Les responsables de la conformité interrogés, des secteurs de l’assurance de personnes, de l’épargne collective et du courtage en valeurs mobilières, signalent que l’industrie et les entreprises ont parfois dû mettre les bouchées doubles pour s’adapter aux exigences de la sécurité informatique et de la confidentialité des données.
Avec la croissance des ventes à distance, une certaine inquiétude se manifeste concernant les impacts de la distribution sur Internet de produits d’assurance de personnes. Et la hausse du recours aux prêts à effet de levier suscite également sa part d’interrogations.
Retard à combler
Pour bien des répondants, la pandémie a été un choc salutaire qui a facilité l’inéluctable passage aux échanges électroniques.
Certaines entreprises ont dû implanter à la volée des systèmes de signature électronique et de vérification d’identité à distance.
Un spécialiste de la conformité avoue que «le travail à distance massif a mis en lumière notre important retard sur la signature électronique et l’abandon du papier».
Un répondant souligne qu’il a fallu rapidement définir «les systèmes de signature électronique les plus appropriés». Et qu’on a dû «analyser de quelle façon les conseillers pouvaient identifier correctement les nouveaux clients sans les rencontrer en personne».
Un autre précise que le problème de l’obtention de la signature lors de l’ouverture de nouveaux comptes a été réglé avec l’acquisition d’un logiciel de signature électronique.
Certains répondants ont mis l’accent sur la responsabilité de «l’industrie». L’un de ceux-ci estime que «l’industrie de l’assurance a eu de la difficulté à rendre le processus de signature conforme et efficace». Un autre a évoqué le «retard de l’industrie»à l’égard de la «technologie et du virage numérique du processus de vente», sans toutefois spécifier le secteur de l’industrie financière en cause.
Le processus d’adaptation aux échanges électroniques s’est parfois déroulé sur le terrain des applications de rencontres virtuelles, les Zoom, Skype et Microsoft Teams de ce monde. En début de pandémie, confie un répondant, les conseillers ont eu «des difficultés à échanger virtuellement avec leurs clients».
Le problème de la vérification de l’identité du client s’est parfois posé avec acuité.
«Il est devenu difficile de savoir si le client est ou réside dans la province de certification du conseiller au moment où la transaction est réalisée», précise un répondant.
Un autre ajoute que «l’identification des clients est capitale en termes de gestion du risque lié au blanchiment d’argent».
Cela étant dit, la quasi-totalité des spécialistes de la conformité ont mobilisé leurs forces dans la même direction. Plus de neuf sur dix (93,9 %) signalent avoir enrichi les contrôles de sécurité informatique afin de gérer les risques liés au télétravail.
Le défi des inspections
Le déploiement de la quasi-totalité des effectifs à distance, conseillers comme gestionnaires, a mis en relief le problème des inspections.
«Les conseillers et le personnel de conformité ont oeuvré à distance. La supervision et les audits ont été menés à distance avec succès. Nous sommes préoccupés par les risques à long terme», note un spécialiste de la conformité.
Un répondant note que la pandémie «a réduit notre capacité d’effectuer des inspections sur place».
Un autre participant transpose le problème des inspections à l’échelle des organismes de réglementation. «Le régulateur doit adapter ses exigences de supervision à la nouvelle réalité du télétravail, et ce, au-delà de la pandémie», affirme-t-il.
Un répondant sur cinq craint que la souscription de polices d’assurance de personnes sur Internet «accentue le risque de traitement inéquitable des consommateurs».
Cela pourrait bien être un faux problème, selon Adrien Legault, directeur des finances et chef de la conformité d’Aurrea Signature.
«Des indépendants redoutent les avancées des grands acteurs dans la vente des produits d’assurance de personnes sur Internet, dit-il. La vente en ligne exige beaucoup de ressources, ce qui désavantage les indépendants et les plus petits acteurs. La réalité des choses, c’est qu’Internet rejoint beaucoup de gens qui n’étaient pas ou peu assurés. Ces indépendants, qui appréhendent la force de frappe des grandes firmes sur Internet, doivent réagir en définissant leurs marchés de meilleure façon.»
Prêts à effet de levier
La hausse du recours aux prêts à effet de levier depuis la pandémie a été notée par un répondant sur cinq. Y a-t-il matière à inquiétude ?
«Ce phénomène nous a interpellés. On observe qu’il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet avec les prêteurs et les assureurs», signale Adrien Legault.
Selon lui, la nature des marchés, devenus plus instables en raison de la pandémie, explique en partie la croissance des prêts à effet de levier.
«Lorsque les marchés perdent de l’altitude, les prêts à effet de levier peuvent devenir attrayants pour les clients bien informés, qui ont un profil de risque adéquat et les ressources financières qui s’y prêtent», explique-t-il.
Une condition essentielle à leur utilisation : la stratégie doit avoir été «expliquée de longue date» par les conseillers à l’affût des inévitables baisses des marchés, insiste Adrien Legault.
Même son de cloche chez Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la conformité de MICA Cabinets de services financiers.
«La stratégie de prêts à effet de levier n’est pas faite pour ceux qui ont perdu leur travail», lance-t-il.
Chez MICA, les demandes de prêts à effet de levier ont été «un peu plus nombreuses» au cours de la dernière année. «Les critères sont restés les mêmes. Cette stratégie étant plus risquée, les contrôles sont plus grands. Avant que ce genre de dossier se rende au prêteur, on s’assure que ces clients connaissent bien la stratégie. Il faut aussi que la capacité financière et la tolérance au risque soient au rendez-vous», dit Yvan Morin.
Vers une industrie plus inclusive
L’industrie financière fait des efforts afin d’accroître la diversité de son personnel, montre le sondage en ligne du Pointage des régulateurs mené auprès des responsables de la conformité. En tout, 30,3 % des répondants ont indiqué que, depuis le début de 2020, on a déployé au sein de leur organisation des mesures supplémentaires afin de favoriser l’inclusion d’employés autochtones ou appartenant à une minorité visible. Il reste à voir si ces actions seront couronnées de succès.