L’abolition des frais d’acquisition reportés (FAR) serait une mesure trop invasive qui briserait l’équilibre dans l’industrie financière et il est temps que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) envisagent un meilleur encadrement plutôt que leur abolition.
C’est l’essentiel du message qu’a livré Mérici Services financiers, dans un mémoire remis aux ACVM dans sa consultation sur l’option d’abolir les commissions selon l’option des frais d’acquisition reportés.
D’après Mérici, une éventuelle abolition des FAR risque de créer de nombreuses conséquences inattendues. Le courtier de Sherbrooke a mené un sondage auprès de ses conseillers dont les conclusions le confirment.
Pour les clients du marché de masse, l’abolition des FAR leur ferait perdre l’accès au conseil auprès de courtiers indépendants et accroîtrait le risque qu’on leur propose des produits plus coûteux, comme des fonds distincts, selon Mérici Services financiers.
Pour les conseillers, l’abolition des FAR créerait une barrière à l’entrée importante pour les nouveaux représentants chez un courtier indépendant s’ils ne disposent pas d’une source de revenus autre, comme en assurance de personne. Cette possible interdiction engendrerait aussi un « risque important qu’un certain nombre de représentants délaissent les activités en épargne collective pour se concentrer sur d’autres secteurs d’activité », lit-on dans le mémoire de Mérici.
Afin d’éviter ces problèmes, Mérici Services financiers met de l’avant plusieurs mesures que les ACVM devraient adopter en remplacement de l’abolition des FAR. Voici les six principales.
1. Obliger les représentants à rembourser les frais de rééquilibrage
Mérici admet que l’existence de frais de rachat peut influer sur la décision d’un investisseur et que cette influence ne devrait pas exister.
C’est pourquoi le courtier propose d’«obliger, ou encourager fortement, les courtiers et les représentants à rembourser aux clients les frais encourus lors du rééquilibrage d’un portefeuille afin qu’ils se sentent parfaitement libres d’effectuer les transactions adéquates et requises dans leur meilleur intérêt. »
Mérici rappelle toutefois, à l’instar de l’Institut des fonds d’investissement du Canada, que la plupart des manufacturiers de fonds qui offrent des FAR offrent par ailleurs un très large éventail de fonds variés : « Il est tout à fait possible pour un investisseur désireux de mettre fin au piètre rendement d’un fonds qu’il détient de le substituer pour un autre fonds du même manufacturier sans déclencher le paiement des frais de sortie. »
Toutefois, il peut y avoir des situations où le manufacturier en question n’offre pas de fonds de substitution adéquat ou encore que la meilleure solution de rechange se trouve auprès d’un manufacturier concurrent, selon Mérici, d’où la proposition.
2. Le coût des FAR devrait être assumé par ceux qui en bénéficient
Les ACVM ont montré du doigt un problème avec les FAR. Certains manufacturiers de fonds n’ont pas créé de série de fonds spécifique qui englobe uniquement les clients qui investissent dans les FAR. Le problème est donc que l’ensemble des investisseurs dans un fonds se retrouvent à payer les coûts supplémentaires découlant des FAR.
Pour solutionner ce problème, « les ACVM devraient modifier la réglementation de manière à ce que les coûts liés au financement des frais de vente différés (FVD) soient assumés par ceux qui en bénéficient plutôt que par tous les investisseurs », écrit Mérici.
L’exemple de la société Fidelity Investment est intéressant à cet égard et mérite d’être étudié, selon Mérici, puisque les ratios de frais de gestion des fonds sans frais d’acquisition sont plus bas que ceux avec FAR.
3. Forcer la négociation des FAR entre le client et le conseiller
Selon Mérici, abolir les FAR est aussi absurde que si « la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail du Québec (CNESST) constatant que des travailleurs de la construction se blessent régulièrement avec leur marteau, en interdirait l’usage. »
Afin de gérer le conflit d’intérêts découlant de la rémunération d’un tiers, qui déplait tant aux ACVM, Mérici a une autre solution. Le courtier propose d’exiger que ce soit le client qui détermine, avec son conseiller, le taux de commission de vente applicable dans le cadre d’une structure en FAR.
« Cette mesure, combinée à nos autres suggestions qui suivent, permettrait de remettre à l’avant-scène la rémunération du courtier et du conseiller, de la rendre plus transparente et d’identifier clairement sa source », lit-on dans le mémoire de Mérici.
Le seul avantage pour le courtier et le représentant dans les FAR réside dans l’absence de négociation avec le client, ce qui évite un sujet parfois délicat. Obliger la négociation des FAR avec le client viendrait enrayer cet avantage.
4. Encadrer les FAR pour éviter les problèmes de convenance
Le fait qu’un représentant ait recommandé à un client de 70 ans des fonds en FAR illustre une situation potentiellement problématique au niveau de la convenance, d’après Mérici.
C’est pourquoi les ACVM devraient édicter clairement les limites raisonnables de l’utilisation des FAR, plutôt que de les interdire, selon Mérici.
D’après ce courtier, on devrait interdire le recours aux FAR lorsque :
– l’âge du client est trop avancé;
– l’horizon de placement du client est trop court ou indéfini;
– les sommes investies proviennent d’un prêt levier;
– les sommes investies constituent la réserve financière du client;
– la totalité des actifs investis du client dépasse un certain seuil;
– la situation financière du client lui permettrait de rémunérer directement le courtier/représentant.
5. Favoriser la rémunération en décommissionnement
Il est vrai que les FAR constituent un frein important, pour un client, lorsqu’il envisage de décaisser de l’argent investi dans un fonds d’investissement, notamment lorsqu’il subit un revers financier avant la fin du barème de rachat. Toutefois, les ACVM ne peuvent ignorer une option de rechange à l’abolition des FAR, soit les structures de rémunération dites en « charge back » ou en décommissionnement.
Selon ce type de structure, le courtier et le représentant reçoivent une commission à la vente versée par un fonds d’investissement, mais « ce sont ces mêmes courtier/représentant qui doivent assumer le frais de sortie s’il y a lieu ».
« Une telle structure ferait assumer à l’industrie elle-même les risques liés à l’obtention d’une commission de vente ce qui aurait pour effet de créer une retenue naturelle à y recourir, sans l’interdire et en libérant l’investisseur de tout calendrier ou frais de rachat », note Mérici.
6. S’assurer que l’utilisation des FAR est raisonnable
Les ACVM devraient accentuer leur surveillance des situations problématiques entourant les FAR, notamment les situations de barattage (churning). Elles devraient aussi « imposer une obligation de raisonnabilité aux courtier/représentant prescrivant que la rémunération reçue doive être raisonnable compte tenu de la prestation de service offerte aux clients. »
Mérici semble ici vouloir éviter un problème, identifié par les ACVM, selon lequel des représentants gagnent une rémunération grâce aux FAR, mais offrent peu ou pas de services aux clients.
« Bien que plus difficilement applicable, cette mesure existe au sein de plusieurs ordres professionnels et donne une emprise aux régulateurs de sévir en présence d’excès. Elle invite également les inscrits à adopter une pratique raisonnable en matière de rémunération et permettrait également de limiter les cas où le recours aux honoraires mène à des abus marqués », lit-on dans le mémoire de Mérici.