La consolidation fait rage chez les manufacturiers de fonds d’investissement, mais Guardian Capital n’est pas à vendre. Au contraire. Son chef des placements, Denis Larose, est à l’affût d’occasions de croissance.
La société Guardian Capital, établie à Toronto, affiche 29,2 G$ en actif sous gestion (ASG) au 30 septembre 2018. Près de la moitié se rattache à des mandats d’investisseurs institutionnels, comme les caisses de retraite. L’autre moitié découle de ses activités de sous-conseiller pour manufacturiers de fonds communs et de fonds négociés en Bourse, tels que BMO Investissements et Horizons ETFs Management.
Guardian Capital a également développé une division de gestion privée pour les familles et individus fortunés. Elle a environ 3 G$ en ASG.
En poste depuis 2011, Denis Larose donne sa première grande entrevue à Finance et Investissement. Il évoque le positionnement de la société, ses défis à titre de chef des placements et son cheminement de carrière.
Consolider ou être consolidé
Selon les consultants Boston Consulting Group, la consolidation de l’industrie de la gestion d’actif prendra de l’ampleur à cause de la pression sur les marges bénéficiaires qu’entraîne la popularité des stratégies indicielles.
Au cours de la dernière année, deux firmes indépendantes ont ainsi rendu les armes. Gestion financière MD (49 G$ en ASG) a été acquise par la Banque Scotia, alors que Greystone Managed Investments (36 G$) était avalée par la Banque TD. Après s’être interrogée sur son avenir, la direction de Mawer Investment Management (50 G$) a, pour sa part, décidé de ne pas sortir d’affichette « À vendre ».
Avec ses 30 G$ en ASG, Guardian Capital fait partie de cet univers de gestionnaires de taille moyenne ciblés par les grandes banques et institutions financières.
Qu’en dit son chef des placements ?
« Chez Guardian Capital, on n’a pas de couteau sur la gorge. Notre actionnaire principal, la famille Christodoulou, a une vision de longue durée. La famille dispose de 49 % des actions votantes. De plus, une partie de nos réserves financières d’environ 650 M$ pourrait être consacrée à de futures acquisitions. Finalement, le marché canadien ne punit pas les firmes de 30 G$ en actif sous gestion. Nous maîtrisons notre avenir ! » affirme Denis Larose.
Avec l’arrivée de Denis Larose au poste de chef des placements, Guardian Capital a entrepris d’élargir sa gamme de produits d’investissement ainsi que sa clientèle, institutionnelle et de détail.
Expansion hors Canada
Guardian Capital a longtemps été reconnue pour son expertise quasi exclusive en actions et en obligations canadiennes. Presque toute sa clientèle s’est longtemps trouvée au nord du 49e parallèle.
« En 2011, nous avions entre 12 G$ et 13 G$ en actif sous gestion. Il fallait grossir rapidement et aller au-delà des frontières canadiennes. Seulement 300 M$ étaient investis à l’extérieur du Canada », dit Denis Larose.
Aujourd’hui, environ 8 G$ sont investis hors du pays. La stratégie d’expansion impulsée par le chef des placements explique en partie cet état de fait.
À la suite de l’acquisition, en 2014, d’un gestionnaire londonien d’actif, Guardian Capital dispose maintenant de deux équipes de gestionnaires de portefeuille à Londres. La première s’occupe des actions dans les marchés développés et la seconde, des marchés émergents.
Un peu plus tard, en janvier 2018, Guardian Capital lançait ses filets vers les États-Unis en devenant actionnaire majoritaire d’Alta Capital Management. Cette firme située à Salt Lake City affiche 4,5 G$ en ASG. « Il s’agissait d’élargir notre clientèle américaine de détail par l’intermédiaire d’Alta, une société bien implantée dans des réseaux de distribution comme Ameriprise Financial », précise Denis Larose.
L’expansion à l’international de la clientèle institutionnelle et de détail s’est effectuée à un rythme satisfaisant pour la direction. « Nos clients se trouvent maintenant en Europe, en Chine, aux États-Unis et en Australie. En 2019, nous visons le marché brésilien », précise le chef des placements.
Partisan de la gestion active
Sous la direction de Denis Larose, Guardian Capital s’intéresse aux nouvelles approches d’investissement, comme les stratégies de gestion semi-active de type bêta judicieux (smart beta), ainsi qu’aux avancées de l’intelligence artificielle. « Il faut prendre les outils nécessaires pour que la gestion active reste pertinente au XXIe siècle », dit-il.
Sur le terrain des obligations, Guardian Capital entend toucher « toute la ligne de risque », ce qui englobe les obligations non canadiennes et les obligations à haut rendement.
La firme tâte également le terrain des actifs non traditionnels, à commencer par l’immobilier, et dispose pour cela d’une petite équipe de gestionnaires spécialisés.
À l’heure actuelle, Denis Larose chapeaute une quarantaine de portefeuillistes et d’analystes à Toronto, à Londres et à Salt Lake City.
De l’actuariat à la gestion d’actif
À titre de diplômé en actuariat de l’Université Laval, Denis Larose est un oiseau rare dans l’industrie de la gestion d’actif.
En quoi une formation d’actuaire peut-elle favoriser la carrière d’un chef des placements ?
« En actuariat, on se concentre sur des problèmes mathématiques et sur des choses qui changent lentement, par exemple, l’évolution des tables démographiques. Aux yeux de certains investisseurs institutionnels, un actuaire qui s’y connaît en investissement peut avoir quelque chose de rassurant. Il y a aussi, dans l’art d’investir, un aspect mathématique, ce qui rejoint le monde de l’actuariat », affirme Denis Larose.
Le patron de Guardian Capital a le sentiment d’avoir encore beaucoup à construire. « Nous n’avons pas d’objectifs coulés dans le béton. Toutefois, il serait intéressant d’avoir de 50 G$ à 100 G$ en actif sous gestion d’ici sept ou huit ans », signale ce méthodique bâtisseur de 57 ans.