Les firmes de courtage de plein exercice prennent différentes mesures pour recruter davantage de femmes et faciliter leur présence. Néanmoins, c’est un enjeu pour les courtiers d’accommoder les femmes qui souhaiteraient profiter d’un congé de maternité sans être pénalisées financièrement et prendre même le risque de perdre alors une partie de leur clientèle.
Quelque 20 % des conseillers en placement sont des femmes. «La situation s’améliore, mais c’est encore trop peu», note Angela D’Angelo, vice-présidente, Développement et Expérience Client, à la Financière Banque Nationale (FBN).
Il y a environ cinq ans, la FBN a mis en place un programme de mentorat afin d’accélérer l’embauche d’une nouvelle génération de conseillères en placement. Dans le cadre de ce programme, des conseillères d’expérience de la FBN font découvrir les divers aspects de la profession à des étudiantes avec lesquelles elles sont jumelées.
Soutien pour le congé parental
La FBN a poussé plus loin l’initiative en devenant l’une des premières firmes de courtage à instaurer des mesures précises de soutien aux conseillères qui veulent prendre un congé parental sans se soucier des impacts financiers. «Nous souhaitions qu’aucune femme n’ait à choisir entre fonder une famille et bâtir sa pratique d’affaires», dit Angela D’Angelo.
La FBN leur permet désormais de transférer temporairement leur clientèle à des collègues pendant leur congé de maternité. La conseillère en placement qui prend un congé prolongé signe alors une entente, avec un ou plusieurs collègues, «qui formalise l’appartenance du client et le niveau de service attendu pour sa clientèle pendant son absence», explique Angela D’Angelo.
Les initiatives de la FBN en matière de promotion de la profession de conseillère en placement et d’accompagnement lors d’un congé parental lui ont d’ailleurs valu un prix de la part de l’Association des femmes en finance du Québec (AFFQ).
Néanmoins, à ce jour, seulement quatre conseillères en placement de la FBN ont profité de ce programme, et ce, pour une période de quatre mois chacune. «La grande majorité de nos conseillères en placement n’ont plus l’âge d’avoir des enfants. Nous avons lancé ce programme en pensant davantage à la prochaine génération de conseillères», souligne Angela D’Angelo.
De nombreuses conseillères n’osaient pas prendre de congé de maternité, généralement afin de ne pas délaisser leurs clients et de ne pas subir le stress financier que cela peut engendrer, a constaté la FBN. Sinon, celles qui prennent congé le font seulement pour une courte période de moins d’un mois, ou en continuant à travailler deux ou trois jours par semaine.
Or, en travaillant au bureau à ce rythme, les conseillères en placement ne sont pas admissibles au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Instauré en 2006 par le gouvernement du Québec, ce programme vise justement à soutenir financièrement les parents afin de les encourager dans leur désir d’avoir des enfants et de pouvoir leur consacrer plus de temps dans les premiers mois de leur vie.
Le RQAP prévoit le versement de prestations qui, selon le type de régime choisi, permet à la mère de recevoir 75 % de son revenu hebdomadaire moyen pendant 15 semaines, ou 70 % de son revenu pendant 18 semaines. Selon le régime, la mère peut également partager avec l’autre parent une prestation équivalant à 75 % de son revenu pendant 25 semaines, ou à un pourcentage moindre de son revenu pendant un maximum de 32 semaines. Le revenu assurable maximal pris en compte dans le calcul des prestations était de 76 500 $ en 2019 et est de 78 500 $ en 2020.
Peu de firmes de courtage de plein exercice ont accepté de nous donner une entrevue sur le sujet. Gestion de patrimoine TD nous a répondu par courriel que les politiques en matière de gestion des ressources humaines pour les conseillères en placement sont de nature confidentielle. La firme a toutefois ajouté avoir mis en place un programme pour les soutenir pendant qu’elles sont auprès de leur famille.
«Nous savons que chaque personne a des besoins uniques pendant son congé parental et nous voulons offrir à chacune la flexibilité nécessaire pour y répondre. À Gestion de patrimoine TD, notre objectif est de doter nos collègues en conseils de placement des ressources et du soutien voulus pour que le cabinet qu’ils ont travaillé si fort à bâtir soit prêt à les accueillir à leur retour et à évoluer avec eux», indique Craig Meeds, vice-président et chef de Conseils de placement privés, Gestion de patrimoine TD.
Des règles à connaître en cas d’absence prorogée
La Loi sur les normes du travail comporte des dispositions sur le congé parental qui protègent la majorité des employés québécois.
Une femme pourrait, par exemple, profiter d’un congé de maternité pendant un an sans qu’il n’y ait de changement dans son statut d’emploi.
Toutefois, qu’en est-il des autorités de réglementation qui encadrent le secteur financier ? Sont-elles également prêtes à accommoder les femmes qui souhaitent prendre un long congé de maternité ? Les règles de conformité de l’Autorité des marchés financiers (AMF) stipulent en effet que si un représentant s’absente durant une période de plus d’un an, il est possible qu’il ait à suivre de la formation, à réussir des examens et à être soumis à une période probatoire pour que son certificat redevienne en vigueur.
En fait, «si une personne, comme une femme enceinte, s’absente pendant une période de plus d’un an, mais que durant cette absence, elle demeure rattachée à un cabinet et conserve son droit d’exercice, elle n’aura pas à reprendre d’examen», précise Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.
De plus, une personne qui profite d’un congé de maternité peut demander à un organisme d’autoréglementation, comme la Chambre de la sécurité financière (CSF), d’être exemptée des obligations de formation continue durant une certaine période d’absence.
Toutefois, si une conseillère en placement choisit d’abandonner son certificat et de se détacher de son cabinet pour une période d’absence de plus d’un an, à compter du non-renouvellement ou de l’abandon du certificat, elle pourrait devoir refaire le processus de qualification (formation et examens).
Cette mesure, indique l’AMF, s’applique tant à la femme qui s’absente pour un congé de maternité qu’à l’homme qui prend un congé de paternité ou à tout autre représentant qui s’absente pour des raisons de maladie ou autres pendant plus d’un an.