offrir une large gamme de services, d’après le Mouvement Desjardins.

« Cette interdiction est excessivement étendue et inutile étant donné les autres protections prévues dans les dispositions relatives à la référence aux clients concernant la divulgation aux clients, la tenue des dossiers et la limitation des frais de référence », écrit l’Association des banquiers canadiens (ABC). Prohiber le partage de commission avec des sociétés non inscrites risque d’empêcher de diriger les clients vers les canaux appropriés au sein d’une banque et n’est donc peut-être pas dans l’intérêt du client, selon le lobby bancaire.

Les recommandations auprès des avocats ou des comptables ne devraient pas être interdites, d’après l’ABC. Ce groupe espère aussi que les ACVM n’avaient pas l’intention d’interdire les paiements internes faits par les sociétés inscrites, notamment en guise de compensation raisonnable pour les coûts d’infrastructure substantiels liés à l’exploitation d’un courtier.

La plupart des membres de l’industrie financières appuient la proposition des ACVM voulant qu’en aucun cas, le client ne doive faire les frais de l’existence d’une entente d’indication de clients. Or, plusieurs d’entre eux comprennent mal pourquoi les ACVM envisagent un cadre si restrictif.

« Une commission de recommandation versée à un non-inscrit peut être considérée comme une dépense de marketing, car elle constitue une forme de prospection par des tiers. Sous réserve que les recommandations n’augmentent pas le montant des frais ou
conformément, il n’est pas clair pourquoi une telle commission serait interdite », lit-on dans le mémoire de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM).

« Quel est l’objectif recherché? Quel est la politique (policy) ou le principe soutenant une telle intervention? Quelle problématique observée doit être endiguée? Le fardeau de la preuve incombe aux ACVM. À ce stade, nous ne croyons pas qu’elles s’en soient déchargées », lit-on dans le mémoire de Mérici Services financiers. Ce courtier invite les ACVM « à revenir en consultation avec un projet mieux défini et surtout, appuyé et motivé par des faits concrets » afin d’en arriver « à une règlementation efficace et effective comportant le moins d’effets indésirables possible ».

Groupe Cloutier Investissements ne comprend pas pourquoi un courtier pourrait recevoir une rémunération d’un tiers non inscrit, mais ne pourrait pas lui rendre la pareille d’après l’encadrement proposé. « Cette mesure nous apparaît inéquitable », écrit le courtier dans son mémoire.

Un des effets néfastes de cette interdiction serait d’inciter indirectement certains représentants en épargne collective à établir des ententes d’indication de client à l’insu de leur courtier, déplore Groupe Cloutier Investissements : « Par exemple, un représentant inscrit autant en épargne collective qu’en assurance de personnes pourrait effectuer des paiements de commissions d’indication de clients à partir de son cabinet en assurance de personnes sans que le courtier en épargne collective n’en soit informé. Conséquemment, nous suggérons aux ACVM de retirer l’exigence que la commission d’indication de client ne puisse être versée qu’à une autre personne inscrite. »

Le Groupe financier Peak comprend quant à lui que l’interdiction vise à éviter que des représentants abandonnent leur permis en valeurs mobilières tout en continuant de mener des activités en valeurs mobilières et recevoir une rémunération de recommandation.

« Nous sommes d’accord avec l’interdiction des frais de recommandation dans ces circonstances. Cependant, nous craignons que le libellé de l’encadrement proposé ne soit pas clair et inclue à tort les ententes de recommandation en vigueur qui visent à fournir au client les meilleurs conseils et ressources possible. Nous encourageons donc que le libellé soit plus clair et précis et qu’il ne soit pas destiné à s’appliquer aux ententes d’indication qui améliorent les services offerts aux clients », lit-on dans le mémoire du Groupe financier Peak.

Par ailleurs, FAIR Canada est favorable à la réforme proposée par les ACVM des règles concernant les ententes d’indication dans le but de résoudre les problèmes d’arbitrage réglementaire. « Cependant, nous sommes d’avis que le document de consultation ne fournit pas suffisamment de preuves empiriques, d’informations qualitatives ou d’analyse pour évaluer les limites proposées aux ententes d’indications », lit-on le groupe de défense des investisseurs.

Restrictions dénoncées pour les ententes permises

Les restrictions proposées par les ACVM aux commissions d’indication de clients, soit la durée maximale de 36 mois et la limite de 25 % de la rémunération versée par le client à la personne inscrite, préoccupe MICA Services financiers. Selon ce courtier, ces restrictions risquent de mal servir les clients et engendrer des effets indésirables.

« Nous croyons qu’il est possible qu’une personne inscrite préfère ne pas indiquer un client à un tiers sachant qu’après 36 mois, elle ne recevra plus de commissions d’indication. Cette personne pourrait alors être plutôt tentée de servir elle-même le client, tant bien que mal, et ainsi priver son client d’une expertise particulière externe qui aurait pu, par ailleurs, être bénéfique pour le client », lit-on dans le mémoire de MICA.

Pire encore, la période de trois ans pourrait engendrer des comportements discutables, qu’évoque MICA : « Le représentant ayant indiqué un client à un tiers, voyant l’approche de l’échéance du 36 mois, ne pourrait-il pas être tenté de convaincre son client de terminer sa relation avec ce tiers dans le but de lui permettre d’indiquer ce même client à un autre tiers afin de pouvoir bénéficier à nouveau, pour un autre 36 mois, d’autres commissions d’indication? Serait-ce vraiment et nécessairement dans l’intérêt du client? Nous ne le pensons pas. »

Manuvie est aussi préoccupée par le risque de « churning » qui pourrait survenir à la fin de la période de 36 mois, ce qui ne servirait pas bien le client. « Nous estimons également que ce délai de 36 mois incitera l’entreprise ou la personne inscrite à utiliser d’autres solutions pour leur client où aucune restriction de ce type ne serait imposée et dont le coût peut être plus élevé », lit-on dans le mémoire de Manuvie.

RBC Dominion Valeurs mobilières craint aussi que la restriction de 36 mois risque d’orienter leurs clients vers d’autres non-inscrits qui ne sont pas soumis au Règlement 31-103.

Selon le Groupe Cloutier, la limitation proposée de 36 mois ouvre aussi la porte à des arrangements particuliers établis à l’insu du courtier entre un référent et un représentant en épargne collective. « Par ailleurs, les systèmes informatiques actuels ne permettent pas d’identifier de manière automatique la date de début d’un référencement et cette limitation de temps devra être gérée de façon largement manuelle, avec le risque d’erreurs que cela comporte », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.

MICA ne comprend pas l’intérêt de limiter à 25 % les frais de recommandation. « Par exemple, un tiers pourrait charger, au total, 1 % au client et verser à l’indicateur 0,25 %. Dans un autre cas, un tiers pourrait charger 0,85 % au client, mais souhaiter verser à l’indicateur 0,30 %. Dans ce deuxième cas, pour des services équivalents, il en coûterait moins cher au client même si le pourcentage versé en commission d’indication est supérieur. »

Manuvie estime que le pourcentage alloué aux frais de recommandation est une décision d’affaires soumise à des considérations concurrentielles.

Le Groupe Cloutier se dit quant à lui « à l’aise dans une certaine mesure avec les propositions visant à limiter la proportion des revenus versés au référent » : « Nous suggérons toutefois d’augmenter la limite proposée de 25 %. »

Non au magasinage de commission de référencement

Par ailleurs, d’autres groupes sont favorables aux mesures proposées par les ACVM, dont l’Investor Advisory Panel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario : « Nous soutenons ces mesures dans la mesure où elles visent à faire en sorte que les références des clients soient correctement orientées en fonction de ceux qui répondent le mieux aux besoins de la clientèle et non en fonction de ceux qui offrent les frais de référence les plus élevés. »

La Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ) appuie les modifications proposées par les ACVM à l’égard de l’encadrement des ententes d’indication de clients. « Il nous paraît entre autres important qu’elles ne puissent intervenir qu’entre assujettis. Il nous paraît d’autre part qu’on devrait se pencher avec attention sur la problématique de la transparence dans ce domaine et, notamment, del’importance de la divulgation d’ententes d’indication aux consommateurs, afin qu’ils puissent faire des choix éclairés lorsqu’on leur propose de s’adresser à un assujetti plutôt qu’à un autre », lit-on dans le mémoire de la CACQ.