L’assurance maladies graves permet de pourvoir à des besoins auxquels d’autres produits ne répondent pas, d’assumer des frais de santé souvent élevés – dont certains ne sont pas couverts par l’État – et de continuer de respecter ses obligations financières. Regardons les principales facettes de cette couverture.
D’abord, sur le plan fiscal, c’est simple : les primes ne sont pas déductibles pour le payeur et les prestations ne sont pas imposables pour celui qui les reçoit. Évidemment, lorsqu’une société paie les primes et qu’un individu retire les prestations, il y a un avantage imposable, comme n’importe quel autre produit personnel payé par une société pour son actionnaire.
Dans le cas d’une police à prime partagée entre une société et son actionnaire, aucun avantage imposable n’a à être déclaré, pour l’instant, pour la portion payée par la société, si les choses sont faites dans les règles de l’art. Il faut savoir que l’Agence du revenu du Canada n’a jamais donné son aval de façon claire, nette et précise à ce sujet.
Pour que les choses soient faites «dans les règles de l’art», il faut notamment respecter les éléments suivants :
La société ne paie que pour le risque de maladie pour la durée où le risque existe réellement. Cette prime doit être calculée par l’assureur et tenir compte d’une échéance réaliste pour la fin du risque pour la société. Cette échéance peut être différente de la date de la fin du contrat.
Le contrat ne doit pas stipuler qu’il s’agit d’un «remboursement de primes» si la personne ne fait pas de réclamation avant de faire la demande de remboursement. Ce doit être une «prestation» qui est versée, c’est-à-dire que le «risque» couvert est le risque de ne pas recevoir de diagnostic pour l’une des maladies couvertes.
Au moment de toucher un remboursement de primes, qu’il soit partiel ou total, il faut refaire une évaluation des besoins pour confirmer que les besoins ont diminué et que le partage de primes avait été calculé adéquatement dès le départ.
Si les choses ne sont pas faites ainsi, l’actionnaire pourrait se voir frappé d’un avantage imposable pour l’argent versé par la société, en totalité ou en partie.
Souvent, pour payer la portion de l’actionnaire, la société déclarera un dividende à ce dernier, suffisant pour que le montant après impôt puisse éponger le coût de la prime.
Considérer l’aspect investissement
Voilà pour la fiscalité. Mais il y a autre chose : bon nombre souscrivent un contrat avec remboursement de primes dans un contexte de gestion de portefeuille. En effet, une police avec remboursement de primes génère un rendement intrinsèque qu’on pourrait considérer dans une politique d’investissement, par exemple, à titre de «revenu fixe». À l’instar de tout produit de revenu fixe, on veut ainsi protéger une partie du capital.
Pour une police personnelle, le rendement est de zéro. On peut alors considérer que le coût net de la prime est le coût de renonciation aux intérêts, après impôts, d’un investissement dans un dépôt garanti.
Dans le cas d’un contrat à prime partagée, étant donné que le remboursement échoit entre les mains de l’actionnaire, le rendement intrinsèque est celui qui aurait été nécessaire à la société pour générer un dividende, après impôts, égal au remboursement de primes.
Chiffrer ses besoins
Regardons maintenant comment établir les besoins pour ce genre de contrat.
Selon la nature des besoins, les montants varieront sensiblement. Je vous propose, ci-dessous, une façon de les estimer. Vous comprendrez que les résultats peuvent être très différents d’une personne à l’autre selon ses intentions et sa situation propre.
Fondamentalement, on peut concevoir les besoins de couverture en maladies graves comme le montant nécessaire pour que l’assuré et sa famille maintiennent leur qualité de vie en cas de maladie grave. Ainsi, plus on voudra maintenir le niveau de vie de la famille, plus le montant des besoins sera élevé.
Notez que lors d’un diagnostic de maladie grave, les taux de survie sont supérieurs à ce qu’ils étaient dans le passé. Cette espérance de vie augmentée génère des frais qui n’existaient pas autrefois.
Voici quelques paramètres qui peuvent grandement faire varier les montants calculés.
Besoins extraordinaires causés par un diagnostic de maladie grave. Ces besoins peuvent être très variés, et vont de l’aide à domicile aux voyages à l’étranger, en passant par les médicaments onéreux non couverts par les régimes publics ou privés.
Remplacement de revenu pendant l’absence du travail. Il pourrait s’agir de compléter l’assurance invalidité en place. Pour être prudent, on peut viser un retour au travail après deux ans. Sinon, après quelques mois.
Remplacement de revenu d’un proche qui prendrait congé. Aucune assurance n’existe pour ce genre de protection spécifique.
Pourcentage du revenu qui serait gagné lors du retour au travail. C’est un facteur important qui est souvent oublié. Il est fort possible que votre client ne retourne pas au travail dans des fonctions identiques, ou, à tout le moins, qu’il «lève le pied» lors de son retour. Contrairement aux autres besoins qui ont généralement une durée relativement courte, cet élément constitue une perte de revenu qui peut durer plusieurs années. La valeur actualisée de ces flux perdus est donc particulièrement importante.
Dettes. Si vous désirez que votre client ait l’esprit en paix, un montant couvrant la totalité de ses dettes pourrait être le bienvenu. Évidemment, si le coût de vie diminue à cause de cet aspect de la couverture, le remplacement de revenu pourra être réduit.
Épargne pour la retraite. Même si le niveau de vie actuel de la famille est maintenu, il ne garantit pas un maintien à la retraite. On peut remplacer l’épargne qui aurait été faite dans un contexte où le client n’aurait pas été malade.
La personne malade doit pouvoir se concentrer sur le traitement de sa maladie et non sur la situation financière de sa famille. Si votre client n’est pas à l’aise avec de telles prestations, surtout en raison du coût des primes, parlez-en avec lui. Ça n’a pas à être tout ou rien.
En terminant, n’oubliez pas de bien vérifier les définitions des maladies qui donnent droit à une prestation. Les produits ne se valent pas tous…
Je tiens à remercier Hugo St-Hilaire, analyste, gestion des risques et stratégies d’assurance, chez SFL Expertise, pour sa contribution à ce texte.
* Directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise