« Le but est vraiment d’avoir plus d’investissements à l’avenir pour assurer qu’on ait une création d’emplois, a expliqué M. Morneau. Donc, ça c’est notre but et on a (pris) des mesures pour assurer que vis-à-vis des Américains, nous sommes dans une position compétitive. »
Le gouvernement fédéral permettra aux entreprises canadiennes de rentabiliser leurs achats en amortissant en entier le coût de leur nouvelle machinerie dès la première année suivant l’achat et d’amortir le coût de leurs investissements dans les technologies propres. Il crée également l’Incitatif à l’investissement accéléré pour que les entreprises, des petites aux grandes, puissent déduire une portion plus grande du coût d’autres biens qu’elles achètent pour soutenir leurs activités, comme des logiciels, des ordinateurs, du matériel de bureau et des véhicules.
Ces trois mesures qui entrent en vigueur immédiatement coûteront 14 milliards de dollars (G$) jusqu’en 2023-2024. Plus de la moitié de cet argent serait dépensé lors des deux prochaines années financières. Les retombées qu’elles pourraient générer ne sont toutefois pas chiffrées.
« Bien sûr, c’est impossible de dire exactement qu’est-ce qui va se passer, a concédé M. Morneau. Mais nous avons (la) certitude qu’avec les investissements, on va avoir une bonne économie et, ça, c’est vraiment notre position. »
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a salué ces incitatifs qui s’accompagnent d’une promesse d’allégement réglementaire.
« Effectivement, ça pourrait inciter plusieurs entreprises à investir parce que ça permet des économies à la fin de l’année, a-t-elle expliqué. Ça veut dire que si vous êtes imposés, juste au niveau fédéral, à hauteur de 15 %, dans le fond, c’est une économie de 15 % à la fin de l’année par rapport à l’impôt que vous auriez payé auparavant. »
Ces mesures ciblées visent à stimuler l’investissement et entretenir la compétitivité des entreprises canadiennes pour éliminer la tentation américaine. La réforme fiscale Trump adoptée en décembre 2017 a fait passer le taux d’imposition des entreprises de 35 % à 21 % et leur permet également d’amortir le coût entier de certains biens en capital.
Le ministre Morneau estime que le taux d’imposition marginal pour les entreprises au Canada en tenant compte de ces trois mesures est désormais plus avantageux de 5 % que celui offert par les États-Unis, et le plus compétitif des pays du G7.
Des réactions mesurées
Contrairement à la mise à jour économique de l’an dernier qui capitalisait sur une forte croissance économique, celle de mercredi prévoit peu de nouveaux revenus pour financer ces nouvelles mesures. Ceux-ci varient entre 5,3 G$ en 2019-2020 et 4,1 G$ en 2022-2023.
Aucun retour à l’équilibre budgétaire n’est prévu ni à court terme ni dans un deuxième mandat libéral. Le déficit anticipé est légèrement plus bas que ce que le dernier budget prévoyait, mais augmentera de près de 2 G$ annuellement au cours des années subséquentes. Celui-ci, qui devait s’élever à 17,8 G$ en 2019-2020 selon les prévisions du budget de 2018, se chiffrera plutôt à 19,6 G$ lors de cette année financière, puis diminuerait graduellement par la suite.
Les conservateurs s’inquiètent de l’ampleur de ces déficits et rappellent que le gouvernement avait promis en campagne électorale que « le budget s’équilibrerait de lui-même ».
Bill Morneau a défendu son approche qu’il qualifie de « responsable » et d’«optimiste » et a expliqué pourquoi il préfère éviter une élimination rapide des déficits.
« Ce que ça voudrait dire, c’est que nous devrions faire des compressions et adopter une approche fondée sur l’austérité, ce qui aurait à notre avis l’effet inverse que ce que nous tentons d’accomplir, soit le maintien de la croissance (économique) et (de la création) d’emploi », a-t-il affirmé.
Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a salué les initiatives fédérales visant à accroître la compétitivité et l’innovation des entreprises canadiennes.
« Nous réitérons notre volonté de faire en sorte que le Québec puisse se prévaloir de l’ensemble des sommes qui sont disponibles par l’entremise, notamment, du Fonds stratégique pour l’innovation et du Fonds de finance sociale », a-t-il déclaré.
Le ministre Girard fera connaître l’intention du gouvernement sur l’harmonisation de sa législation fiscale à celle du gouvernement fédéral dans le cadre de la mise à jour économique prévue le 3 décembre prochain.
S’il est d’avis que le ministre Morneau a adopté des mesures positives, Ian Russell, président et chef de la direction de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, considère impératif pour les entreprises et les investisseurs que le gouvernement s’engage à établir l’équilibre budgétaire. « Un plan budgétaire crédible exerce une discipline sur les dépenses publiques et instaure la confiance dans des taux d’imposition stables et dans une dette publique gérable, même si la conjoncture commerciale se détériore », a-t-il réagit.
Bien que la FCEI ait observé plusieurs mesures d’intérêt dans l’Énoncé économique, elle note toutefois que les PME demeureront sans doute inquiètes devant les augmentations auxquelles elles auront à faire face dans les mois à venir. Dans cet esprti, Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la FCEI, a évoqué les hausses des contributions prévues au RPC/RRQ à compter du 1er janvier prochain, la nouvelle taxe sur le carbone dans certaines provinces de même que les impacts de la récente réforme fiscale du gouvernement fédéral. « Le tout, sans compter que l’Énoncé ne comporte pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire dans un avenir rapproché ».
De son côté, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) estime que plusieurs des mesures annoncées par le ministre des Finances, Bill Morneau, permettront de soutenir les entreprises qui investissent, mais considère, à regret, que non seulement l’allègement fiscal en réponse aux reformes américaines tarde à se matérialiser, mais également un plan de retour à l’équilibre budgétaire.
« Le gouvernement fédéral reconnaît que la réforme fiscale américaine pourrait avoir des répercussions importantes sur les investissements, les emplois et l’économie canadienne, si rien n’est fait, et que le Canada a perdu son avantage fiscal. Des gestes commencent à être posés, mais ils ne doivent pas être timides », a déclaré Stéphane Forget, président-directeur général de la FCCQ.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain prend acte quant à elle de « la volonté du gouvernement d’appuyer les PME et de veiller à la compétitivité », et évalue que cela accueillie favorablement par le milieu des affaires, mais que ajoute que l’absence d’une baisse de l’impôt des entreprises laisse perplexe.
« Le gouvernement utilise plusieurs outils tout à fait appropriés pour stimuler les investissements, favoriser les gains de productivité et inciter les entreprises à s’engager dans la transition énergétique. Les mesures fiscales qui permettront l’amortissement accéléré de plusieurs types d’investissement constituent une bonne nouvelle. Toutefois, devant l’ampleur de la réforme américaine, les mesures annoncées risquent d’être insuffisantes. Le niveau plus élevé de l’impôt des sociétés au Canada crée un désavantage fiscal pour nos entreprises. L’incapacité d’atteindre l’équilibre budgétaire au cours des dernières années aura créé une situation où le gouvernement ne sent pas qu’il a la marge de manœuvre pour procéder aux baisses d’impôt qui seraient requises. C’est exactement le type de risque que la politique des déficits successifs a engendré. Nous encourageons le ministre Morneau à demeurer très vigilant et à ne pas hésiter à abaisser les impôts lors du dépôt de son prochain budget si la situation devait le nécessiter », a déclaré Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
(avec La Presse Canadienne)