L’organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) répond à nos questions ainsi qu’aux critiques formulées par les répondants au sondage en ligne.
Finance et Investissement (FI): Dans les deux dernières années, quelles sont les initiatives mises en place en réponse aux critiques soulevées par les personnes réglementées au fil des ans?
L’OCRCVM passe beaucoup de temps à dialoguer avec les parties intéressées – investisseurs, membres du secteur, autres organismes de réglementation du monde entier, et courtiers et conseillers en épargne collective – pour s’assurer que la réglementation évolue de façon à répondre aux besoins des investisseurs canadiens et des personnes qui les servent.
Nous sommes déterminés à collaborer avec nos membres afin de les aider à comprendre les risques auxquels ils font face et la façon de les réduire. Tous les trois ans, nous sollicitons leurs commentaires au moyen du sondage sur l’efficacité de l’OCRCVM.
En 2019, l’OCRCVM, en collaboration avec Accenture, a entrepris une étude exhaustive du secteur et publié un rapport intitulé «Favoriser l’évolution des services-conseils au Canada». Le rapport évoque le changement du profil démographique des investisseurs, les obstacles à l’innovation et la façon dont la réglementation pourrait évoluer à mesure que le secteur se transforme. Par la suite, nous avons réalisé un sondage intitulé «Accès aux services-conseils» auprès des investisseurs actuels et potentiels de tout le pays afin d’en savoir plus sur leurs besoins et attentes et sur les obstacles qui, selon eux, les empêchent d’obtenir les conseils qu’ils veulent.
Au vu des résultats de ces études, l’OCRCVM réexamine ses exigences afin d’y apporter les modifications nécessaires pour réduire les obstacles à l’innovation et veiller à ce que les investisseurs soient protégés.
Par exemple, nous avons publié une note d’orientation sur l’utilisation de la signature électronique.
Nous examinons le recours à l’automatisation dans l’ouverture des comptes et prévoyons publier une note d’orientation qui aidera les surveillants à s’acquitter de leurs responsabilités de surveillance. Nous avons poursuivi nos efforts pour sensibiliser les sociétés et les aider à se protéger des cybermenaces grâce à une série d’initiatives, dont des sondages d’autoévaluation, des exercices de simulation, des visites sur place avec des consultants, ainsi que plusieurs guides et webémissions. Nous publierons aussi un guide pour aider les sociétés à jeter les bases d’un programme de gestion du risque lié aux technologies. En juin dernier, après avoir consulté des sociétés de tout le pays, l’OCRCVM a publié le document «Améliorer l’autoréglementation pour les Canadiens», qui souligne les avantages d’une fusion de l’OCRCVM et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM). Le nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) issu de cette fusion améliorerait la protection des investisseurs et l’accès aux services-conseils tout en réduisant radicalement le double fardeau réglementaire et les formalités administratives inefficaces pour les sociétés, en particulier celles qui sont réglementées à la fois par l’OCRCVM et l’ACFM. Selon un rapport de Deloitte commandé par l’OCRCVM, la fusion des deux OAR permettrait au secteur d’économiser jusqu’à un demi-milliard de dollars et d’offrir des services et des solutions améliorées qui procureront de la valeur aux Canadiens.
À la suite d’un examen exhaustif des Règles des courtiers membres, le 31 décembre 2021, l’OCRCVM remplacera ces dernières par un manuel de réglementation mis à jour rédigé en langage simple, dont seront éliminées les dispositions désuètes et redondantes.
Les réalités imposées par la pandémie, notamment le passage aux audits, aux inspections et aux audiences à distance, ont également supprimé certains obstacles en favorisant une participation plus facile et un déroulement plus rapide.
Notre souplesse nous a permis de traverser une crise sans précédent tout en préservant la protection des investisseurs et l’intégrité des marchés. Nous avons agi rapidement pour accorder des dispenses aux sociétés sans compromettre la protection des investisseurs et publié des pratiques exemplaires pour aider les sociétés à continuer de répondre aux besoins de leurs clients.
FI: La généralisation du télétravail a engendré une série d’enjeux de conformité. Comment l’OCRCVM prévoit-il gérer cette situation à l’avenir?
Après la fin de la pandémie, si nous reprenons les méthodes telles qu’elles existaient auparavant, nous aurons manqué l’occasion d’améliorer le système et de nous améliorer nous-mêmes, et nous priverons les Canadiens des avantages dont ils ont bénéficié.
La pandémie a obligé le secteur des valeurs mobilières et les autorités de réglementation à modifier certaines façons de servir les Canadiens, ce qui, dans certains cas, a aggravé les risques ou en a créé de nouveaux.
Le télétravail existait déjà avant la pandémie et les obligations envers les clients demeurent les mêmes, que l’on travaille chez soi ou au bureau. Nous avons poursuivi nos audits et nos inspections à distance, et avons adapté notre définition de «succursale» afin que l’on comprenne bien que le télétravail ne change rien aux obligations qui incombent aux sociétés et à leurs représentants. Nous avons publié deux notes d’orientation à l’intention du secteur afin de donner des précisions sur la façon de s’acquitter, à distance, des obligations de surveillance liée à l’information privilégiée, et de conformité pour le télétravail.
S’agissant de télétravail, les sociétés et leurs employés sont tenus de repérer les risques et de mettre en œuvre des procédures de surveillance efficaces pour limiter risques. L’OCRCVM a pour rôle d’évaluer, dans le cadre de ses inspections, la suffisance de l’analyse des risques effectuée par la société et les contrôles qu’elle a mis en place pour atténuer ces risques.
La gestion proactive des risques liés à la cybersécurité est indispensable à la stabilité des courtiers de l’OCRCVM, à l’intégrité des marchés financiers et à la protection des investisseurs. Au cours des dernières années, même avant la pandémie, l’OCRCVM a aidé les courtiers à renforcer leurs méthodes de gestion des risques et à accroître leur capacité d’intervention en matière de cybersécurité:
- en publiant des ressources comme des guides et des webémissions sur les pratiques exemplaires en matière de cybersécurité, la cybergouvernance ainsi que la gestion et la planification des interventions en cas d’incident;
- en envoyant des sondages d’autoévaluation aux sociétés individuelles et en leur remettant des rapports de recommandations;
- en embauchant des consultants pour effectuer des visites sur place dans certaines sociétés;
- en organisant des exercices de simulation à l’échelle du secteur.
FI: Selon les répondants, l’OCRCVM devrait davantage ou mieux tenir compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie, particulièrement sur les firmes de petite taille. Qu’en pensez-vous?
Nous sommes conscients de l’impact financier de nos politiques et nous nous efforçons d’exercer une surveillance proportionnée, mais nos décisions ne sont pas dictées par la taille des sociétés.
L’OCRCVM a montré qu’il était déterminé à établir une réglementation souple et fondée sur des principes en publiant, dans la mesure du possible, des notes d’orientation illustrant les différentes méthodes qui permettent de se conformer aux règles. Nous effectuons également des évaluations des effets économiques et consultons des sociétés de toute taille sur les principaux projets de modification de règles pour comprendre l’incidence de nos propositions.
Même si certaines règles, telles que celles sur la solvabilité financière, doivent être les mêmes pour tout le monde afin d’assurer une application uniforme à l’échelle des sociétés, nous tenons compte des modèles d’affaires et des risques propres aux différentes sociétés lors de l’élaboration des règles. Par exemple, durant le processus d’audit, nous déterminons les façons dont les sociétés peuvent gérer leurs affaires plus efficacement. Nous fournissons aux sociétés des orientations sur la cybersécurité, réalisons régulièrement des études auprès du secteur et communiquons nos conclusions aux sociétés. Les petites sociétés qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour réaliser des études semblables ou fournir des orientations à leurs conseillers y trouvent leur compte.
FI: Que pensez-vous de cette crainte d’un répondant: «Les frais facturés sont les mêmes, mais de moins en moins de firmes sont sur le marché. Nous pensons que les frais vont augmenter avec le temps, ce que nous ne voulons pas.»
Afin d’offrir un soutien aux courtiers membres, l’OCRCVM a permis le report de la totalité de la cotisation à près de 70 courtiers membres qui paient la cotisation minimale de l’OCRCVM. En outre, environ 80 courtiers membres de taille moyenne ont pu reporter la partie de leur cotisation équivalente à la cotisation minimale. Ces deux catégories de courtiers représentent 90 % des courtiers membres de l’OCRCVM.
L’OCRCVM est un organisme de réglementation pancanadien sans but lucratif qui tire ses produits principalement des membres qu’il réglemente. Nous avons adopté des mesures proportionnées afin d’accorder l’allégement que nous pouvions raisonnablement offrir à ceux de nos membres qui, selon nous, en avaient le plus besoin. Environ 150 de nos courtiers membres seront admissibles au report des cotisations, et les courtiers qui paient la cotisation minimale sont ceux qui devraient en bénéficier le plus. La cotisation exigée des courtiers n’a pas changé au cours du dernier exercice.
Nous continuons d’étudier des façons d’exercer une surveillance proportionnée et adaptée aux modèles actuels et en cours d’élaboration, et de permettre l’arrivée de nouveaux participants sur le marché.
FI: Depuis les deux dernières années, l’OCRCVM affiche des notes relativement faibles pour la pertinence de ses interventions en matière de changements technologiques dans l’industrie. Cette critique est-elle justifiée ?
L’OCRCVM ne porte pas de jugement sur la technologie, mais reconnaît les avantages pour les sociétés de l’adopter et de s’y fier pour réaliser un certain nombre d’objectifs, notamment améliorer l’expérience client, augmenter l’exactitude et l’efficacité, et réduire les coûts.
Une transformation importante s’opère actuellement dans notre secteur. Le soutien de cette transformation est un élément essentiel du plan stratégique de l’OCRCVM.
Nous nous sommes engagés à déterminer les règles et les notes d’orientation qui entraînent des processus et des coûts inutiles ou limitent l’utilisation appropriée des technologies. Par conséquent, au cours de 2020, l’OCRCVM a publié proactivement plusieurs notes d’orientation portant sur des sujets tels que le recours à la signature électronique, le recours approprié à la technologie pour la surveillance de l’ouverture des comptes par les courtiers offrant des services d’exécution d’ordres sans conseils, et la conservation des dossiers de plaintes sous forme électronique.
Nous devons continuer de revoir notre façon de réglementer et d’appuyer l’innovation afin de fournir de la valeur aux Canadiens et au système financier. À cette fin, nous publierons un guide pour aider les sociétés à gérer les risques liésà la technologie.
FI: «Ce n’est pas assez sévère à Montréal. Les montants impliqués ailleurs au Canada sont nettement plus importants et les règles plus sévères.» Cette perception est-elle juste ?
Le Service de la mise en application est déterminé à traiter les affaires graves et à transmettre un message ferme pour décourager les actes répréhensibles futurs. L’OCRCVM est un organisme pancanadien; ses règles s’appliquent dans l’ensemble du pays et les sanctions sont imposées au cas par cas.
En 2020, nous avons poursuivi l’instruction d’affaires importantes au Québec qui concernaient des manquements, par des courtiers, à l’obligation d’exercer une surveillance adéquate. Valeurs mobilières PEAK s’est vu infliger une amende totale de 130 000 $, et la Banque Laurentienne, une amende de 250 000 $. Dans une autre affaire, un représentant inscrit qui avait recommandé l’achat d’un titre alors qu’il disposait d’une information confidentielle encore inconnue du public a dû payer une amende de 40 000$et remettre un avantage net de 30 000 $, en plus d’écoper d’une interdiction d’inscription de cinq ans.
Dans certaines affaires traitées au Québec ces dernières années, des conduites fautives moins graves ont entraîné l’imposition d’amendes moins élevées; cependant, lorsque les faits et circonstances le justifiaient, les sanctions que nous avons demandées et qui ont été ordonnées reflétaient la gravité des contraventions.
Le Québec a été une des premières provinces au Canada à procurer à l’OCRCVM une trousse d’outils disciplinaires complète. Autrement dit, au Québec, contrairement à ce qui est le cas dans d’autres provinces comme la Colombie-Britannique et l’Ontario, l’OCRCVM dispose de l’immunité légale, du pouvoir d’exiger la collecte et la présentation des éléments de preuve à l’audience (pouvoir de contrainte) ainsi que du pouvoir de recourir aux tribunaux pour percevoir les amendes qu’il impose. À titre d’information, nous avons jusqu’ici perçu 136 666 $sur les 140 000$d’amendes imposées à des conseillers pour l’exercice 2020, soit un taux de perception de 98 %.
Éléments portant sur l’OCRCVM
Éléments sur lesquels les répondants étaient davantage positifs
L’OCRCVM communique rapidement ses priorités par les bulletins ou les webinaires.
Éléments sur lesquels les répondants étaient divisés
Certains déplorent que, lors des inspections, l’OCRCVM effectue beaucoup de demandes et prend trop de temps pour produire son rapport final. Toutefois, un répondant juge qu’il était adéquat de faire un mélange d’inspection sur place et à distance.
Éléments sur lesquels les répondants étaient négatifs
Les délais du processus d’audience disciplinaire sont trop longs.