« C’est un problème qu’il faut régler », affirme sans détour Francis Nadeau, co-fondateur de l’organisme Blockchain Hub Québec. Celui qui est aussi propriétaire de la startup HydraLab explique que les paramètres de l’identité virtuelle varient grandement selon l’utilisation.
Par exemple, pour signer un testament, « ça va prendre une clé de signature que le réseau va nous attribuer », mentionne-t-il. Toutefois, ce niveau de sécurité ne sera pas nécessairement obligatoire pour d’autres actions réalisées dans l’écosystème. L’expérience-utilisateur reste à définir, soutient Francis Nadeau.
Dans le milieu des assurances, plusieurs éléments doivent encore être étudiés avant de voir la blockchain véritablement s’y implanter. « Ils ont le concept technique à solutionner, mais aussi celui d’affaires. […] Le rôle de l’assureur à la base, c’est d’identifier les participants. Il faut être en mesure de décentraliser et d’automatiser le processus », estime l’entrepreneur.
Ce défi n’est pas insurmontable et le groupe français Axa l’a démontré dès 2017 en ayant recours à la blockchain avec « fizzy ». Cette plateforme d’assurance paramétrique 100% automatisée permet de couvrir les retards d’avion et offre à ses souscripteurs d’être indemnisés directement et automatiquement si leur vol est en retard.
Ce principe de déclenchement numérique pourrait également servir dans d’autres domaines, notamment en agriculture, lorsque des intempéries influencent le rendement d’un champ, projette Francis Nadeau.
Enjeux et modèles à suivre
Si le Québec est considéré comme un joueur international important dans le secteur des technologies de l’information (TI), les entreprises ont encore du chemin à faire pour se familiariser avec la blockchain. Fait encourageant, de plus en plus de firmes en finances et en assurances réclament des services-conseils en ce sens, témoigne François Barrette, associé chez Levio. Cependant, certaines d’entre elles « s’affairent à rattraper le retard perdu devant la montée en force des technologies. Leur priorité n’est pas encore de mettre en place la blockchain », ajoute-t-il.
D’où l’importance d’éduquer le marché, de l’« évangéliser », comme se plait à dire Francis Nadeau. « On doit rendre compte aux gouvernements, institutions et même aux assureurs des opportunités qui ne sont pas nécessairement faciles. […] Plus on va faire avancer l’écosystème, mieux il va se comporter », avance-t-il avec conviction. Ce dernier croit d’ailleurs que la technologie blockchain pourrait déjà faire ses premiers pas dans plusieurs entreprises au Québec en numérisant des PDF. Il est possible de rendre ce format intelligent, notamment pour des documents notariés, afin qu’ils puissent être consultés par les acteurs concernés, explique Francis Nadeau.
Blockchain Hub Québec a organisé sa première journée de conférences dans le cadre de la Semaine numériQC, en avril dernier à Québec, permettant à l’organisme de faire rayonner l’expertise de professionnels de l’industrie des technologies. À cette occasion, le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire, a évoqué l’intérêt de son gouvernement d’être un partenaire de cet écosystème. Ce dernier mise sur la création du futur Centre québécois de l’excellence numérique (CQEN) pour « développer des chaînes de bloc et intégrer [cette technologie] à nos processus de transmission de l’information », a-t-il indiqué. Administrée par le Conseil du trésor, la nouvelle entité pourrait être en mesure de placer environ 80 % des données des Québécois dans un système infonuagique.
Éric Caire est du même coup passé aux aveux. « L’univers numérique, c’est un univers de collaboration, de partage, de cocréativité. Ce n’est pas nécessairement dans nos réflexes au gouvernement », a-t-il admis devant un auditoire essentiellement composé de jeunes professionnels, lors de la Semaine numériQC.
À ce chapitre, Francis Nadeau croit que le gouvernement du Québec devrait suivre l’exemple de l’Estonie, où la quasi-totalité des services publics est accessible en ligne. Le numéro d’assurance sociale des citoyens de ce pays balte est connectable. Par ailleurs, le Luxembourg est devenu tout récemment le premier pays d’Europe à voter une loi visant à apporter une sécurité juridique aux transferts de titres effectués via la technologie blockchain. Devant ces avancées notables effectuées à l’international, l’entrepreneur se montre patient pour ce qui est du développement de notre écosystème local. « Les défis sont réels pour atteindre un degré de sécurité élevé. On ne peut pas se permettre de faire les choses à la va-vite pour contenter le marché », soutient-il.
Insurtech QC a assumé les coûts liés à la couverture de la conférence. Cet article a toutefois été rédigé sans aucune contribution ou surveillance de la part des organisateurs de l’événement.