Louis Vachon dans un fauteuil

Pour l’exercice 2018, le résultat net de la BN s’élevait à 2,23 G$ et a augmenté à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 10 % de 2014 à 2018. Le revenu total se chiffrait à 7,16 G$ en 2018 et a progressé à un TCAC de 7 % de 2014 à 2018.

«La performance globale de la BN est impressionnante, note le jury du Top 25 de l’industrie financière. Louis Vachon a géré un grand nombre de dossiers tout en maintenant une bonne performance. Il s’est entouré d’une bonne équipe.»

Perçu par son entourage comme un homme de décision et un leader intelligent, Louis Vachon reste mesuré. «Il nous répétait souvent : « On n’a pas paniqué quand ça allait mal, mais on ne se pensera pas plus fins quand ça va bien »», note Diane Giard, ancienne première vice-présidente à la direction, Particuliers-Entreprises, à la BN. Elle le décrit comme un dirigeant capable d’analyser avec justesse une situation complexe et de mettre de l’avant des solutions pertinentes avec rigueur et discipline.

Louis Vachon et son équipe récoltent des fruits qui n’étaient pas gagnés d’avance, particulièrement pour ce qui est du développement international de la banque. Des analystes et des investisseurs institutionnels l’ont dissuadé lorsqu’il a voulu développer ces activités, relate Luc Paiement, conseiller à la direction de la BN : «[Or], il faut être armé pour le faire changer d’idée sur quelque chose.»

Louis Vachon a gardé le cap. En 2018, les activités internationales de la BN ont représenté 8,7 % de ses revenus et 9,2 % du résultat net, grâce aux résultats de sa division de financement spécialisé en créances à la consommation, Credigy, aux États-Unis, et à ABA Bank, sa filiale du Cambodge.

«On ne s’attendait pas à avoir un coup de circuit avec [tous] les placements. Avec Credigy, ça a été un coup de circuit, dit Louis Vachon. On génère [aujourd’hui] deux fois plus de profits que ce qu’on a payé en 2006.»

Il accueille ces succès avec humilité : «Comment ces divisions vont-elles se comporter dans un ralentissement économique ? Ce sera à ce moment que le verdict final sera confirmé.»

Prudent, Louis Vachon juge qu’un tel ralentissement sera aussi le vrai test pour le portefeuille de créances du secteur pétrole et gaz de la banque, pour lequel «les pertes sur prêts ont été très peu volatiles». Rappelons que la BN a pris une provision pour pertes de 250 M$ en 2016 pour ces créances, laquelle a été réduite en 2017 pour des raisons comptables. Conséquemment, pour l’exercice 2016, le résultat net de la BN a chuté de 22 % par rapport à celui de 2015, à cause de cette provision et d’une charge relative à des initiatives de restructuration et à des radiations d’actifs intangibles.

Évolution technologique

Depuis cinq ans, la BN a beaucoup progressé sur le plan technologique, notamment dans sa numérisation et son automatisation. Son application mobile est bien perçue. La BN utilise l’intelligence artificielle pour le trading, pour faire des maintenances de marché automatisées, dans sa division des marchés financiers.

Même si la banque investit 800 M$ en technologie par année, dont 400 M$ sont consacrés aux nouveaux projets, son défi reste de choisir le développement approprié. «C’est facile de se demander dans quoi on est prêt à être meilleur que les autres, dit Louis Vachon. Au contraire, nous préférons nous demander dans quoi nous sommes prêts à être moins bons que les autres.»

La BN met de l’avant le développement de solutions mobiles, l’intelligence artificielle, l’utilisation des données et la cybersécurité, et préfère délaisser la réalité virtuelle et les cryptomonnaies. La chaîne de blocs fait pour sa part l’objet de «quelques projets pilotes».

Qui dit nouvelles technologies dit aussi nouveaux risques potentiels pour l’industrie, lesquels peuvent être plus difficiles à évaluer. Par exemple, l’utilisation des algorithmes a créé des enjeux de liquidités dans certains marchés financiers, selon Louis Vachon : «Bon nombre disent qu’une partie de la volatilité de novembre-décembre était liée à l’utilisation de certains algorithmes de gestion de risque. Il faut garder l’oeil ouvert et être flexible et agile.»

Quant à l’open banking, qui prévoit l’ouverture des systèmes d’information des banques et le partage des données de leurs clients à des tiers, celui-ci fonctionnera avec des organisations capables de protéger les données, dit le dirigeant : «Un système de protection des données est aussi fort que son chaînon le plus faible.»

Miser sur le talent

Pour réussir sa transformation numérique, Louis Vachon mise d’abord sur la culture et le talent : «L’essentiel est d’avoir des employés bien formés, bien mobilisés et une culture d’entreprise inclusive et très adaptée au changement. Ce sera la clé à long terme, pas un bidule techno.»

Louis Vachon décrit la culture qu’il a mise en place avec son équipe de gestionnaires comme une culture de collaboration où les employés ont le pouvoir d’agir, et ce, dans un contexte où l’éthique est importante.

Passionné d’histoire, le dirigeant s’inspire des transformations passées. «En 1600, qui croyait que, 200 ans plus tard, l’Angleterre allait contrôler le quart du globe ? Personne, dit Louis Vachon. Ce qui m’encourage, c’est que l’Angleterre n’était pas le plus grand pays. Ce n’est pas vrai que l’économie d’échelle (scale) est tout ce qui compte. Quand il y a des transformations, ceux qui s’adaptent le plus rapidement gagnent.»

Selon Diane Giard, l’un des défis de Louis Vachon sera de préparer sa succession. À 56 ans, il y travaille avec le conseil d’administration, même s’il n’a pas d’échéancier fixe. «Nous avons encore plusieurs années avant d’accélérer le processus. Nous allons regarder comment le contexte évolue. Je ne voudrais pas partir en pleine crise.»

Louis Vachon est le gagnant de la catégorie Institutions financières à portée nationale du Top 25.