Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont en effet annoncé la fin de l’usage de ces titres ronflants et trompeurs qui sont uniquement basés sur le volume de ventes d’un représentant ou le chiffre d’affaires généré. Les conseillers et les firmes de courtage devront se conformer à cette règle au plus tard le 31 décembre 2021.
«Il était temps de régler cette question des titres qui ont principalement pour effet de créer de la confusion chez les clients», commente Richard Legault, président-fondateur de Phoenix Stratégies Conseils, une firme qui offre des conseils en planification stratégique, notamment auprès d’institutions financières.
Selon lui, des investisseurs peuvent penser à tort qu’un conseiller en placement portant un tel titre a des responsabilités étendues au sein d’une firme de courtage. «Certains clients préféraient peut-être même faire affaire avec de tels conseillers, à cause du prestige de leur titre, au détriment de ceux qui n’affichent pas ces titres sur leurs cartes d’affaires», ajoute-t-il.
Ne pas tromper le client
Les ACVM, qui regroupent les régulateurs provinciaux, reconnaissent donc que ces désignations peuvent induire un client en erreur sur les compétences d’un conseiller, sur son expérience et sur ses qualifications. Ces titres ne pourront plus être décernés en fonction de la performance d’un conseiller, ont-elles indiqué l’année dernière.
«L’utilisation de certains types de titres ne représentait pas la réalité de la structure d’entreprise dans laquelle les conseillers évoluaient. On veut s’assurer que les représentations qui sont faites aux clients ne sont pas susceptibles de les induire en erreur», a indiqué à Finance et Investissement Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Pourquoi les ACVM ont-elles tant tardé à réglementer l’utilisation de ces titres ? L’AMF reconnaît que les régulateurs auraient pu aller de l’avant plus tôt. «Mais il fallait vérifier si les solutions proposées étaient applicables sur le plan opérationnel», répond Frédéric Pérodeau en soulignant que ce projet a été lancé dans le cadre des réformes axées sur la protection des clients.
En effet, ces nouvelles règles à l’égard des titres s’inscrivent dans une démarche entreprise depuis quelques années par les autorités de réglementation. Cette démarche vise à adopter une série de mesures afin de «mieux encadrer les notions de transparence et de conflits d’intérêts pour mieux protéger les investisseurs», souligne Richard Legault.
Éviter les nouvelles dérives
Les firmes de courtage n’auront pas de difficulté à se soumettre à ces nouvelles règles, croit Richard Legault. D’abord, parce que l’échéance du 31 décembre 2021 leur donne amplement le temps d’apporter les changements nécessaires. Mais aussi parce que «ça fait sûrement l’affaire de plusieurs firmes qui n’osaient pas passer à l’action», dit-il.
N’empêche : «De nombreux professionnels ou organisations vont devoir avaler une pilule de modestie», a indiqué Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services Financiers, dans une entrevue réalisée l’automne dernier par Finance et Investissement. «J’ai hâte de voir si l’être humain va trouver un moyen détourné de se donner des titres. Et comment vont réagir les régulateurs à ce genre de tentative de se donner un avantage concurrentiel avec un titre», a-t-il ajouté.
Pour sa part, Richard Legault juge que la réglementation remaniée en matière de titres a été écrite de façon à éviter de nouvelles dérives à cet égard. «La règle ratisse large et ne devrait donc pas entraîner de nouveaux abus», croit-il.
Richard Legault rappelle que les ACVM ont prévu que les conseillers ne pourront pas utiliser un titre, une désignation, une récompense ou une reconnaissance qui se fonde partiellement ou entièrement sur leur volume de ventes ou leur chiffre d’affaires généré.
Par ailleurs, s’il est important pour les conseillers de bien connaître leurs produits et leurs clients, les investisseurs ont tout aussi intérêt à prendre le temps de bien connaître leur conseiller, afin justement que son rôle ne prête pas à confusion.
«Peu de clients le font, mais ils ne doivent pas hésiter à poser des questions à leur conseiller pour mieux connaître ses qualifications, son expérience, sa philosophie de placement ou encore l’équipe qui l’entoure», suggère-t-il.
Les dirigeants de firmes de courtage appelés à commenter la nouvelle réglementation à l’égard des titres honorifiques ont refusé de faire part de leurs réactions.