Les frais d’acquisition reportés (FAR), les concours de vente et les prêts leviers sont parmi les pratiques qui risquent le plus de disparaître d’ici 10 ans sous l’effet de réformes réglementaires, selon le sondage Internet « L’industrie financière en ébullition » que nous avons réalisé récemment auprès de nos lecteurs.
L’application des FAR, aussi appelés frais de rachat ou frais de sortie, sera la première pratique à disparaître, selon eux. Rappelons que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont annoncé leur intention d’abolir ces frais appliqués lors de la vente de parts de fonds communs. On attend encore la position finale des ACVM à ce sujet.
« Bien qu’on devrait connaître leur position bientôt, on ne sait pas de quel côté ça va pencher », dit Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la conformité chez MICA Cabinets de services financiers.
Yvan Morin juge toutefois que cette forme de rémunération doit demeurer. « Ça permet de maintenir l’accès [aux conseilleurs et aux différents produits] pour les clients en phase d’accumulation, souvent les plus jeunes clients. Sans cela, les conseillers pourraient être tentés de délaisser les clients ayant moins d’actifs », affirme-t-il.
La possible disparition des FAR nuirait aussi aux « jeunes qui démarrent dans notre industrie », ajoute-t-il. Les FAR leur permettent d’avoir des revenus convenables.
Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services Financiers, défend lui aussi les FAR. Cela dit, si « l’outil n’est pas en cause, la pratique peut être mieux balisée. C’est adapté au client, ou pas. Mais quand on voit des prêts leviers pour des sommes importantes [dans des produits] avec des FAR, j’ai un problème éthique avec ça », dit-il.
Les prêts leviers
D’ailleurs, le prêt levier, qui consiste à emprunter une somme pour l’investir, est lui aussi appelé à disparaître, selon les répondants à notre sondage.
« Il y a quelques décennies, les prêts pour fins d’investissement ont rendu service à un grand nombre de consommateurs. À regret, ce concept de levier a été condamné par les régulateurs. L’offre de prêt levier a été tellement alourdie de procédures lourdes administrativement que les conseillers sont découragés de l’offrir », souligne l’un d’entre eux.
Maxime Gauthier estime que le prêt levier a encore sa place dans certains contextes de planification financière, bien que son équipe n’en soit pas friande et que le cycle actuel ne soit pas propice à cette pratique.
Dans la mesure où « la situation financière d’un client est saine, qu’il a des rentrées d’argent constantes, et que le risque est compris et toléré », ce type de prêt peut convenir, croit lui aussi Yvan Morin. Encore là, tout est dans la manière, la stratégie, les objectifs.
Les concours condamnés
Par ailleurs, nos experts sont très critiques à l’égard d’une autre pratique dont nos lecteurs entrevoient la fin prochaine : les concours de vente, notamment dans le secteur de l’assurance.
« Dans une ère où la transparence est à l’honneur, on voit de plus en plus d’entreprises qui délaissent les concours », observe Yvan Morin, qui ne serait pas surpris d’en voir de moins en moins.
« J’ai vraiment de la difficulté avec ces concours, lance Maxime Gauthier. Nous, à part notre pool de hockey et notre pool de portefeuilles, on ne fait pas de concours. Et si on gagne notre pool, le seul prix auquel on a droit, c’est celui de se vanter auprès de nos collègues », dit-il en riant.
« Même si la majorité de ceux qui vendent sont honnêtes », les concours supposent qu’il faut parfois mousser la vente à court terme au détriment de la qualité ou de la performance à long terme, souligne Maxime Gauthier. « Ça m’agace vraiment. J’espère que ça va tendre à diminuer. »
Même son de cloche du côté de Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital, pour qui cette pratique n’est tout simplement pas acceptable. « On ne devrait regarder que les qualités inhérentes d’un produit. »
Enfin, nos experts jugent peu probable que les fonds individuels disparaissent au profit des fonds de fonds sous l’influence des régulateurs, comme le croit un répondant à notre sondage.
« Je n’ai jamais vu un client qui voulait absolument un fonds de fonds », dit Maxime Gauthier, tandis qu’Yvan Morin n’a pas remarqué une forte croissance de ces produits depuis cinq ans. Pour Raymond Kerzérho, les fonds de fonds ne sont qu’un outil intéressant parmi d’autres. « Certains fonds des fonds peuvent être de bons produits équilibrés, simples, avec des honoraires très bas », ajoute-t-il.