Ainsi, le groupe de régulateurs, dont fait partie l’Autorité des marchés financiers (AMF), imposera une série de nouvelles obligations qui touchent entre autres la connaissance du client, la connaissance du produit. Ces nouvelles obligations soutiendront les obligations rehaussées en matière d’évaluation de la convenance et de conflits d’intérêts. Les ACVM ajoutent notamment de nouvelles dispositions sur les communications trompeuses et obligent les sociétés à offrir de la formation aux représentants.
Selon les projets de modification, les personnes inscrites seront tenues entre autres de :
- traiter les conflits d’intérêts au mieux des intérêts du client;
- donner préséance aux intérêts du client dans l’évaluation de la convenance à ce dernier;
- s’employer à clarifier ce à quoi les clients devraient s’attendre de leur part.
Dans le cadre réglementaire qui entrera en vigueur le 31 décembre 2019, les ACVM ont ajusté bon nombre d’éléments présentés dans des projets de modification réglementaire qui indisposaient plusieurs membres de l’industrie financière, dont ceux qui touchent les ententes de recommandation aussi désignées en tant qu’ententes d’indication, dans le jargon juridique. (voir l’autre texte )
Voici ce que prévoit le nouveau cadre des ACVM.
« Donner préséance aux intérêts des clients »
Les ACVM ajoutent une « nouvelle exigence fondamentale pour les personnes inscrites de donner préséance aux intérêts des clients », en matière de convenance.
Avant d’ouvrir un compte pour un client, d’acheter, de vendre, d’échanger ou de transférer des titres à l’égard du compte, les conseillers devront établir de façon raisonnable que la mesure donne préséance à l’intérêt du client.
Les conseillers devront aussi s’assurer que cette mesure convienne au client en fonction, entre autres, de l’information recueillie au sujet du client; la compréhension du titre par la personne inscrite; les conséquences de la mesure sur le compte du client, notamment sur sa concentration et sa liquidité; l’incidence réelle et potentielle des coûts sur les rendements des placements du client.
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Les conseillers et les courtiers devront également examiner le compte du client et les titres qui le composent et prendre, dans un délai raisonnable, les mesures qui s’imposent dans les cas où une personne physique inscrite est désignée comme responsable du compte; elle a connaissance d’un changement dans un titre du compte ou dans l’information recueillie au sujet du client pouvant faire que le titre ou le compte ne respecte plus les critères d’évaluation de la convenance au client; elle a entrepris l’examen de l’information au sujet du client.
« Nous y précisons que, si nous examinons une évaluation de la convenance, notre examen ne sera pas rétrospectif et portera sur les mesures qu’aurait prises une personne inscrite raisonnable dans les mêmes circonstances », écrivent les ACVM dans leur avis de modification réglementaire.
Traiter les conflits d’intérêts importants
Selon le cadre, les conseillers et les courtiers auront l’obligation de traiter les conflits d’intérêts importants au mieux des intérêts du client. Ici, les ACVM ont retenu les commentaires de l’industrie qui soutenaient qu’il était très difficile et coûteux de traiter tous les conflits d’intérêts, comme le proposaient des versions précédentes du projet de modification réglementaire.
Les sociétés inscrites devront entre autres repérer les conflits d’intérêts importants existants ou raisonnablement prévisibles entre elle-même et le client ou entre les conseillers et le client ; éviter tout conflit d’intérêts important ne pouvant être traité autrement au mieux des intérêts du client; déclarer au client concerné les conflits d’intérêts importants à l’ouverture du compte ou, dans le cas de ceux n’ayant pas été repérés avant l’ouverture, rapidement après les avoir relevés, selon l’avis des ACVM.
« Dans chaque cas, l’information doit être en évidence, précise et rédigée en langage simple, et décrire les éléments suivants : la nature et la portée du conflit d’intérêts; son incidence potentielle pour le client et le risque qu’il peut poser pour lui; la façon dont il a été ou sera traité », lit-on dans l’avis des ACVM.
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Par ailleurs, les ACVM précisent qu’une « personne inscrite ne saurait satisfaire à ses obligations de repérer et de traiter les conflits d’intérêts importants seulement en fournissant de l’information au client. »
De plus, le cadre qui sera adopté prévoit d’élargir les dispenses de l’interdiction de prêter des fonds aux clients et d’ajouter une nouvelle interdiction d’emprunter des fonds aux clients, sous réserve de certaines dispenses. L’instruction générale donnera davantage de précision quant à ces changements.
Révision du dossier client tous les trois ans, minimum
En matière de connaissance du client, les ACVM précisent la fréquence minimale à laquelle l’information recueillie sur le client doit être revue par les conseillers ou les courtiers, soit :
- dans le cas d’un compte géré, une fois tous les 12 mois;
- dans le cas d’un courtier sur le marché dispensé, dans les 12 mois précédant la réalisation d’une opération ou la formulation d’une recommandation;
- dans les autres cas, une fois tous les 36 mois.
Les personnes inscrites devront mettre à jour leur information sur les clients lorsque celles-ci ont connaissance d’un changement significatif dans cette information.
Les ACVM vont obliger les personnes inscrites à « prendre des mesures raisonnables pour obtenir du client la confirmation que l’information recueillie à son sujet est exacte. »
N’offrez que des produits approuvés
À l’instar des obligations rehaussées relatives à la connaissance du client, de nouvelles obligations de connaissance du produit sont ajoutées afin d’étayer l’obligation étendue d’évaluation de la convenance au client.
Selon l’avis réglementaire, les sociétés inscrites devront prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les titres qu’elles offrent aux clients remplissent les conditions suivantes :
- ils ont fait l’objet d’une évaluation portant sur leurs aspects pertinents, notamment leur structure, leurs caractéristiques et leurs risques, ainsi que les frais initiaux et continus qui y sont associés et leur incidence;
- ils ont été approuvés pour être offerts aux clients;
- ils sont surveillés relativement à tout changement significatif qui s’y rapporte.
Les personnes inscrites devront aussi prendre des mesures raisonnables pour comprendre suffisamment les titres qu’elles achètent ou vendent pour un client, ou lui recommandent, notamment l’incidence des frais initiaux et continus qui sont associés à leur acquisition et à leur détention, dans le but de leur permettre d’évaluer la convenance au client.
« Les personnes physiques inscrites ne peuvent acheter de titres pour un client ou ne lui en recommander que s’ils ont été approuvés par la société pour être offerts aux clients », lit-on dans l’avis.
Soyez clair avec les clients
Par ailleurs, les ACVM élargissent l’obligation actuelle de fournir une description générale des produits et services offerts au client par la société inscrite pour inclure toute restriction sur la possibilité pour le client de liquider ou de revendre les titres et les frais de gestion de fonds d’investissement ou les frais continus qui peuvent incomber au client.
On ajoute une « nouvelle obligation de fournir une description générale des limites relatives à la sélection des produits et services qui seront offerts au client par la société inscrite, en indiquant notamment si la société offrira principalement ou seulement des produits exclusifs au client et s’il existe d’autres limites relatives à la sélection des produits ou services. »
Les personnes inscrites devront aussi « transmettre une explication générale de l’incidence possible de chacun des éléments suivants sur le rendement des placements du client : les frais de fonctionnement; les frais liés aux opérations; les frais de gestion de fonds d’investissement; les frais continus qui peuvent incomber au client. »
Enfin, les conseillers devront entre autres indiquer au client « s’il y a ou non des frais de gestion de fonds d’investissement ou des frais continus qui peuvent incomber au client ».
Aux oubliettes, les « faux vice-présidents »
Sans surprise, les ACVM sonnent le glas définitivement aux titres honorifiques de vice-président et de premier vice-président qui étaient accordés aux conseillers en placement lorsque leurs ventes brutes ou leur actif sous gestion atteignaient un certain seuil.
« La personne inscrite qui interagit avec des clients ne peut utiliser les éléments suivants : un titre, une désignation, une récompense ou une reconnaissance qui se fonde partiellement ou entièrement sur son volume de ventes ou son chiffre d’affaires généré;
tout titre de direction auquel sa société parrainante ne l’a pas nommée en vertu du droit des sociétés applicable », lit-on dans l’avis réglementaire.
Bientôt une formation sur les nouvelles exigences
Par ailleurs, le nouveau cadre exige « des sociétés inscrites d’offrir à leurs personnes physiques inscrites une formation sur la conformité à la législation en valeurs mobilières, notamment aux obligations relatives à la connaissance du client, la connaissance du produit, l’évaluation de la convenance au client et les conflits d’intérêts ».
Elles devront aussi justifier le respect des obligations de connaissance du produit et démontrer la façon dont elles ont traité les conflits d’intérêts relevés au mieux des intérêts de ses clients.
Les sociétés inscrites devront aussi documenter les pratiques commerciales, mécanismes de rémunération et mesures incitatives de la société et justifier du respect des obligations relatives aux communications trompeuses.
Période de transition
Les réformes entreront en vigueur à l’échelle du Canada le 31 décembre 2019. Une période de transition progressive a été prévue, dans laquelle les réformes touchant les conflits d’intérêts et les dispositions connexes en matière d’information sur la relation entreront en vigueur le 31 décembre 2020, et le reste des modifications, le 31 décembre 2021.
Les personnes inscrites devront se conformer aux modifications applicables après ces dates. Il n’existe aucune disposition de protection des droits acquis.
« Nous ne nous attendons pas à ce que les personnes inscrites mettent à jour toute l’information relative à la connaissance du client qu’elles ont recueillie sur leurs clients actuels et réévaluent la convenance des placements à ces derniers à la date d’entrée en vigueur des modifications pertinentes (le 31 décembre 2021) ou immédiatement après, mais plutôt à ce qu’elles continuent à planifier les réévaluations selon les obligations actuelles d’ici là, et à ce qu’elles le fassent conformément aux modifications par la suite ».
Et ce n’est pas fini…
Enfin, les ACVM prévoient d’élaborer et proposer pour commentaires d’autres réformes touchant quelques-unes des propositions ayant fait l’objet des consultations dont sont issus les projets de modification initiaux.
« Il s’agit de projets distincts menés à plus long terme qui pourraient englober ce qui suit : la révision des normes de compétence; l’imposition d’une obligation fiduciaire légale envers les clients qui accordent un mandat discrétionnaire dans les territoires n’en prévoyant actuellement pas; la clarification du rôle de la personne désignée responsable et du chef de la conformité; l’examen des titres et désignations; l’examen des ententes d’indication de clients; la révision de la disposition, initialement prévue dans les projets de modification, portant sur l’information à rendre publique. »