Ces fonds proviennent de l’univers des fonds de couverture (« hedge funds » en anglais). Traditionnellement, le fonds de couverture est un fonds peu ou non réglementé promettant des rendements alléchants grâce à l’application de stratégies ésotériques ou « alternatives » par ses gestionnaires qui gardent jalousement le secret derrière leurs stratégies. L’un des avantages de la gestion alternative est sa faible corrélation avec les indices boursiers.
Les fonds de couverture se différencient de la gestion traditionnelle de deux façons. Dans un premier temps, ils œuvrent dans une plus grande variété de marchés, tels les contrats à termes, les devises, le crédit ou même les œuvres d’art. Dans un deuxième temps, ils ont la capacité de vendre à découvert, ce qui signifie qu’ils peuvent se positionner pour profiter d’une baisse des marchés aussi bien qu’une hausse. Le coût de ces fonds est par contre habituellement très élevé. De façon générale, ils facturent des frais de gestion correspondant à 2 % de l’actif et 20 % des profits générés, menant plusieurs à affirmer que les fonds de couverture sont en effet très payants … pour le gestionnaire!
Jusqu’à tout récemment, ces outils de placements étaient réservés aux investisseurs qualifiés ayant des investissements d’au moins 1 million de dollars, ou pouvant démontrer des revenus de 250 000 $. Ces fonds avaient habituellement des minimums d’investissements d’au moins 25 000 $.
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Les autorités réglementaires ont récemment apporté des modifications permettant à l’investisseur moyen d’avoir accès à ces placements alternatifs. Le règlement 81-102 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières permet en effet d’offrir des solutions de gestion alternatives sous forme de fonds communs ou de fonds négociés en Bourse (FNB). D’ailleurs, étant donné que la réglementation canadienne est quelque peu moins stricte par rapport aux exigences de transparence, la gestion active ainsi que la gestion alternative comptent pour bon nombre de FNB nouvellement offerts à l’investisseur.
Depuis toujours, la gestion alternative intrigue et attire certains investisseurs. L’idée d’investir dans un fonds qui progresse de manière indépendante aux indices boursiers est évidemment attrayante. Or, les résultats ont rarement été à la hauteur des attentes. La promesse des fonds alternatifs dépend du succès du gestionnaire à déjouer et à deviner les marchés. Ceci est une chose extrêmement difficile à accomplir, et ce que nous observons est qu’il n’y a aucune persistance de performance parmi les gestionnaires. Le gestionnaire qui a misé sur les bons scénarios une année risque de grandement se tromper l’année suivante, et c’est souvent ce qui arrive.
Plusieurs stratégies alternatives utilisent un effet de levier pour livrer leur rendement et ceci leur réserve parfois de vilaines surprises. En principe, un fonds qui est neutre par rapport au marché, tel un fonds « market neutral », affichera une volatilité bien moindre que le marché. Cela s’explique par le fait qu’en période de baisse, la partie « short » ou vendeur du portefeuille saura le protéger. Par contre, le fait que le portefeuille est toujours long (acheteur) et « short » (vendeur) réduit aussi le rendement espéré, car en périodes de hausse, la portion « short » agit comme frein.
Les gestionnaires comptent sur le niveau habituellement faible de la volatilité de leur fonds pour utiliser du levier. Par exemple, si le portefeuille exhibe habituellement 25 % de la volatilité de la bourse, le gestionnaire pourrait en théorie appliquer un levier de 4 pour 1 et ne pas être plus volatil que le marché. Or, il arrive éventuellement de mauvaises surprises qui font que le portefeuille ne se comporte pas comme prévu, que sa volatilité augmente soudainement et que sa valeur baisse de manière soudaine et draconienne. Un fonds « market neutral », « long short », « relative value » peut passer des années à accumuler de petits gains juste pour voir tous ses gains cumulés fondre en un clin d’œil lorsqu’un imprévu se manifeste. Un auteur bien connu, Nassim Taleb, compare l’exercice à quelqu’un qui ramasse des pièces de 25 cents devant un rouleau compresseur. Tout se passe bien jusqu’à….
Il suffit d’ailleurs de constater l’énorme différence entre les meilleurs et les pires performances dans une année donnée pour avoir une idée de l’ampleur du risque qu’implique la sélection d’un fonds par rapport à un autre. En 2017, l’investisseur pouvait autant perdre 40 % que gagner 40 % en fonction du gestionnaire choisi, selon une compilation de HSBC.
Aussi, les fonds de couverture représentent d’énormes enjeux d’échantillonnage. L’espérance de vie moyenne d’un fonds est de moins de cinq ans, alors le choix de fonds est constamment en changement. Les fonds qui subissent une contreperformance sont simplement fermés et leur mauvaise performance disparaît du calcul de rendement des indices. Dans l’univers des fonds de couverture, rapporter sa performance n’est pas une obligation. La divulgation des données est faite sur une base volontaire ainsi les résultats des fonds qui ont eu un bon trimestre sont plus souvent rapportés que ceux des fonds qui ont mal performés.
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Les indices de fonds de couverture sont donc biaisés positivement et donnent une impression artificiellement optimiste de leur performance. Pour faire une analogie, imaginez quelqu’un vous annonçant que le temps moyen des coureurs qui ont complété le marathon de Montréal est de 4h00. Cela est-il équivalent à dire que 4h00 est le temps moyen de tous les participants, incluant ceux qui ont abandonné? Évidemment pas. Un tel échantillonnage vous donne un portrait plus positif de la réalité, car les abandons ne figurent pas au temps moyen.
C’est peut-être pour toutes ces raisons qu’en 2013 la revue Businessweek a publié un article très peu élogieux sur les fonds de couverture, dont nous ne préférons par répéter le titre et qu’en 2018 la publication Alphaville du Financial Times de Londres a choisi comme en-tête « hedge funds suck ».
Le gestionnaire de portefeuille est toujours à la recherche de placements qui sauront augmenter sa diversification. En ce sens, les produits alternatifs, avec leur asymétrie au profil de risque/rendement du portefeuille traditionnel, sont à première vue très attrayants. Toutefois, leur nature imprévisible et leur manque de transparence représentent un risque non seulement pour le portefeuille, mais aussi pour la relation de confiance entre le conseiller et son client. Il est très inconfortable pour un conseiller de tenter d’expliquer une perte importante, surtout s’il ne comprend pas exactement le produit en question. Étant donné la responsabilité réglementaire du conseiller de démontrer une bonne connaissance des investissements qu’il recommande, le manque de transparence est un risque qui est difficile à justifier.
Un portefeuille doté d’une structure adéquate aura la diversification nécessaire pour bien traverser les périodes de crise, et le potentiel de rendement suffisant pour permettre à l’investisseur d’atteindre ses objectifs d’accumulation de capital. En ce sens, la gestion alternative n’offre pas énormément de valeur ajoutée. La gestion alternative est en quelque sorte une solution à la quête d’un problème.