Par ailleurs, bien que certains clients hésitent encore à suivre la tendance croissante à intégrer l’investissement responsable (IR), en partie à cause d’une croyance persistante qui veut qu’il ait un coût financier, celui-ci est moins considéré comme une décision politique que comme une question de placement avisé.

« [L’IR] consiste à utiliser toute l’information disponible pour prendre des décisions judicieuses de placement à long terme, dit Dusty Lanz, chef de la direction de l’Association pour l’investissement responsable (AIR). Vous pouvez être [partisan du] NPD, conservateur ou libéral, votre portefeuille se portera mieux, quelles que soient vos opinions politiques. »

Faire une analyse approfondie d’une entreprise signifie aller plus loin que son bilan financier. Jauger les facteurs ESG lors de la prise de décision de placement peut aider les gestionnaires de portefeuille à détecter les risques et occasions qui peuvent être négligés par ceux qui s’appuient uniquement sur l’analyse financière traditionnelle.

« L’analyse ESG peut fournir une [sorte de] loupe pour voir une entreprise plus globalement », dit Dusty Lanz.

Éviter les baisses

Par exemple, quand une société a mauvaise presse, de nombreux investisseurs peuvent devenir inquiets. Et les articles négatifs sur des entreprises dans les médias impliquent souvent des questions d’ESG.

Dusty Lanz cite à titre d’exemple le scandale sur les émissions polluantes de Volkswagen, aussi appelé « dieselgate », dévoilé en septembre 2015. Le constructeur automobile allemand a été accusé d’avoir violé la loi américaine sur la qualité de l’air (U.S. Clean Air Act) en falsifiant les contrôles d’émissions de ses véhicules. Ces derniers émettaient des niveaux beaucoup plus élevés de polluants d’oxyde d’azote que ceux autorisés par les normes américaines.

Une fois l’affaire rendue publique, le cours de l’action de Volkswagen a baissé de 35 % en une semaine.

Dusty Lanz note que MSCI avait radié Volkswagen de l’indice MSCI ACWI ESG (un indice d’IR) en mai 2015 en raison des signaux d’alarme qu’il avait remarqués dans la gouvernance du constructeur automobile.

« Ainsi, il y avait des signes précurseurs, dit-il, mais vous deviez examiner les facteurs ESG pour les repérer. »

Des données à l’appui

Quant à savoir si un portefeuille géré en fonction des principes de l’IR a réellement de meilleurs résultats qu’un portefeuille qui n’investit pas dans l’IR, la réponse n’est pas claire.

« Je pense que quelques acteurs des marchés pourraient attendre le Saint Graal – cette preuve irréfutable et de bonne foi que l’ESG surperforme –, mais je ne me fais pas d’illusion », remarque Doug Morrow, directeur, recherche thématique à Toronto pour Sustainalytics, une entreprise d’Amsterdam spécialisée dans la recherche en ESG.

« Ce qui est intéressant, c’est que bien que les résultats des études soient mitigés, la tendance vers l’investissement responsable et l’intégration des facteurs ESG s’est poursuivie sans relâche. Je pense que cela montre que [les investisseurs institutionnels et de détail] estiment que ces stratégies ne vont pas influer négativement sur les rendements », ajoute-t-il.

Actuellement, les indices populaires de développement durable battent l’indice général. Du 28 septembre 2007 au 31 juillet 2019, l’indice MSCI ACWI ESG Leaders a eu un rendement brut de 5,44 %, contre 4,80 % pour l’indice MSCI ACWI.

De même, l’indice Jantzi Social a affiché un rendement annualisé de 6,56 % entre sa création le 1er janvier 2000 et le 31 juillet 2019. En comparaison, l’indice composé S&P TSX et le S&P/TSX 60 ont eu des rendements annualisés de 6,11 % et 6,16 % respectivement pendant la même période.

Le rapport intitulé Les fonds d’investissement responsable au Canada – Faits saillants du T2 2019, dont Fundata Canada fournit les données, révèle que 75 % des fonds d’IR canadiens ont dépassé le rendement moyen de leur catégorie d’actif au deuxième trimestre de 2019. C’est le cas des fonds équilibrés d’actions canadiennes, des fonds de titres à revenu fixe canadiens, des fonds d’actions internationales et des fonds équilibrés d’actions internationales.

Un peu moins des trois quarts des fonds d’IR ont mieux fait que le rendement moyen de leur catégorie d’actif sur la période d’un an qui s’est terminée le 30 juin 2019, montre également le rapport. Presque les deux tiers des fonds d’IR ont eu de meilleurs résultats que le rendement moyen de leur catégorie d’actif sur trois ans et sur cinq ans, tandis que 58 % ont surperformé sur une période de 10 ans.

Une vaste étude menée en 2015 par Friede et al, ESG and financial performance, a analysé plus de 2 000 recherches portant sur la relation entre le respect des critères ESG et les résultats financiers des entreprises. L’étude montre des « preuves convaincantes » de rentabilité pour l’investissement responsable.

« Les possibilités de surperformance de l’ESG existent dans de nombreux secteurs du marché [y compris] l’Amérique du Nord et les marchés émergents », indique le rapport.

Quand vous partagez de l’information sur l’IR avec les clients, n’oubliez pas que les graphiques et les données sont utiles, mais ne constituent pas toujours la meilleure approche parce qu’ils peuvent porter à confusion ou submerger, dit Dusty Lanz.

« Il est bon d’avoir quelques données à portée de main quand c’est nécessaire, mais de nombreux clients préfèrent entendre des exemples plus concrets. Le cas de Volkswagen en est un bon parce qu’il est très connu en raison de l’importante couverture médiatique qu’il a reçue », conclut-il.