Si nombre de personnes se désintéressent des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) des entreprises en ces temps de crise, elles devraient revoir leurs priorités. Nombre d’experts affirment ainsi que ces facteurs importent plus que jamais, relate un article récent de Morningstar.
Aux États-Unis, les fonds communs de placement (FCP) et les fonds négociés en Bourse (FNB) d’actions ESG performent mieux que leurs homologues conventionnels, selon le chef de la recherche sur la durabilité à Morningstar, Jon Hale.
« Comme tous les autres fonds d’action, ceux qui sont axés sur la durabilité ont subi soudainement de grosses pertes au premier trimestre de 2020 à cause de la pandémie du coronavirus, mais ils ont mieux tenu le coup que les fonds conventionnels. Sept fonds d’action durables sur 10 ont fini dans la première moitié de leurs catégories respectives, et 24 sur 26 fonds indiciels axés sur les facteurs ESG ont surclassé leurs proches homologues conventionnels », précise-t-il.
« Les sociétés bien gérées, plus stables et plus sûres avec des pratiques environnementales, sociales de gouvernance (ESG) solides ont généralement mieux réagi à la crise », convient le directeur général de Calvert, John Streur.
Jon Hale explique la meilleure performance des fonds durables par rapport à leurs homologues conventionnels en raison de leurs placements principalement sur des sociétés au risque ESG plus faible et aussi pour leur tendance à sous-pondérer les titres énergétiques.
Si cette performance s’explique concrètement, la logique générale suivie par ces fonds s’applique particulièrement bien à une situation comme celle que nous vivons aujourd’hui.
« Les priorités ESG sont en fait essentielles pour le développement de la valeur des actions d’une société, notamment à long terme. Beaucoup des priorités que nous recommandons ou dont nous nous faisons apôtres pour les investisseurs en temps « normal » sont aussi prioritaires en ce moment », signale Anthony Schein, directeur du plaidoyer pour les actionnaires à SHARE.
Des thèmes qui prendront de l’importance
Les sociétés ayant à cœur les thèmes sociaux sont à surveiller de près, selon John Streur. La situation actuelle met la lumière sur les pratiques sociales des entreprises, et certaines entreprises pourraient ne jamais s’en remettre.
En raison de la COVID-19, beaucoup d’entreprises ont dû se départir d’un grand nombre d’employés. Les demandes de chômage au Canada et celles de la prestation canadienne d’urgence ont explosé.
« À bien des égards, la pandémie a vraiment souligné certaines des difficultés et inégalités existantes dans notre économie et notre société. Les effets de la pandémie sur l’emploi et la crise économique ont eu tendance à frapper le plus fort les travailleurs les moins bien rémunérés », note Anthony Schein.
Certaines entreprises ont été particulièrement critiquées pour le manque de protection qu’elles offraient à leurs employés. On peut ainsi penser à Uber, Lyft et AirBnB. De plus en plus d’investisseurs s’attendent à ce que les sociétés dans lesquelles ils investissent se portent garantes de la santé et sécurité de leurs employés et ce point risque de prendre encore plus d’importance après la crise actuelle.
Il est intéressant de voir que déjà les investisseurs tournent le dos aux sociétés qui ne prennent pas assez en compte leurs employés. Uber et Lyft, qui considèrent leurs travailleurs comme indépendants et estiment que ceux-ci ne relèvent pas de leur responsabilité, ont été particulièrement frappées par la baisse des marchés.
Un autre élément qui est regardé en investissement responsable (IR) c’est la rémunération des cadres supérieurs. Avec l’augmentation du chômage en raison du COVID-19, ce thème devrait prendre encore plus d’importance dans les années à venir pour les investisseurs ESG.
La crise a déjà permis de mettre de l’avant les entreprises qui ont à cœur le fait que cadres et employés soient dans le même bateau.
« Nous avons vu plusieurs chefs d’entreprise déclarer publiquement qu’ils renonçaient à leur propre salaire pour soutenir leurs travailleurs ou contribuer à certains fonds de secours. Cette question recevant les feux de l’actualité, nous croyons qu’elle va demeurer un foyer d’activisme pour les actionnaires. La rémunération des cadres supérieurs est depuis longtemps une composante essentielle de notre évaluation de gouvernance, et elle a beaucoup de poids dans notre score de gouvernance normalisé », déclare John Streur.
Les experts pensent ainsi que les entreprises qui ont su réagir à la crise notamment en prenant en compte les considérations sociales ressortiront à l’avenir.
« Au bout du compte, je pense que les sociétés qui prennent déjà cette direction seront celles dont l’histoire se souviendra pour l’aide qu’elles auront apportée au cours de cette crise, et la demande s’en trouvera renforcée pour que d’autres se joignent au mouvement dans l’avenir », conclut Jon Hale.