L’an dernier a été difficile pour les gestionnaires de placements. Les actions ont bien performé pendant les neuf premiers mois de l’année, puis ont plongé, particulièrement en décembre. Les taux d’intérêt ont monté, mais ont un peu reculé alors que l’année tirait à sa fin.
Un tel contexte peut être favorable aux «stock-pickers», et effectivement, quelques familles de fonds communs qui utilisent ce style ont bien performé. Mawer Investment Management menait le peloton avec 90,1 % d’actifs sous gestion (ASG) à long terme détenus dans des fonds avec une performance de premier ou deuxième quartile pour l’année terminée le 31 décembre 2018, selon les données de Morningstar Canada.
«C’était une année où l’ennuyant marchait bien et l’excitant grésillait», dit Paul Moroz, chef adjoint des placements et gestionnaire de portefeuille chez Mawer Investment Management. «Bon nombre de FAANG [Facebook, Amazon.com, Apple, Netflix et Alphabet (c’est-à-dire Google)] avaient perdu de leur popularité, en partie à cause [à la fois] du resserrement de la politique monétaire et d’une plus grande incertitude.»
Par conséquent, l’argent a été retiré des marchés, ce qui «a sapé la spéculation», ajoute Paul Moroz, et n’a pas produit suffisamment de volatilité pour créer des occasions d’investissement. Toutefois, la volatilité a augmenté plus tard en 2018.
«La combinaison de la volatilité accrue des marchés et de la large dispersion des rendements dans les pays, les secteurs et les entreprises individuelles a créé des occasions pour les gestionnaires qualifiés et actifs», dit Dan Chornous, chef des placements chez RBC Gestion mondiale d’actifs.
La famille de fonds de RBC, la plus grande au Canada avec un ASG à long terme de plus de 300 G$ en date du 31 décembre, a très bien performé l’an dernier, bien que son pourcentage d’ASG à long terme dans les deux quartiles supérieurs, à 58,1 %, soit bien au-dessous des plus performants.
Selon Paul Moroz, l’année 2019 sera difficile. Il précise : «Les actions pourraient se faire démolir ou elles pourraient monter un peu. Il pourrait y avoir des vagues de volatilité dans les deux directions.»
Parmi les questions importantes : y aura-t-il encore un resserrement de la politique monétaire ? Les taux d’intérêt se maintiendront-ils au niveau actuel ? Le ralentissement de l’économie de la Chine est un autre facteur clé, et Paul Moroz pose la question : «Cela s’aggravera-t-il ?»
Les autres familles de fonds qui ont bien performé en 2018 sont celles de Fidelity Investments Canada et de Beutel Goodman, dont les gestionnaires de portefeuille étaient également des stock-pickers, avec 80,8 % et 79,4 % d’ASG à long terme, respectivement, détenus dans des fonds qui ont eu une performance au-dessus de la moyenne.
Cependant, la sélection de titres n’a pas toujours donné d’excellents résultats l’an dernier. Les fonds de Placements Franklin Templeton et d’Invesco Canada ont lutté, avec seulement 34,7 % et 20,1 % d’ASG à long terme, respectivement, détenus dans des fonds qui ont eu une performance au-dessus de la moyenne.
La sélection de titres n’était pas non plus la seule réponse. Les fonds de Fonds Dynamique et de Gestion d’actifs Scotia ont également eu de bons rendements : Fonds Dynamique s’est classé deuxième, à 82,6 %, et Gestion d’actifs Scotia, cinquième, à 78,6 %. Les deux familles offrent une gamme variée de styles d’investissement.
Glen Gowland, vice-président à la direction, gestion de patrimoine mondiale, à la Banque Scotia qui détient les deux familles de fonds, attribue cette excellente performance aux gestionnaires de portefeuille chevronnés qui ont fait les bons ajustements dans le dernier trimestre de 2018.
Voici un aperçu plus détaillé de quelques familles de fonds communs :
MAWER INVESTMENT MANAGEMENT. Paul Moroz ne s’inquiète pas de la façon dont le contexte extérieur évolue : «Ce qui est important, c’est de trouver des entreprises qui produisent des bénéfices et des dividendes». Il indique deux titres «ennuyants», dont la plupart des gens n’ont jamais entendu parler et qui ont eu une très bonne performance en 2018.
Wolters Kluwer, établie aux Pays-Bas, est une société internationale de services d’information qui offre des logiciels dans les domaines suivants : soins de santé ; fiscalité et comptabilité ; gouvernance, risque et conformité ; et questions juridiques et de réglementation. Par exemple, quand vous consultez un médecin, il est fort probable qu’il utilise un logiciel de Wolters Kluwer pour établir un diagnostic. Votre comptable aussi utilise probablement un logiciel de cette entreprise. «En dollar canadien, son titre est monté de 25 % en 2018», dit Paul Moroz.
Aon, établie au Royaume-Uni, est une société de courtage en assurance et de services de ressources humaines qui aide les entreprises ayant des besoins en assurance à gérer le risque dans un monde de plus en plus hasardeux, dit Paul Moroz. Le rendement du titre a été d’un peu plus que 20 % en 2018.
FONDS DYNAMIQUE et GESTION D’ACTIFS SCOTIA. Bien que ces deux familles de fonds appartiennent à Banque Scotia, ce sont des familles distinctes qui utilisent la même société de gestion de placement, soit Gestion d’actifs 1832, qui appartient aussi à Banque Scotia.
Les fonds Dynamique et les fonds Scotia ont des similitudes, mais sont différents. Selon Glen Gowland, leurs mandats peuvent différer ; ainsi, les fonds Scotia sont en général un peu plus défensifs et leurs avoirs sont habituellement moins concentrés.
Par conséquent, les fonds Scotia ont tendance à avoir des rendements plus constants. Ainsi, au cours des cinq dernières années, la famille de fonds Scotia a enregistré quatre années avec au moins 55 % d’ASG à long terme détenus dans des fonds qui ont performé au-dessus de la moyenne, alors que la famille de fonds Dynamique n’a affiché que trois ans de rendements au-dessus de 55 %. Pour la famille Scotia, le pourcentage moyen d’ASG détenu dans des fonds qui se sont classés dans le premier ou le deuxième quartile en 2014-2018 a été de 62,4 %, alors que celui des fonds Dynamique a été de 52,6 %.
Cependant, selon Glen Gowland, la capacité des fonds Dynamique d’avoir «des positions importantes» dans des portefeuilles plus concentrés signifie que lorsque la famille performe bien, elle a habituellement un pourcentage plus élevé d’ASG détenu dans le premier ou le deuxième quartile, comme c’était le cas en 2018.
«[Je prévois] d’assez bonnes nouvelles sur la plupart des fronts en 2019, dit Glen Gowland. Ce sera simplement moins bon qu’en 2017 et 2018.»
Il y a des questions cruciales, dit Glen Gowland. Par exemple, les actions ont-elles été survendues en décembre dernier, ou le quatrième trimestre de 2018 sera-t-il la norme à partir de maintenant ? Si les actions continuent de monter, bien que probablement avec plus de volatilité, les fonds tant de Dynamique que de Scotia sont bien positionnés.
FIDELITY INVESTMENTS CANADA. La famille de fonds de Fidelity a connu un redressement radical, avec 80,8 % d’ASG à long terme détenus dans des fonds qui ont performé au-dessus de la moyenne pendant l’année terminée le 31 décembre, par rapport à 32,2 % en 2017 et à 30,6 % en 2016. Kelly Creelman, vice-présidente, produits et solutions aux particuliers, attribue ce bas à un retour à «la volatilité normale des marchés financiers».
Quand la volatilité est faible, il n’y a pas beaucoup d’occasions de sélectionner des titres de bonne qualité à des cours attrayants. Quelques gestionnaires de portefeuille de Fidelity aussi ont été très défensifs l’an dernier. L’ensemble a donné des rendements de fonds inférieurs à ceux de bon nombre de concurrents.
Toutefois, dès le retour de la volatilité à la fin de l’an dernier, les occasions sont revenues. Selon Kelly Creelman, les gestionnaires de portefeuille de la firme ont acheté beaucoup d’actions les jours d’extrême volatilité, en décembre, et elle en voit déjà le résultat dans les rendements.
Kelly Creelman pense qu’il y aura encore plus d’occasions en 2019 parce que l’inquiétude croissante concernant les risques potentiels du marché alimente la volatilité.
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS. Dan Chornous se montre optimiste pour 2019, vu la baisse de la valeur des actions à la fin de 2018. «Les actions sont maintenant au-dessous de notre estimation modélisée de la juste valeur dans toutes les principales régions et semblent particulièrement attrayantes dans les marchés non américains, dit-il. Le récent déclin des actions a diminué la dépendance à l’égard de bénéfices au-dessus de la moyenne pour soutenir le marché haussier. En conséquence, les actions offrent une hausse décente par rapport aux niveaux actuels selon des hypothèses raisonnables, aussi longtemps que les bénéfices se situent entre le milieu et le haut d’une fourchette de croissance à un chiffre, comme les analystes l’anticipent pour 2019.»
BEUTEL GOODMAN. Cette société recherche des entreprises ayant des activités sous-jacentes de qualité pour lesquelles les marchés financiers ont de faibles attentes, dit Mark D. Thomson, directeur général, Actions. Parmi les sociétés sélectionnées qui ont bien performé en 2018 : Rogers Communications et Metro au Canada, Eli Lilly et AutoZone aux États-Unis, et Horizon Pharma en Irlande.
Quant à 2019, Mark D. Thomson aime les entreprises de produits de consommation de base, qui ont de bonnes activités et de faibles évaluations. Il remarque également que les évaluations des firmes de services financiers sont élevées dans un contexte économique difficile, c’est pourquoi ces titres pourraient être de bonne qualité. Il ajoute que les fonds de Beutel devraient «considérablement surperformer si les marchés sont faibles en 2019» à cause de la discipline dont font preuve les gestionnaires de portefeuille de Beutel dans l’achat d’actions lorsque celles-ci sont sous-évaluées.
PLACEMENTS FRANKLIN TEMPLETON. Comme les fonds de Fidelity, la famille de fonds de Franklin Templeton bénéficie de la volatilité, «Quand la volatilité diminue, notre performance relative diminue également», dit Duane Green, président et chef de la direction. Bien que, dans l’ensemble, cela n’ait pas paru dans la performance de la famille en 2018, Duane Green affirme que 66 % de l’ASG de la firme étaient détenus dans des fonds de premier ou deuxième quartile au quatrième trimestre.
Au début de 2018, selon Duane Green, un dynamisme (momentum) animait les marchés. «Au printemps et en été, Il n’était question que des FAANG, dit-il. Nous n’achetons pas comme ça.»
Duane Green juge que 2019 sera «une année de marchés boursiers assez constructive, avec une poursuite de la croissance». Il aime les actions plus que les obligations, et les marchés émergents, plus que les marchés développés.
INVESCO CANADA. «Les avoirs d’Invesco en entreprises de qualité sous-évaluées et ayant de bonnes perspectives à long terme n’ont pas été récompensés en 2018», dit Jamie Kingston, vice-président principal, Gestion et développement de produits pour l’Amérique du Nord.
Selon Jamie Kingston, le premier semestre de 2018 a été dominé par des entreprises à forte croissance et par un élan (momentum), tandis que le second semestre a été dominé par des titres défensifs à croissance plus lente, tels que les services et les produits de consommation. En général, les gestionnaires de portefeuille d’Invesco n’investissent pas dans ces secteurs.
Les fonds d’actions canadiennes de la firme ont été «mis à mal» par leurs avoirs dans des producteurs d’énergie primaire plutôt que par des avoirs dans l’énergie plus défensive, comme les pipelines. De même, les fonds à revenu fixe ont été frappés par une surpondération en obligations de société dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et par les turbulences des marchés financiers en fin d’année.
Jamie Kingston pense que 2019 sera une meilleure année pour la famille de fonds d’Invesco. Il anticipe une amélioration des cours des commodités, ce qui aiderait les avoirs en énergie, et croit également que les marchés émergents, où les évaluations sont faibles, devraient mieux performer que l’an dernier.