En avril, la Great-West, la London Life et la Canada-Vie ont annoncé leur union sous une seule marque : Canada Vie.
«Le but de cette union consiste à améliorer l’expérience pour nos clients et nos conseillers, en étant plus efficace et agile, par exemple en arrivant à développer et lancer des produits plus rapidement dans le marché», dit Monique Maynard, présidente, Affaires du Québec, et actuaire en chef pour le Canada, pour les trois assureurs.
Ce mariage ne concerne toutefois pas Services d’investissement Quadrus, Financière Liberté 55, Conseillers immobiliers GWL et GLC Groupe de gestion d’actifs, également membres du groupe de sociétés de la Corporation Financière Power, qui conserveront leur marque actuelle. De même, les activités exercées par Great-West Lifeco aux États-Unis et en Europe ne sont pas touchées.
En avril, l’organisation s’était donné 12 mois pour que l’ensemble des produits et services individuels au Canada soient offerts sous la nouvelle marque, et 24 mois pour le secteur de l’assurance collective.
L’adoption d’une nouvelle marque pour les assureurs et leurs sociétés de portefeuille, soit la Corporation Financière Canada-Vie et le Groupe d’assurances London, devrait mener à une fusion de toutes les entités en une seule.
Après que la Great-West eut acquis la London Life (en 1997) et la Canada-Vie (en 2003), les trois marques évoluaient en parallèle. C’était logique, car il y avait différents produits et systèmes d’opérations, explique Monique Maynard : «Mais au fil des années, les produits et systèmes ont été harmonisés et un grand nombre d’employés se sont trouvés à travailler pour les trois marques. Quant aux conseillers, qu’une assurance temporaire ou vie universelle provienne de Canada-Vie ou de London Life, c’était à peu près la même chose et toute cette opérationnalisation devenait très lourde.»
Paul Mahon, président et chef de la direction de Canada Vie, a précisé le but de la démarche en juillet dernier : «Le passage à une entité juridique unique nous permettra de simplifier nos activités, de mettre davantage l’accent sur nos investissements en technologie et en innovation, et d’améliorer l’expérience des conseillers et des titulaires de police.»
Cette fusion est le fruit d’un processus amorcé il y a près de trois ans. La transformation devrait être conclue officiellement le 1er janvier 2020, si toutes les approbations nécessaires sont obtenues comme prévu, selon Monique Maynard.
En juillet, les conseils d’administration des trois assureurs ont approuvé à l’unanimité le plan de fusion. C’est maintenant au tour des titulaires de police avec droit de vote de chaque assureur de se prononcer. Ils peuvent voter en ligne, par téléphone ou par la poste, ou s’exprimer lors de l’assemblée extraordinaire prévue le 3 octobre prochain. La proposition devra obtenir l’aval d’au moins les deux tiers des titulaires de police. Ce sera ensuite aux organismes de réglementation et au ministre des Finances du Canada de conclure la ronde des approbations.
Rappelons que la Great-West, compagnie d’assurance-vie, a été fondée à Winnipeg en 1891. Power Corporation en est devenu un important actionnaire en 1969. Aujourd’hui, les trois assureurs servent plus de 13 millions de clients au Canada et comptent plus de 11 000 employés répartis essentiellement dans leurs principaux centres situés à Montréal, London, Toronto, Régina et Winnipeg.
Au Québec, on compte approximativement 1 000 employés, selon les données de 2016. La rémunération et les avantages sociaux destinés aux employés et les commissions payées aux conseillers étaient évalués à ce moment à plus de 240 M$.
33 ans à la Great-West
Monique Maynard a été nommée présidente, Affaires du Québec en novembre 2016. Franco-Manitobaine, elle est native du village de Saint-Malo, situé au sud de Winnipeg, où elle a grandi dans une ferme au sein d’une fratrie de cinq enfants.
«La famille, c’est au coeur de ma vie. En raison de mes racines, c’était logique d’aller à la Great-West, qui est « la » compagnie à Winnipeg», raconte-t-elle. Elle y a fait son entrée après des études à l’Université du Manitoba ; elle est bachelière en commerce, avec majeure en mathématiques actuarielles. «Cela fait presque 33 ans maintenant que je suis avec la compagnie, soit depuis mes tout premiers débuts.»
Au départ, Monique Maynard comptait passer quelques années au service de l’assureur, puis s’installer ensuite comme actuaire. L’esprit d’entreprise est présent au sein de sa famille, et c’est la manière dont elle prévoyait construire sa vie professionnelle.
«Mon père était fermier, mais aussi entrepreneur en construction. Ma soeur aînée est devenue comptable. Elle est entrepreneure, tout comme mes deux frères. C’est donc une manière de vivre qui me parlait beaucoup. Mais la vision de la compagnie, qui s’exprimait par exemple par la simplicité, la stabilité et l’authenticité, rejoignait mes valeurs et j’ai décidé de continuer», évoque-t-elle.
Si Monique Maynard imaginait que son parcours au sein de la Great-West consisterait à être en première ligne afin d’aider les gens, elle a déchanté à ses débuts. «Une fois mes études en actuariat terminées, on m’a proposé un poste dans le secteur collectif, comme je l’espérais. Mais l’actuaire en chef m’a approchée et m’a dit qu’on aimerait plutôt me voir prendre un autre poste, dans le secteur des évaluations. Ça ne me parlait vraiment pas, mais j’y suis allée. C’est la meilleure décision que j’ai prise dans ma carrière.»
Cette expérience, qui a duré cinq ans, a permis à Monique Maynard de bien comprendre les produits, notamment la façon dont les risques sont évalués et dont les taux sont établis. «Ça m’a donné l’occasion de bien acquérir les compétences dont j’avais besoin pour vraiment m’accomplir et avancer», ajoute celle qui a grimpé les échelons par la suite. Monique Maynard a ainsi occupé des postes de haute direction visant le développement des produits et des affaires, l’établissement des taux, les demandes de règlement, la tarification, l’administration des affaires nouvelles et le service à la clientèle pour l’assurance individuelle.
À l’écoute des conseillers
À titre de présidente, Affaires du Québec, Monique Maynard fournit une orientation stratégique à propos de toutes les questions et initiatives touchant les clients du Québec. De plus, elle représente les compagnies dans la collectivité, dans l’industrie et auprès du gouvernement et de la section québécoise de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec).
À cet égard, elle appuie la décision prise en mai dernier par l’ACCAP de retirer la Ligne directrice 19 sur la communication de la rémunération des conseillers liée aux produits collectifs d’assurance et de retraite. «Les commentaires des conseillers ont été très importants dans ce dossier. Il faut écouter ce que nos conseillers veulent afin de comprendre ce qui est le mieux pour eux», dit-elle.
Monique Maynard insiste sur le fait que «nos relations avec les conseillers, c’est primordial pour nous. Le potentiel de croissance de la nouvelle Canada Vie repose beaucoup sur eux.»
Les conseillers et les employés ont été impliqués dès le début dans le processus de fusion et d’adoption d’une nouvelle marque commune, précise-t-elle : «Nous avons recueilli les commentaires de groupes de discussion. Les conseillers ont contribué à déterminer comment les choses allaient avancer et fonctionner.»
Aucun changement n’est prévu relativement aux réseaux de distribution sous la nouvelle marque, ajoute-t-elle : «Nous allons continuer d’avoir des réseaux qui touchent toutes les façons de vendre, depuis le réseau exclusif jusqu’à l’autre pan du marché, avec les agents généraux et les indépendants. C’est important pour nous, parce qu’en étant en mesure de distribuer nos solutions de toutes les manières possibles dans le marché, nous rejoignons les gens de la manière qu’ils le désirent.»
Monique Maynard ne voit pas non plus de menaces pour les conseillers découlant de la vente d’assurance par Internet, un processus rendu possible sans l’intervention d’un représentant par l’adoption récente du projet de loi 141.
La vente par l’entremise de conseillers va toujours demeurer la voie principale des ventes d’assurance «pour notre compagnie et toute l’industrie», estime-t-elle. «La vente par Internet ne remplace pas les canaux existants. Sa seule conséquence est d’en ajouter un autre.» D’après elle, un «plus grand nombre de Québécois vont avoir accès à l’assurance» grâce à ce nouveau canal, «mais le conseil, ça demeure primordial et ça va continuer».
Toutefois, les habitudes et besoins des clients changent, y compris la façon dont ils travaillent et veulent accéder à l’information, ajoute Monique Maynard, qui évoque la transformation numérique en cours à la Canada Vie. En marge de la fusion, la compagnie mise d’ailleurs sur la technologie afin de faciliter l’introduction d’outils en ligne destinés à «améliorer le service qu’on donne aux conseillers afin que cela les aide dans le service qu’ils donnent à leurs clients».
Monique Maynard fait notamment allusion à l’Espace affaires. Il s’agit d’une plateforme numérique récemment lancée au bénéfice des conseillers, qui établit un lien avec les systèmes administratifs d’arrière-boutique (back-office) pour leur offrir un accès direct aux renseignements sur les clients et les polices.
Elle cite aussi le lancement, en mars 2019, de SimplementProtégé. Cet outil permet aux conseillers de remplir les propositions d’assurance en ligne, en 20 minutes en moyenne. Dans certains cas, une émission instantanée peut être obtenue. Au départ, l’outil servait à présenter des propositions d’assurance temporaire ; depuis, l’assurance maladies graves a été ajoutée au choix de protections.
En 2014, la part de marché sur le plan des primes directes souscrites au Québec du trio Great-West, London Life et Canada-Vie était de 11,87 %, selon le rapport sur les institutions financières de 2018 de l’Autorité des marchés financiers. En 2018, cette part était de 11,85 %, ce qui représente une stagnation.
Questionnée sur ses objectifs de croissance au Québec, Monique Maynard dit qu’il y a «des budgets qu’il faut respecter, mais pour moi, les chiffres, ça reste des chiffres. L’important, c’est que lorsque je marche à Montréal et que je dis que je travaille à la Canada Vie, les gens répondent : « Je connais cette compagnie, elle a aidé mon frère ou ma soeur ». Entendre l’histoire d’un client que nous avons bien aidé, ça me touche. C’est pour ça qu’on existe et que je suis avec la compagnie depuis plus de 30 ans.»
Outre son rôle de présidente, Affaires du Québec, Monique Maynard, qui est Fellow de la Society of Actuaries et Fellow de l’Institut canadien des actuaires, s’est aussi vu confier à la mi-2017 la charge d’actuaire en chef pour l’ensemble des compagnies de la Great-West au Canada. À ce titre, elle est responsable d’approuver les produits développés, de confirmer l’établissement des réserves pour la compagnie, de toutes les pratiques d’actuariat ainsi que des politiques mises en place.
«Mes deux rôles vont bien ensemble, dit-elle. En étant assise à la table nationale avec mon chapeau technique, je peux avoir une influence sur la stratégie et la direction que prend la compagnie, alors que ma position comme présidente, Affaires du Québec, me permet d’apporter une perspective plus locale, de signifier quels sont les besoins, ici, pour nos clients et nos conseillers, d’avoir l’influence du Québec, au Canada.»
Elle conclut : «On ne peut pas penser être un leader au Canada sans être très bien implanté au Québec.»