Alors que les économies européennes continuent de lutter pour survivre à la pandémie de coronavirus, les marchés boursiers – ne pouvant compter sur une exposition aux énormes géants technologiques des marchés américains – s’affaissent.

La croissance économique de l’Union européenne (UE) s’est contractée de 11,8 % au deuxième trimestre de 2020 et, tandis que les taux d’infection de la COVID-19 augmentent dans de nombreux pays de la zone euro, les espoirs de reprise économique s’écroulent.

La Commission européenne a récemment estimé que l’économie de l’UE se contractera à un taux annuel de 8,3 % en 2020, malgré les efforts de relance de près de 600 milliards de dollars américains (G$ US) déployés jusqu’à présent. Les différents pays de l’UE sont encore engagés dans la mise au point d’un autre plan de relance de 860 G$ US, qui doit être ratifié par les 27 États européens.

Les risques de nouvelles baisses des résultats demeurent toutefois élevés compte tenu des signes d’une seconde vague d’infections et d’un retour aux restrictions de l’activité sociale et commerciale, ce qui pourrait entraîner notamment un recul des exportations vers les marchés internationaux.

David Moss, responsable des actions européennes chez BMO Global Asset Management, devine une certaine nervosité sur les marchés d’actions européens en raison de la multiplication récente des cas de COVID-19 et de l’incertitude qui se profile.

« Il y a eu d’énormes injections de liquidités et un soutien gouvernemental dans presque tous les pays auxquels vous pouvez penser, et le soutien financier se poursuivra probablement jusqu’en 2021.  Nous ignorons toutefois ce qui va se passer quand la facture va tomber, note David Moss, qui est basé à Douvres, en Angleterre, et qui est le gestionnaire principal du Fonds européen de la BMO.

Malgré la relance, les marchés boursiers européens ont mis du temps à se redresser : le 30 septembre, l’indice MSCI Europe affichait 12,75% en dessous de son niveau de début d’année, un résultat inférieur au gain de 5,6% de l’indice S&P 500 pour la même période.

En comparaison au cours du même intervalle, la valeur du BMO European Fund Series F a décliné de 0,4 %. Au 30 septembre, le fonds affichait un gain annuel moyen composé de 2,9 % sur trois ans et un gain annuel moyen de 4,8 % sur cinq ans se situant dans le premier quartile.

« L’Europe n’a pas la faveur des investisseurs depuis un certain temps, mais le retard s’est accentué au cours de la pandémie, commente David Moss. Ce qui a fonctionné dernièrement, ce sont les actions « stay-at-home », et elles sont plus nombreuses aux États-Unis qu’en Europe. L’Europe possède quelques grandes entreprises technologiques, mais aucun géant de l’ampleur d’Amazon ou d’Apple. »

La stratégie de l’équipe de BMO consiste à rechercher des entreprises basées en Europe qui sont des leaders mondiaux avec des opérations multinationales, et qui ne dépendent pas uniquement du marché intérieur. il s’agit d’entreprises capables de prospérer à travers les différents cycles économiques et qui bénéficient d’un fort avantage commercial par rapport à leurs concurrents. Une fois ciblées, ces entreprises sont intégrées au fonds BMO, idéalement pour une période d’au moins trois ans. Leur taux de rotation annuel récent est d’ailleurs relativement faible (27 %).

Actuellement, le fonds BMO se compose de 41 entreprises avec généralement une diversification par secteurs, bien qu’on ne retrouve pas nécessairement d’exposition à tous les secteurs, précise David Moss. Par exemple, il n’y a actuellement aucune entreprise issue des services publics, des télécommunications ou du secteur de l’énergie (pétrole et gaz). Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pour leur part jugés importants, et l’équipe de BMO se concentre sur les entreprises ayant un modèle d’entreprise durable.

« Nous aimons gérer un portefeuille concentré où chaque action compte, explique David Moss. Mais nous aimons aussi avoir un large éventail d’entreprises. »

Les secteurs les plus importants du fonds BMO sont les soins de santé, la technologie et les biens de consommation. Quelques entreprises ont été retirées du fonds au printemps après le recul des marchés découlant de la COVID-19, dont la banque néerlandaise ING Group et la banque italienne Intesa Sanpaolo S.p.A.

« Nous anticipions que les taux d’intérêt resteraient bas pendant longtemps et que l’environnement pourrait également s’avérer difficile pour l’activité économique », souligne David Moss.

Un autre retrait a été celui de Lenzing AG, une société autrichienne qui produit des fibres de viscose à base de bois utilisées dans l’habillement et le textile comme alternative au coton. L’équipe de la BMO s’inquiétait du fardeau financier lié à certains coûts nécessaires aux opérations de Lenzing.

L’importante chute des marchés boursiers survenue au printemps a toutefois permis d’acheter des parts du groupe suisse Lonza à prix attractif. Lonza est un partenaire mondial de diverses organisations pharmaceutiques et biotechnologiques. Elle collabore notamment avec la société américaine Moderna Inc. sur un vaccin contre les coronavirus. Le fonds BMO avait déjà une petite position dans Lonza et David Moss surveillait l’entreprise depuis un certain temps. Le prix des actions de Lonza, depuis, a progressé.

Les soins de santé constituent le secteur le plus important du fonds BMO, et les principales participations comprennent AstraZeneca PLC, Novo Nordisk A/S du Danemark et GlaxoSmithKline PLC. Un autre nom important est celui de la société néerlandaise Koninklijke Philips N.V., leader dans le domaine de l’imagerie diagnostique et des équipements de surveillance des patients à domicile.

Le constructeur italien de voitures de sport de luxe Ferrari S.p.A. est un achat récent. Ferrari a de grosses marges bénéficiaires et sait comment commercialiser sa marque haut de gamme, affirme David Moss. L’entreprise a temporairement arrêté sa production au printemps en raison de la COVID-19, mais elle a rouvert depuis et la pénurie a simplement fait croître le carnet de commandes, ajoute-t-il.

Matt Peden, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Invesco Advisors Inc., à Atlanta, et cogestionnaire du fonds Invesco Europlus, considère l’environnement boursier européen actuel comme « hautement spéculatif ». Selon lui, de nombreuses actions se sont appréciées à des niveaux élevés principalement en raison des mesures de relance budgétaire et monétaire prises par les gouvernements et du manque d’alternatives attrayantes à revenu fixe.

« Le risque d’assister à une deuxième vague du virus est important, notait-il alors en entrevue. Cela peut inciter les gens à préférer se confiner chez eux même s’il n’y a pas de nouvelle fermeture des activités. Nous évitons en conséquence les entreprises qui proposent un scénario de reprise optimiste. Nous nous concentrons sur les entreprises qui peuvent obtenir de bons résultats même dans un environnement économique difficile et où une possibilité d’être récompensé existe malgré les risques. »

Le fonds Invesco maintient une position de trésorerie d’environ 20 %. Les liquidités ont été élevées ces deux dernières années, depuis que l’équipe d’Invesco a vendu certaines positions entièrement valorisées et a dû faire face à un manque d’actions à prix attractif pour redéployer leur liquidité. Bien que des niveaux élevés de liquidités puissent entraver les performances lors de marchés en hausse, la version Invesco Europlus Series F a enregistré un rendement légèrement positif de 1,1 % depuis le début de l’année (au 30 septembre) et un rendement annuel moyen composé de 7,7 % sur trois ans.

Bien que les actions européennes aient été à la traîne des marchés nord-américains plus robustes récemment et soient toujours en dessous des niveaux enregistrés avant la crise, les valorisations restent gonflées dans de nombreuses entreprises de haute qualité et Matt Peden ne voit que peu d’opportunités d’achat intéressantes. Il conserve un portefeuille très concentré de seulement 15 titres, et reste toujours avec moins de 20 noms sur sa liste.

« Nous croyons fermement qu’il faut mettre de la conviction derrière les meilleures opportunités, dit-il. Nous nous concentrons sur les entreprises de haute qualité qui sont des leaders dans leur marché avec un avantage concurrentiel et une grande certitude de croissance. Nous évitons les entreprises cycliques et de faible qualité.

Par exemple, au cours des dix dernières années, le fonds Invesco a évité les actions des banques. Matt Peden estime que le secteur bancaire est peu attractif en Europe et « ne se distingue pas en termes de qualité ».

L’une des principales participations actuelles du fonds Invesco est Benefit Systems SA, une société polonaise qui fournit des prestations de travail dans le domaine des sports et des loisirs, et le plus grand exploitant de clubs de fitness de Pologne.

Dans le secteur de la santé, Eurofins Scientific SE, un opérateur mondial de laboratoires d’essais de produits pharmaceutiques, alimentaires et agricoles basé au Luxembourg, apparaît comme un groupe de premier plan. Eurofins est aussi actif dans le développement de tests COVID et effectue des tests prénataux pour diverses conditions génétiques.

Un autre groupe important est Scout24 AG, une société allemande spécialisée dans les annonces en ligne pour l’immobilier et l’automobile. Selon Matt Peden, le service en ligne offre un large éventail d’outils qui permettent aux agents de promouvoir des biens immobiliers et aux clients de cibler leurs recherches.

« Scout24 a bénéficié de la fermeture de l’économie et de la récupération qui s’en est suivi, car les gens ont commencé à chercher différents types de logements dans l’environnement post-COVID », explique Matt Peden.

Le fonds conserve ses parts dans la société belge Anheuser-Busch InBev SA/NV, la plus grande brasserie au monde connue pour des marques telles que Budweiser, Corona et Stella Artois, bien qu’elle ait été touchée par les fermetures de bars et de boîtes de nuit.

Matt Peden a toutefois récemment vendu deux entreprises qui avaient atteint leur pleine valeur : Just Eat Takeaway.com NV, une plateforme néerlandaise de commande de produits alimentaires en ligne, et Domino’s Pizza Group PLC, le franchiseur britannique de la célèbre chaîne de pizzas américaine. Les actifs découlant de ces ventes ont été réinvestis dans des entreprises déjà intégrées au fonds plutôt que d’être utilisé pour ajouter de nouveaux titres au portefeuille.