Conseiller en placement du futur, écarts entre la culture des conseillers en placement et celle bancaire ainsi que défis de la relève. Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national de la Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine (FBNGP) donne son point de vue sur différents enjeux de l’industrie, dans une entrevue réalisée en décembre dernier.
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Finance et Investissement (FI) : Pour quelle raison, dans l’industrie, observe-t-on souvent une crainte par rapport à l’arrimage de la culture bancaire avec la culture entrepreneuriale des conseillers en placement?
Denis Gauthier (DG) : C’est en effet un enjeu qui est présent dans l’industrie et c’est culturel. Il existe un vrai clivage à tous les niveaux : physiquement, dans nos structures, dans nos rémunérations. Quelques-uns collaboraient, mais c’était l’exception.
Là, ça s’est tellement transformé. On pense, à la Banque Nationale, que le produit d’ancrage pour le client, c’est le conseil. On a pensé pendant 20 ans que le produit d’ancrage était le crédit, le prêt hypothécaire. Maintenant, l’hypothèque, c’est une commodité.
La transformation s’est faite à partir du besoin du client. On ne s’obstine pas longtemps quand on demande au conseiller si son client a besoin de [produits bancaires et de différentes formes de prêts] et qu’il te répond que oui. Maintenant, le conseiller ne pense plus qu’il envoie ses clients à la banque, mais qu’il sert ses clients des deux côtés du bilan. C’est comme ça qu’il pense et qu’il va faire croître sa business. À la FBN, on offre du crédit et on réussit à orchestrer ça, en misant sur le besoin client. Toutefois, à la base, on était conscient du clivage.
FI : Selon certaines sources dans l’industrie, la relation entre Gestion privée 1859 et la FBN n’aurait pas toujours simple. Est-ce juste comme point de vue?
DG : Ce fut le cas par le passé, mais aujourd’hui, ce sont de vieilles histoires. Gestion privée 1859 a fêté ses 10 ans cette année. Durant les deux premières années de la formation à 1859, donc il y a huit ans, quand on avait des clients communs, ça tiraillait. Les clients se faisaient solliciter par nous et par 1859 alors qu’avant, ils étaient à la banque. La création de 1859 a créé un sentiment de compétition et ça nous a pris deux ans pour nous ajuster.
Depuis huit ans, la FBN et 1859, on fait plus que cohabiter, on partage tout ce qu’on développe. On a bien trouvé notre positionnement au Québec. La Banque Nationale a réussi à croître davangage en ayant ces deux divisions. Ça ne s’est pas fait l’un au détriment de l’autre.
Aujourd’hui, les conseillers vont te dire que ce n’est plus un enjeu. Pour nos clients qui ont 1 million de dollars et plus à investir, on bénéficie de leur expertise maintenant. Les conseillers des deux divisions se parlent.
FI : Plusieurs s’inquiètent de la relève, un enjeu de l’industrie. Aujourd’hui, est-ce que la grille de rémunération de la FBN permet à des conseillers de partir de rien?
DG : Oui. Cela dit, il y a une attente du marché que les conseillers soient en équipe. Si un conseiller est seul, c’est ardu. Nous ce qu’on fait c’est qu’on engage des conseillers et on les met dans des équipes en tant que conseiller associé. C’est une roue qui tourne entre les conseillers de 30 ans, de 40 ans et de 60 ans. Le conseiller solo (stand alone), on croit de moins en moins à ce genre de modèle, parce que les besoins du client ne peuvent pas être tous adressés aujourd’hui [par un conseiller qui travaille seul]. Qu’un conseiller soit membre ou non d’une équipe, notre grille de rémunération protège les nouveaux conseillers pendant sept ans. Ainsi, on tient compte du fait que c’est beaucoup plus long maintenant, avec les comptes à honoraires, de bâtir une pratique d’affaire viable.
FI : Selon vous, de quoi va avoir l’air le conseiller du futur?
DG : Les conseillers vont faire partie d’équipes multidisciplinaires réunissant divers talents à haute valeur ajoutée pour les clients. Ces équipes vont ainsi vraiment pouvoir exécuter une offre complète en matière de gestion de patrimoine : crédit, assurance, gestion de portefeuille, planification financière et fiscale, puis tout service connexe. Un jour, on va peut-être encore plus soutenir nos clients dans leurs déclarations de revenus. On n’est pas encore là. Les firmes de courtage, on se positionne vraiment bien pour répondre à l’ensemble des besoins.
Le conseiller du futur, je le vois en équipe avec davantage d’actifs sous gestion et de plus gros books. Beaucoup de sa rémunération sera à honoraire et peut-être que certains services seront offerts à la pièce, comme ce qu’il se fait aux États-Unis. Prenons le cas d’une planification financière : vous êtes prêt à payer pour ça, mais vous n’êtes pas prêt à payer un honoraire chaque année.
FI : Martin Lavigne, patron de la FBNGP, parlait récemment de services service 24/7, et fintech. Qu’en est-il?
DG : On y croit encore. Nos clients veulent être en interaction avec la FBN de différentes façons. Souvent, ils vont vouloir parler avec leur conseiller. Ils vont lui téléphoner, vont vouloir le rencontrer, parfois ils vont vouloir peut-être faire une petite simulation un dimanche soir pour voir de quoi aurait l’air une planification de retraite en termes de flux de trésorerie. Nous, on fournit alors au client les outils pour qu’il le fasse. On veut permettre à nos clients d’interagir avec nous 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. C’est ce genre de possibilités que l’on voit avec les fintechs.
FI : Les fintechs viennent donc améliorer la relation client-conseiller?
Oui et pour nourrir l’engagement du client. Un client ne veut pas toujours tout faire avec son conseiller, mais il veut qu’on lui rende ça facile. Les outils vont toujours partir du client et revenir au client en interaction avec nos conseillers. Nos conseillers comprennent ça. Quand ils nous voient investir dans des fintechs, ils ne disent plus « Tu essaies de me remplacer », mais disent : « Tu veux m’aider à améliorer mon engagement client. »