Les premiers représenteraient de 8 à 16 % de l’ensemble des FCP canadiens, d’après une analyse de Finance et Investissement menée à partir d’une base de données de Fundata.
Par rapport au secteur des FCP, une part plus élevée de fonds à risque de fermeture est constituée de fonds d’actions de sociétés à petite capitalisation ou de produits dont le ratio des frais de gestion (RFG) est élevé. La proportion de fonds équilibrés est plus faible, selon cette analyse.
Cette dernière visait à calculer la probabilité qu’un FCP soit à risque d’être fermé ou fusionné dans un avenir proche. Appelons ces fonds de potentiels «vilains petits canards» : ils pourraient être exclus de l’univers des FCP, à moins qu’un contexte ne les amène à attirer des actifs, à gagner en maturité et à se transformer en cygnes.
Différents analystes, dont John Krisko, gestionnaire, analyses et données, chez Fundata, estiment qu’une conjugaison de facteurs permet de désigner des fonds comme de «vilains petits canards». Ils sont généralement âgés, ont un faible actif sous gestion, affichent un historique de rendement inférieur à celui de leurs pairs et connaissent peu de ventes nettes ou même de rachats nets. La base de données de Fundata ne fournissait pas d’information quant aux ventes nettes/rachats nets des fonds.
À partir de cette base de données à jour au 17 septembre 2020, nous avons utilisé un échantillon de 2 441 fonds qui affichaient une performance sur trois ans par rapport aux fonds de la même série (série à commission [commission-based advice], série à honoraires [fee-based advice]) et aux fonds de même catégorie (par exemple, équilibrés mondiaux neutres, actions américaines, revenu fixe canadien, etc.)
De cet échantillon, nous avons formé deux sous-groupes de fonds qui avaient à la fois un rendement de troisième ou de quatrième quartiles et au moins une série lancée avant le 1er janvier 2017. Dans le premier sous-groupe (SG1), tous les fonds avaient moins de 50 M$ d’actif sous gestion à la mi-septembre 2020, et dans le second (SG2), tous avaient moins de 20 M$ d’actif sous gestion à cette date.
Résultat : le SG1 représentait 15,73 % des 2 441 fonds de l’échantillon et le SG2, 8,32 %.
Cette «probabilité de décès» de 16% pour un FCP est raisonnable, car il y a chaque année un segment des fonds d’investissement qui sont enclins à être fermés ou fusionnés, d’après Dan Hallett, vice-président, recherche, chez HighView Financial Group:«Historiquement, environ de 5 % à 10% des fonds d’investissement sont fermés ou fusionnés chaque année, en moyenne.»
Pour le SG1 et le SG2, les RFG étaient plus élevés que dans l’ensemble de l’échantillon. Le RFG médian de l’échantillon était de 1,04 % pour les fonds de série F à honoraires, par rapport à 1,14 % pour les fonds du SG1 et 1,147 % pour ceux du SG2. Le RFG médian de l’échantillon se chiffrait à 2,18 % pour les fonds à commission, par rapport à 2,32 % pour les fonds du SG1 et à 2,30 % pour ceux du SG2.
Par rapport à l’échantillon, on trouvait dans le SG1 et le SG2 une proportion plus élevée de FCP de la catégorie «actions canadiennes» et «actions de PME américaines». Toutefois, toujours en comparaison avec l’échantillon, on constate dans les deux sous-groupes une part plus faible de FCP des catégories «équilibrés canadiens à revenu fixe», «actions principalement canadiennes», «équilibrés mondiaux d’actions», «équilibrés mondiaux à revenu fixe», «équilibrés mondiaux neutres».
L’analyse reste imparfaite et le risque de mortalité d’un fonds dépend de bon nombre de facteurs propres à chaque émetteur de fonds. Un manufacturier peut conserver dans son offre un fonds peu ou pas rentable si d’autres produits plus rentables le soutiennent et que le besoin de certains clients le justifie.
«Si les actifs sont trop petits, il est probable que l’émetteur de fonds subventionne ou absorbe une partie des coûts», explique Dan Hallett.
Tous les manufacturiers n’ont pas les mêmes seuils de rentabilité pour leurs fonds ni la même étendue de l’offre de fonds, ce qui les amène à faire des choix commerciaux différents. Pour qu’un fonds cesse d’être un vilain petit canard, de manière générale, il doit avoir un actif sous gestion minimal de 50 M$ à 300 M$, d’après Dan Hallett : «Ça varie en fonction de la taille d’un manufacturier de fonds, des frais de ce fonds, du nombre de produits de ce manufacturier et de l’efficience de ce dernier.»
Le risque de fermeture peut être élevé même pour les fonds de 50 M$ ou plus si ceux-ci sont gérés par les plus grands manufacturiers de FCP ou si ces fonds cadrent avec les catégories d’actif où la concurrence est féroce, comme les actions mondiales, souligne John Krisko: «Les plus grands émetteurs de fonds ont aussi la capacité de fusionner un fonds avec un produit qui est similaire, si bien qu’ils n’attendraient pas que l’actif géré de ce fonds soit faible avant de décider de le fermer.»
Un fonds dont le style de gestion est boudé temporairement peut rester pendant une certaine période un vilain petit canard avant de se transformer en cygne lorsqu’il attire soudainement l’attention et affiche un regain de ventes nettes. Or, certains fonds peuvent demeurer longtemps de vilains petits canards.
John Krisko donne l’exemple d’un fonds de Harvest dont le RFG est le plus élevé de l’échantillon:«Ce fonds avait environ 23 M$ en actif géré en 2012. Aujourd’hui, il gère moins de 10 M$, alors qu’il affiche une performance de quatrième quartile sur une période de huit ans. Pourquoi est-il encore en activité ? Peut-être que pour cette petite entreprise, il reste rentable ou utile à quelque chose.»
Ce fonds n’est pas le seul, car, parmi les 360 fonds de moins de 50 M$qui affichaient une performance sur huit ans, on en dénombre 156 (43 %) dont les performances sur cette période sont de quatrième quartile. Parmi ceux-ci, un ou deux proviennent des familles des plus grands manufacturiers canadiens, mais aussi de plus petits dont Chou Associates Management.
Pour éviter que des conseillers ou des investisseurs de détail ne gardent des fonds qui sous-performent à moyen/long terme, les régulateurs devraient obliger les manufacturiers à comparer leurs rendements avec ceux d’un indice de référence approprié, selon Jean Maltais, président de Finalityx et consultant spécialisé en construction de portefeuille et suivi de performance : «S’ils voyaient qu’ils sont en retard sur cinq ans de 200 ou 300 points de base par rapport à l’indice, peut-être que ça les réveillerait un peu, mais la réglementation n’est pas rendue là.»
Jean Maltais, qui travaille dans l’industrie depuis 30 ans, n’est pas surpris qu’autant de fonds soient à risque de fermeture. «Certaines firmes lancent de nouveaux produits tous les ans. On lance une idée, une nouvelle thématique, on met le capital de démarrage et si les ventes ne sont pas au rendez-vous, on fusionne.»
Il n’est pas surpris que parmi les fonds qui risquent une fermeture, on retrouve une proportion plus élevée de fonds spécialisés très ciblés, par exemple d’un pays en particulier comme la Chine ou le Japon ou d’un sous-secteur comme les fonds d’actions de sociétés à petite capitalisation : «Tant que la performance est au rendez-vous, ça va bien. Mais quand ces secteurs subissent une correction, ils provoquent plus de nervosité chez les investisseurs et exigent aussi plus de temps pour le rééquilibrage. Le jeu n’en vaut souvent pas la chandelle et les conseillers leur préfèrent des fonds à objectifs globaux ou internationaux qui sollicitent moins de ressources», dit Jean Maltais.
Il n’est pas non plus étonné qu’une part plus faible de fonds équilibrés ou de fonds de fonds figure parmi les fonds à risque de fermeture, car ils se vendent bien et pour cause : ils répondent aux besoins d’un conseiller qui hésite à bâtir des portefeuilles à partir de fonds spécialisés.
«Ces fonds présentent l’avantage d’offrir un rendement moins volatil que les fonds spécialisés, ce qui rassure les investisseurs. Sur le plan opérationnel, ils offrent aussi l’avantage d’inclure le rééquilibrage», dit Jean Maltais.
Bien que pratiquement aucun conseiller ne sélectionne consciemment des fonds moins performants, tout conseiller risque d’en détenir avec le temps, selon Jean Maltais. Outre le risque que leur fonds vedette d’antan connaisse de piètres performances avec le temps (voir l’encadré), certains conseillers ou leurs clients investissent parfois une part de leur portefeuille dans une nouvelle thématique prometteuse, mais dépourvue d’historique.
Lorsqu’un manufacturier de fonds en acquiert un autre, une rationalisation de la gamme de fonds est à prévoir, ce qui crée une vague de fermetures, note Jean Maltais : «L’acquéreur se retrouve avec deux produits ayant essentiellement les mêmes caractéristiques. Alors, lorsqu’il n’y a pas assez de différenciation entre les produits, c’est plus rentable de rationaliser.»
Potentiel risque fiscal
Détenir des fonds moins performants dans le portefeuille de ses clients, comme des vilains petits canards, entraîne de lourdes conséquences. En effet, l’actif de ces clients et, par conséquent, l’actif sous administration du conseiller croissent à un rythme inférieur à ce qu’il pourrait être si on les remplaçait, selon Jean Maltais.
Les fonds à risque de fermeture peuvent aussi déplaire aux clients qui en détiennent dans des comptes non enregistrés. En général, pour ces clients, la dissolution des fonds est une disposition imposable qui entraînera généralement un gain ou une perte en capital.
À certaines conditions, l’article 132.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu «prévoit un mécanisme, appelé échange admissible, qui permet à un organisme de placement collectif de transférer ses biens, avec report d’imposition, à un autre semblable organisme, ainsi qu’aux détenteurs d’unités ou aux actionnaires de l’organisme de céder leurs unités ou leurs actions contre des unités de l’organisme cessionnaire», lit-on dans une note de Wolters Kluwer à laquelle fait référence Guerlane Noël, directrice, planification fiscale et successorale, de Placements Mackenzie.
«Cet article peut s’appliquer uniquement à des échanges admissibles. L’avenir nous dira si les autorités fiscales prévoiront une disposition spéciale permettant un report d’impôt dans le cas de la fermeture d’un fonds corporate class, mais pour l’instant, à moins d’indication contraire, la fermeture d’un tel fonds génère un événement imposable», indique-t-elle.
Il existe différentes stratégies fiscales afin de réduire l’effet d’une disposition fiscale, comme le don de titres, mais la stratégie la plus commune reste la vente à perte à des fins fiscales pour les clients de détail, selon Guerlane Noël.
«Lorsqu’un investisseur possède des placements affichant une perte latente dans des comptes non enregistrés et qu’il aura à payer de l’impôt sur un gain en capital imposable, il sera judicieux de vendre lesdits placements à perte de façon à absorber l’imposition liée au gain en capital», note-t-elle.
La récente baisse des ventes nettes de FCP par rapport à celles de fonds négociés en Bourse (FNB) crée-t-elle un risque d’accélération du nombre de fermetures de fonds ? «On peut raisonnablement s’y attendre, étant donné les rachats nets dans les fonds à long terme et les ventes nettes plus faibles pour les FCP en général, estime Dan Hallett. La stratégie du fonds a aussi un impact sur les fermetures. C’est donc un problème plus important pour les FNB, parce qu’une proportion plus élevée d’entre eux a une stratégie spécialisée ou un mandat restreint ‘ qui sont plus susceptibles de tomber dans la catégorie des vilains petits canards.»