Cette année, les changements technologiques est un thème qui ressort de plusieurs entretiens. Le constat : le secteur évolue plus rapidement que jamais.
«On a vu plus d’innovation durant les deux dernières années en assurance au Canada qu’on en a vu dans les 25 précédentes, constate Jean-François Chalifoux, président-directeur général de SSQ Assurance et «Personnalité financière de l’année 2018». C’est un peu pourquoi notre stratégie d’innovation s’appuie beaucoup sur des partenariats, notamment avec des fintechs. On a réalisé rapidement que le monde des affaires devenait de plus en plus complexe.»
Entre autres, les assureurs, les institutions financières, les gestionnaires de portefeuille et les firmes de courtage ne font plus seulement face à la concurrence des autres acteurs du secteur. Ils doivent maintenant surveiller les Google, Apple, Facebook et Amazon de ce monde qui convoitent le secteur financier, où ils aimeraient probablement faire des percées.
Les exemples en Chine ont de quoi faire réfléchir l’industrie et ses régulateurs, comme l’évoquait Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers, dans un discours prononcé en novembre : «Des entreprises majeures comme les chinoises Alibaba et Tencent étendent aujourd’hui leur offre à des produits d’assurance et des outils d’épargne, et prennent de plus en plus la forme de grandes institutions financières…»
«Ce sont des géants du numérique qui risquent de nous concurrencer, donc il va falloir s’ouvrir, prévient Jean-François Chalifoux. Quand je regarde les risques de crise potentielle, je vois l’arrivée de géants du numérique ou d’acteurs qu’on ne connaît pas aujourd’hui qui pourraient venir rompre nos modèles d’affaires et détruire énormément de valeur.»
Le développement de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, pourrait aussi bousculer les façons de faire dans l’industrie. L’innovation permet non seulement de se démarquer, mais également de mieux répondre aux besoins de sa clientèle, comme le souligne Stéphane Corriveau, président et directeur principal d’AlphaFixe Capital. Sa firme connaît aujourd’hui du succès avec «des produits, par exemple les prêts bancaires et les fonds d’obligations vertes, qui n’existaient même pas il y a 10 ans».
De plus, les applications pratiques des innovations actuelles et futures risquent de bouleverser, voire de menacer le travail de nombreux professionnels de l’industrie : conseillers, gestionnaires de portefeuille, chefs de conformité, négociateurs et mainteneurs de marché, comptables, etc.
Cependant, l’humain disparaîtra-t-il vraiment d’une industrie où la confiance des clients est capitale ? Rien n’est moins sûr. L’avenir appartient au conseiller qui utilisera les nouveaux outils technos pour accroître son efficacité et, surtout, pour libérer un temps précieux dans son horaire, estime Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, chez RBC Dominion valeurs mobilières. Ce conseiller pourra ainsi mieux servir son client et gagner sa confiance.
«Dans un environnement comme le nôtre, où tout change, les gens se sentent inondés et leur méfiance augmente. Quand ils ont une décision à prendre, leur cercle de confiance devient très petit», explique Paul Balthazard. Un conseiller qui se taille une place dans ce cercle aura ainsi un avantage sur ses concurrents.
L’adaptation des ressources humaines aux changements technologiques d’une entreprise devrait donc constituer un avantage concurrentiel ou une faiblesse, selon le cas. Rien ne sert d’évoluer technologiquement si les employés qui utiliseront ces nouveaux outils ne sont pas prêts à suivre la parade, comme l’explique Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale : «Dans un âge de révolution technologique, où on parle beaucoup de technologie, il faut se rappeler que le différenciateur principal en affaires, et même dans la société, c’est l’humain, c’est le talent.»
La culture d’entreprise doit donc comprendre une bonne dose d’adaptation au changement : «Je dis souvent à mes employés : « La seule chose que je peux vous promettre, c’est plus de changement », ajoute-t-il. On veut donc créer une culture d’organisation qui soit bien adaptée au changement à long terme.»
Les vents soufflent fort au coeur de la révolution technologique et ils risquent de continuer de le faire encore un moment. En somme, l’industrie devra donc s’adapter, en s’inspirant de ce vieil adage maritime : «Personne ne peut diriger le vent, mais on peut toujours apprendre à ajuster ses voiles.»
L’équipe de Finance et Investissement