Un nombre important de conseillers en placement estiment que leurs firmes ne leur fournissent pas les outils technologiques et les services de back-office dont ils ont besoin ou que celui-ci est déficient, révèle le sondage mené à l’occasion du Top 8 des courtiers québécois. L’appui et la formation laisseraient même à désirer.
Ainsi, tout comme l’an dernier, la technologie est une faiblesse des firmes de courtage. Parmi les critères de nature technologique d’évaluation des courtiers, ceux qui ont trait au front office, au back-office et à l’acquisition de nouveaux clients (onboarding) sont ceux dont l’importance est la plus élevée. Or, ce sont à ces mêmes critères que les courtiers obtiennent souvent certaines de leurs pires notes, comme le montre le tableau de la page 22.
Comment les conseillers évaluent-ils leur firme ? : Consultez le tableau du Top 8 des courtiers québécois
Certains sondés n’y vont pas avec le dos de la cuillère. « La technologie pour l’acquisition de nouveaux clients, on n’a rien pour ça », affirme l’un d’entre eux. « Le logiciel n’est pas convivial, entre autres choses », dit un autre. « La technologie est extrêmement faible ici », signale un troisième. « Tout est vieux et désuet », ajoute un critique.
Bon nombre de conseillers formulent leurs critiques de façon moins catégorique. Par exemple, un conseiller signale : « On arrive à s’améliorer, mais on a besoin d’outils ». Un autre pense qu’« il y aurait des possibilités à explorer ». Un troisième estime qu’« ils sont en train de s’améliorer, mais ce qu’on a actuellement n’est pas adéquat ». Un autre est déçu des délais trop lents quant à l’amélioration du logiciel de front office : « Il y a plein de choses qu’on nous promet et qui ne marchent pas de façon adéquate. »
D’autres commentaires proviennent de sondés qui disent ne pas exploiter le potentiel des outils technologiques, faute de temps ou d’intérêt. Moins nombreux, ces commentaires reflètent tout de même une certaine réalité de l’industrie. Par exemple, un conseiller affirme que « notre système est bon, mais on n’a pas le temps de l’apprendre ». Un autre confie être « de la vieille école. Je ne considère pas ça très important. Ma clientèle est très âgée ». Un troisième signale que l’apport de nouvelles technologies est « plus urgent pour les nouveaux conseillers (les plus jeunes) que pour moi ».
Année après année, les conseillers en placement joints par les sondages de Finance et Investissement expriment un certain niveau de frustration à l’égard des outils technologiques mis à leur disposition. Toutes les firmes du Top 8 des courtiers québécois sont touchées. Personne n’y échappe.
« Pas une science exacte »
Trois patrons de réseaux québécois de courtage réagissent aux critiques concernant les outils technologiques. Ils soulèvent principalement la question de la « gestion des attentes ».
Sylvain Brisebois, directeur régional, division de l’Est chez BMO Nesbitt Burns, résume bien ce point de vue : « L’industrie, dans son ensemble, a du rattrapage à faire et nous en sommes tous conscients. En tant que consommateurs désireux d’avoir les derniers produits technos, nous sommes habitués à une très grande rapidité. L’industrie des valeurs mobilières ne peut être aussi rapide. Nous manoeuvrons de gros vaisseaux. Les règles du jeu de notre industrie ne seront jamais les mêmes que dans l’industrie des produits de consommation, ne serait-ce que pour des raisons de confidentialité et la nécessité de limiter les risques de fraude. Ce n’est pas une excuse, c’est la réalité. »
Sylvain Brisebois ajoute qu’« en dépit d’investissements majeurs, nous serons toujours en retard par rapport aux attentes des conseillers ».
Même son de cloche chez Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec, chez Gestion privée de patrimoine CIBC : « Jusqu’à récemment, j’avais une clientèle, et comme ces conseillers du sondage, je trouvais moi aussi que l’implantation des nouvelles technologies n’allait jamais assez rapidement. »
En devenant dirigeant, son point de vue a changé. « Les ressources ne sont pas illimitées », dit-il.
Vice-président et directeur régional, Québec, chez RBC Dominion valeurs mobilières, Paul Balthazard relève que « les réseaux investissent annuellement des dizaines de millions de dollars en technologies. Ces efforts sont très importants. Toutefois, le choix de ces systèmes et leur déploiement n’ont rien d’une science exacte. Entre autres, il peut y avoir des erreurs. Il peut y avoir des ratés. »
Le problème, ajoute Paul Balthazard, c’est que ces ratés ont de gros impacts sur le personnel. « Quand ça arrive, on peut en avoir pour des mois à regagner la confiance des conseillers », juge-t-il.
Pistes de solution
Étant donné les demandes quasi infinies en technologies performantes et les ressources limitées, comment les réseaux de courtage pourraient-ils s’y prendre pour diminuer les sources de mécontentement ?
« En matière technologique, on doit faire connaître, de la façon la plus claire possible, notre destination avec la carte routière du trajet à venir, avec ses arrêts et ses pauses », signale Charles Martel.
Dans cette ligne de pensée, Paul Balthazard propose une démarche de type pas à pas : « L’époque où l’on travaille pendant deux ou trois ans sur un projet technologique avant d’en voir la couleur est définitivement terminée. On ne peut plus attendre aussi longtemps et on ne veut pas prendre le risque d’être dépassés par les progrès des technologies. La solution consiste à produire quelque chose de fonctionnel et d’utile rapidement … et de pouvoir bâtir autour. »
Ainsi, être témoin et bénéficiaire d’un succès de nature limitée, pouvant faire une chaîne avec une succession d’autres succès limités, pourrait réduire les frustrations face à la lenteur des changements technologiques.