De nombreux fonds communs de placement (FCP) et fonds négociés en Bourse adhèrent à une politique de distribution ciblant un montant par part ou un pourcentage de la valeur par part qui n’a pas de lien direct avec le rendement sous-jacent des placements détenus. Il y a des avantages et des inconvénients à cette pratique, tant pour les conseillers que pour les clients ou leurs comptables.
Le plus souvent, les organismes de placement collectif qui choisissent de verser des distributions lissées les versent sur une base mensuelle selon une formule connue d’avance. Il existe deux grandes catégories de fonds lissant les distributions.
Le manufacturier des produits de la première catégorie détermine le montant de distribution au début de chaque année civile en fonction du rendement de distribution attendu des valeurs mobilières constituant le fonds.
Cette approche vise notamment à ne verser que les revenus réellement réalisés, nets des frais du gestionnaire, afin de ne pas entamer le capital. Elle permet de verser un revenu réaliste et permet aussi au gestionnaire de portefeuille de séparer du revenu généré la génération d’alpha sur le capital. Plusieurs fonds de revenu fixe à revenu mensuel ont cette approche.
Dans la deuxième catégorie, on opte pour des versements mensuels d’une plus grande ampleur et qui se rapprochent du rendement total espéré sur le fonds, à savoir les revenus et l’appréciation du capital. On peut penser aux fonds portant une mention de revenu élevé dans leur libellé et qui contiennent à la fois des obligations et des actions. Le rendement de tels produits peut souvent se rapprocher de celui des fonds équilibrés. La nuance est qu’un versement de distributions mensuelles s’effectue.
Fiscalement parlant, les types de distributions de la deuxième catégorie de fonds seront souvent plus diversifiés puisque le revenu versé est plus élevé et déterminé en fonction d’un objectif. Il se peut qu’il y ait du remboursement de capital (RDC), des dividendes canadiens, du gain en capital, voire du revenu d’intérêt ou des dividendes étrangers selon que le fonds est constitué en fiducie ou en société. On ne voit généralement pas de RDC dans un fonds ayant une politique de distribution de la première catégorie puisqu’il est beaucoup plus près du revenu « réel ».
La portion de RDC est d’autant plus grande sur les fonds de série T, qui visent à en générer le plus possible, surtout pour les fonds constitués en société par actions (aussi appelés « catégories de société »).
À peu près partout, l’option par défaut au moment d’acheter un FCP consiste à réinvestir automatiquement les distributions, peu importe leur fréquence. Pour les fonds ayant des distributions fréquentes, cela a un impact néfaste pour les (nombreux) investisseurs qui choisissent un produit selon ses mérites et non selon sa politique de distribution.
Ainsi, dans ce dernier cas, ils réinvestissent des distributions aux caractéristiques fiscales diverses, ce qui complexifie les déclarations de revenu ainsi que le suivi du prix de base rajusté (PBR) des placements pour les préparateurs fiscaux. Règle générale, le suivi comptable est plus facile sur les fonds de série T en catégorie si l’on souhaite recevoir un rendement, puisqu’il arrive souvent que l’on n’ait que des distributions sous forme de remboursement de capital et quelques gains en capital réalisés par le fonds, tout simplement.
Les objectifs d’une politique de distribution mensuelle sont pluriels. D’abord, bon nombre d’investisseurs cherchent à recevoir des revenus sur une base régulière. En appliquant une politique de distribution claire, les conseillers peuvent choisir un produit qui verse un revenu adapté à la réalité du client.
Il y a aussi un important aspect marketing. La notion de revenu peut être interprétée par les investisseurs comme porteuse de gestion du risque, ou d’obtention d’un revenu courant élevé permettant de ne pas toucher au capital tout en générant du rendement – que l’on souhaite toucher ou non aux revenus générés. Le mot revenu lui-même est souvent utilisé par les firmes de courtage comme un type de profil d’investisseur, souvent assez conservateur. La nomenclature doit certes contribuer à faire mousser les ventes de certains fonds, qui, en réalité, sont des fonds équilibrés légèrement biaisés sur leur répartition en actions.
Évidemment, beaucoup de fonds n’ont pas de politique de distribution semblable à celles évoquées ci-avant. Par exemple, de nombreux fonds obligataires versent les revenus d’intérêt nets sur une base trimestrielle et le gain en capital une fois par an, en fin d’année civile.
Les fonds structurés en société par actions, ayant notamment pour but de limiter les revenus distribués (sauf pour les fonds de série T), versent plutôt une fois par année, à la fin de l’année fiscale de la société, les gains en capital nets ainsi que tout dividende canadien déterminé, le cas échéant.
Comment choisir
Il existe divers aspects à considérer dans le choix de tout produit, mais encore davantage dans cette gamme et surtout pour la deuxième catégorie de fonds.
En effet, si l’on recherche un revenu mensuel élevé qui sera versé afin de financer le coût de vie d’un client, il faut savoir évaluer si la distribution élevée est soutenable. On doit comprendre à quel point cette distribution peut empiéter sur le capital et si cela a du sens par rapport au décaissement prévu dans la planification financière du client.
Si l’on recherche un avantage fiscal au cours de la période de distribution, on doit songer aux fonds structurés en société par actions. Ils versent généralement sous forme de remboursement de capital uniquement. Cela a cependant un désavantage : la diminution du PBR qu’entraînent des distributions sous forme de RDC peut créer un gain en capital latent qui sera déclenché à la vente du placement, que ce soit lors du décès ou avant.
Cela s’avère aussi si le taux de distribution choisi est plus élevé que la prise de plus-value du placement. La préférence personnelle du client de repousser l’impôt au moment de vendre dépend de sa vision de la planification successorale : souhaite-t-il payer moins d’impôt aujourd’hui et que la succession en paie davantage plus tard ? Peut-il financer cet impôt futur par l’intermédiaire d’une assurance vie ? Peut-il décider de léguer ce placement à une oeuvre de charité, en tout ou en partie, afin de recevoir un reçu de don et ainsi éliminer l’impôt au décès ? Cela mérite une discussion.
Comme expliqué précédemment, la fiscalité des distributions sur les fonds en fiducie dépendra des types de revenus de placements (nets de frais) générés. Généralement, pour les fonds en fiducie, la portion en RDC servira à « remplir le verre », c’est-à-dire à compléter la partie de distribution qui n’a pas une autre nature fiscale.
Soulignons que la qualité de la gestion et le résultat net au client prévalent toujours sur la fiscalité. De plus, la gestion des décaissements doit s’intégrer dans le rééquilibrage des actifs. Si l’on gère un portefeuille avec des solutions gérées, ce volet est souvent pris en charge par le gestionnaire. Cependant, si l’on gère le portefeuille d’un client avec un éventail de fonds à la pièce, on pourrait souhaiter ne pas recevoir les distributions et vendre des parts de fonds sur une base régulière afin de rééquilibrer le portefeuille et répondre au besoin de décaissement, le cas échant.
À choix égaux, on peut trouver des subtilités qui avantagent un produit plutôt qu’un autre, mais il faut tout évaluer et non s’enticher d’un produit pour une caractéristique qui nous a bien été vendue. FI
* Conseiller en placement