En effet, les conseillers sondés à l’occasion du Pointage des cabinets multidisciplinaires de 2020, dont l’âge moyen était de 49,6 ans, ont accordé une importance moyenne de 8,4 sur 10 au fait que le programme de relève (transfert de bloc d’affaires et passage à la retraite) de leur firme réponde à leurs attentes. Toutefois, les conseillers sondés ont accordé une note moyenne de 7,4 sur 10 à leur firme pour ce programme. Parmi les 10 firmes faisant partie du Pointage de 2020, les notes à ce critère d’évaluation varient de 6,9 à 9,2. MICA Cabinets de services financiers (9,2) et Assante (8,6) affichent les meilleurs résultats, alors qu’Investia (7,0) et SFL (6,9) ont obtenu les scores les moins élevés parmi leurs pairs.
Dans bon nombre de firmes, un constat général se dégage du sondage: les courtiers pourraient en faire davantage pour faire connaître leur programme de relève des conseillers, comme le démontrent ces commentaires recueillis par notre sondeuse en 2020. «Il n’y en a pas», dit un répondant. «Je ne le connais pas», a dit un autre, reprenant un commentaire répandu. Pourtant, la plupart des firmes ont des programmes pour favoriser le transfert de blocs d’affaires entre conseillers. Certains répondants qui semblaient en avoir bénéficié sont tantôt satisfaits, tantôt insatisfaits. «Mon directeur de succursale travaille très fort pour la relève et il y a des résultats incroyables», a indiqué un sondé.
«J’en ai personnellement bénéficié. C’est intéressant que ce soit en place. La firme ne s’implique pas pour la négociation de la valeur du book, par exemple. On ne facilite pas la transition. Il faut qu’on se débrouille seul», a mentionné un autre.
«J’ai acquis le book de mes parents et ça s’est bien passé», a noté un conseiller.
«Ils ont un programme de relève, mais il n’a pas l’air d’être efficace. Ils ne m’ont recommandé personne», a observé un autre représentant.
Chose certaine, le transfert de blocs d’affaires semble un défi de taille dans les régions les moins peuplées, d’après quelques répondants au sondage. «Il n’y a pas de relève réelle dans ma région et je ne vois pas d’effort déployé», a dit un conseiller sondé.
«Ils ont des processus, mais la relève n’est pas là. En région éloignée, ça ne se bouscule pas aux portes!» a témoigné un autre. Certaines firmes ont des politiques qui semblent bien comprises, comme à la Financière Sun Life, où les conseillers reçoivent deux fois par an un relevé qui indique la valeur de leur bloc d’affaires, tel que le mentionne un répondant au sondage de 2020. Finance et Investissement en faisait d’ailleurs état dans un article de 2016.
Le défi de la relève
Avec le vieillissement des conseillers, le transfert de blocs d’affaires deviendra un enjeu très important dans les prochaines années, selon Éric Lauzon, vice-président au développement des affaires et au recrutement pour le Canada d’Assante. Outre le défidu financement des transferts de blocs d’affaires ou celui d’apparier convenablement un senior avec un junior pour orchestrer une transition douce, plusieurs embûches risquent de se dresser.
Éric Lauzon en évoquait deux. D’abord, certains conseillers risquent de ne recevoir aucune offre ou des offres inférieures à leurs attentes parce que leur bloc d’affaires est trop petit ou «de mauvaise qualité». Ensuite, certains ayant un bloc d’affaires important par rapport à celui des autres conseillers de leur firme devront changer de courtier afin de trouver un représentant capable d’intégrer leurs clients.
«Quand un conseiller est trop gros comparativement aux autres conseillers de sa firme, la succession ou la vente dans sa firme peut être un défi. Il va être obligé de briser le book en trois ou en quatre pour vendre [à l’interne] et ce n’est vraiment pas optimal», témoignait-il en mai. «Quand un conseiller gère 50 M$ ou 60 M$ d’actif, il est capable de digérer des books de 30 M$ ou 40 M$. Ce n’est pas difficile, il l’a déjà fait», ajoutait-il, précisant que des conseillers d’Assante ont cette capacité.
Il existe un programme de relève chez Assante qui prévoit notamment le financement pour l’achat de blocs d’affaires provenant de l’interne ou de l’externe. De plus, «quand un senior recrute un junior pour l’aider au développement des affaires et que le junior va devenir sa succession, on a un programme de subvention des salaires de ces gens-là pendant le début de leur carrière», notait Éric Lauzon. Chez SFL Gestion de patrimoine, on offre une série de formations pour attirer les jeunes finissants, dans le but de les jumeler, à terme, avec des conseillers d’expérience. «Si un cabinet est en voie d’acheter 1 000 clients et qu’il a besoin d’assurer un niveau de service à ces clients, on va développer les recrues en fonction de possiblement venir en aide à ce cabinet», indiquait Michael Rogers, vice-président, ventes et distribution, réseaux indépendants au Mouvement Desjardins, en mai dernier.
En janvier dernier, Michael Rogers est devenu vice-président principal ‘ réseaux de distribution courtage de Beneva, la mutuelle née de la fusion de SSQ Assurance et La Capitale.
Un répondant au sondage lié à SFL notait qu’il avait conclu une entente avec un conseiller vendeur, mais que la direction avait bloqué la vente. Michael Rogers reconnaît que la direction a établi des règles «de saine gestion des blocs d’affaires» afin de s’assurer que les clients transférés reçoivent un minimum de services.
«Il y avait une tendance dans l’industrie où beaucoup d’acquisitions étaient faites par très peu de conseillers. Ça nous a amenés à [établir] certaines pratiques d’affaires chez nous. Autrement dit, on ne veut pas se retrouver avec un conseiller qui a 3 000 ou 5 000 clients», expliquait-il.
«[Un conseiller doit] prendre le temps de s’occuper des clients, et pas juste être une machine à gérer un bloc d’en-vigueur. Si un conseiller veut vendre et que celui qui achète a déjà un nombre suffisant de clients, on exige de l’acheteur qu’il se donne une structure. Il doit avoir une adjointe administrative avec ou sans permis. On demande que le cabinet qui achète recrute [d’autres conseillers]», a-t-il ajouté. Selon lui, SFL n’empêche pas l’achat de blocs d’affaires, mais établit des règles de prestation minimale de services aux clients.
Chez Investia Services financiers, un représentant juge que le taux d’intérêt pour le financement de l’achat de blocs d’affaires reste trop élevé à son goût, soit environ 7 % selon lui. Finance et Investissement a demandé des précisions à ce courtier, qui rétorque que son programme de succession des conseillers comprend un financement compétitif, sans pour autant aborder la question du taux d’intérêt.
«Pour les conseillers qui envisagent la vente de leur cabinet, nous avons un programme complet pour aider à un atterrissage en douceur à la retraite. Notre objectif est d’aider les conseillers à trouver un successeur approprié avec une vision vers une expérience client transparente pour l’investisseur particulier. Nous proposons une approche flexible, afin que les conseillers puissent gérer la transition à leur rythme», écrivait iA Groupe financier, société mère d’Investia Services financiers, dans un courriel-réponse en mai dernier.
Aux yeux d’un répondant du Groupe financier PEAK, ce courtier devrait accorder une importance plus élevée au soutien du conseiller dans le processus de transfert de son bloc d’affaires. «Nous sommes très fiers de notre programme de relève qui fonctionne bien et qui semble donner d’excellents résultats», écrivait en mai dernier Philippe Roy, vice-président chez PEAK, dans un courriel.
Ce programme consiste à apparier vendeurs et acheteurs potentiels ayant un profil adéquat: «Nous avons un très grand bassin d’acheteurs», notait-il.
De plus, PEAK les accompagne dans le processus transactionnel en mettant à leur disposition des documents dont ils auront besoin, telles que les ententes de confidentialité ou encore des lettres d’intention. «Nous avons mis en place des ententes de financement avec des prêteurs afin de permettre aux conseillers d’avoir accès à des capitaux s’ils en ont besoin. Nous offrons un service d’accompagnement en recrutement aux conseillers d’expérience qui sont à la recherche de conseillers pour se joindre à leur équipe et éventuellement prendre la relève», ajoutait-il.