À la suite d’une série de scandales qui a éclaboussé le secteur financier, le gouvernement australien a mis sur pied la Commission royale sur les inconduites dans le secteur des banques, des fonds de pension et des services financiers. Après 13 mois de travail, plus de 10 000 mémoires et six rondes de consultation publique, elle a publié son rapport il y a quelques semaines. Un rapport qui vaut la peine d’être lu, a affirmé Ian C. W. Russell, président et chef de la direction de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) dans sa récente lettre du président.
Dans son rapport, la Commission royale australienne a décrit l’ampleur colossale des inconduites au cours des cinq dernières années. Dans la liste des actes répréhensibles : réclamation d’honoraires en absence de service rendu, vente de produits complexes, manque de formation et de compétences professionnelles, systèmes d’incitatifs à la rémunération des conseillers, vente sous pression, etc. Ces inconduites ont eu lieu alors qu’un ensemble de nouvelles lois et réglementations étaient en vigueur depuis 2013.
La commission australienne met le doigt sur le problème : « La cupidité – la recherche du profit à court terme aux dépens des règles d’honnêteté les plus élémentaires. »
« En plus de la cupidité, la Commission a aussi mis en évidence le rôle prépondérant des facteurs suivants : la supervision interne est déficiente; les régulateurs ont dormi au gaz; la culture d’entreprise est axée sur le profit et non pas sur le bien-être du client », lit-on dans la lettre de Ian Russell.
Alors que plusieurs s’attendaient à des mesures de redressement draconiennes et de grande envergure, allant de changements législatifs jusqu’à des changements structurels, la Commission royale s’est plutôt concentrée sur le besoin de meilleures procédures et d’une plus grande supervision en matière de conformité. Le but est de mettre en place une culture d’entreprise qui donne la préséance au client et faire en sorte que les régulateurs emploient de mesures de mise en application. Plutôt que de recommander des changements législatifs, elle a plutôt insisté sur le besoin de simplifier et de mettre en application les règles de base déjà en vigueur.
Réglementer n’est pas suffisant
Comparativement à l’Australie, le secteur canadien de la gestion de patrimoine s’appuie sur des normes beaucoup plus élevées en matière d’intégrité et de professionnalisme, selon Ian Russell. Il est toutefois d’avis que les recommandations de la Commission australienne fournissent des indices précieux aux régulateurs canadiens que des manuels de réglementation étoffés ne garantissent pas une conduite d’agir au mieux des intérêts du consommateur.
Au Canada, des règles détaillées sont déjà en vigueur dans le manuel de réglementation de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) ou dans le projet des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) de réformes ciblées sur les clients. « Cependant, il est nécessaire d’examiner et de rationaliser ces règles, soutient Ian Russell. Dans le but de mettre en place une culture d’entreprise qui donne la préséance au client, il est important que les sociétés fournissent une formation appropriée aux conseillers et qu’elles puissent faire preuve de suffisamment de souplesse pour adapter à leur modèle d’affaires leurs systèmes de conformité et de gestion des risques internes. Les superviseurs et les cadres supérieurs doivent être imputables de leurs actes. Le régulateur doit mettre en place une supervision efficace des lignes de conduite, des procédures et des systèmes internes. Le régulateur doit employer des mesures de mise en application rigoureuses lorsque les circonstances le justifient. »
« Un atout important pour le Canada est qu’une partie importante du secteur de la gestion de patrimoine est assujettie à deux organismes d’autoréglementation qui détiennent la capacité de discernement et l’expertise pour évaluer l’efficacité des procédures et des systèmes internes de conformité des sociétés. Compte tenu de ce qui s’est passé en Australie, les commissions provinciales des valeurs mobilières devraient se pencher sur la possibilité d’élargir le système d’autoréglementation dans le secteur canadien de la gestion de patrimoine », conclut-il.