Bien que l’Autorité des marchés financiers (AMF) envisage de nouvelles règles sur le traitement des plaintes, le régulateur prévoit entre autres d’optimiser la charge réglementaire de l’industrie financière et favoriser la distribution au grand public des fonds alternatifs liquides par les représentants en épargne collective.
Ce sont quelques éléments qui ressortent d’un panel avec des représentants de l’AMF à l’occasion du 14e Colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), présenté de manière virtuelle le 27 avril.
Cette présentation visait à faire une mise à jour d’une série de projets réglementaires et consultations. Voici quelques éléments qui ont retenu notre attention.
Traitements des plaintes : bientôt de nouvelles obligations
L’AMF tiendra bientôt des consultations – la date reste inconnue – par rapport à de nouvelles obligations de traitement des plaintes pour l’ensemble des secteurs qu’elle administre, a annoncé Louise Gauthier, directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution à l’AMF.
L’objectif du régulateur : optimiser les processus du traitement des plaintes par les secteurs et réduire les délais des traitements des plaintes.
En clair, l’AMF prévoit d’exiger l’indépendance et l’imputabilité des fonctions qui sont relatives au traitement des plaintes. « Nous allons déterminer les qualifications requises des intervenants dans le traitement des plaintes. Nous souhaitons avoir l’assurance que les intervenants dans le traitement ne soient pas en conflit d’intérêts et soient habilités à prendre des décisions et faire des recommandations qui sont impartiales », a indiqué Louise Gauthier.
Dans sa consultation, l’AMF prévoit rendre la définition des plaintes plus englobante, en y incluant les insatisfactions verbales. De plus, elle prévoit fixer un délai de traitement de rigueur de 60 jours, ce qui serait une nouveauté pour plusieurs courtiers en épargne collective.
« Si le règlement est adopté, on voudrait qu’il gère de manière proactive les problèmes récurrents et les faiblesses dans le processus de traitement des plaintes au sein des entreprises. Par exemple, nous voudrions que vous vous demandiez si un type de plainte reçu pourrait s’appliquer à d’autres clients », a précisé Louise Gauthier.
Le désir de standardiser le processus de traitement des plaintes pour les différents secteurs de l’AMF découle d’une disposition du projet de loi 141 sur l’encadrement du secteur financier. L’AMF a constaté que le nombre de plaintes annuelles enregistrées dans les différents secteurs qu’elle encadre est passé de 1000, il y a deux ans, à 1600 pour la période de 12 mois se terminant à la fin de mars 2021, a noté Louise Gauthier.
Plus facile de distribuer des fonds alternatifs
L’AMF, à l’instar des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), souhaite élargir de manière permanente les prérequis minimums pour qu’un représentant en épargne collective puisse offrir des fonds alternatifs liquides.
Les ACVM ajoutent ainsi à la liste des formations autorisées deux cours de transition, soit le cours « Fonds de couverture et fonds alternatifs liquides pour les représentants en épargne collective », du Canadian Securities Institute (CSI), et le cours « Investir dans des organismes de placement collectif alternatifs et des fonds de couverture » de l’Institut IFSE. Lorsque cette dernière matière fera partie du cours sur les fonds d’investissement au Canada de ces deux organismes, les conseillers n’auront qu’à suivre ces cours et les réussir pour pouvoir distribuer des fonds alternatifs liquides.
L’une des raisons qui expliquent ces ajouts est que les exigences initiales – cours sur le commerce des valeurs mobilières (CCVM), cours sur les dérivés et titre de CFA – limitaient la distribution de fonds alternatifs surtout aux courtiers de plein exercice étant donné que les représentants de ce secteur avaient déjà réussi le CCVM, selon Frédéric Belleau, directeur principal des fonds d’investissement, à l’AMF.
« Le résultat allait à l’encontre des objectifs qui visaient à permettre l’offre de produits alternatifs au grand public, d’où l’initiative de la dispense », a-t-il précisé. Cette dispense est entrée en vigueur le 28 janvier 2021.
« On croit que ça va être une mesure qui va faciliter l’accès des investisseurs individuels aux stratégiques alternatives tout en conservant la protection des investisseurs », a-t-il dit.
Optimiser la charge réglementaire
L’AMF, qui prévoit déposer cette semaine son plan stratégique pour les quatre prochaines années, va y inscrire comme priorité d’optimiser la charge de la conformité, a noté Louise Gauthier.
Les membres des ACVM tenteront ainsi de réaliser des allégements administratifs qui ne nuiront pas à la protection des clients. Ils s’attendent à échanger à ce chapitre avec l’industrie. « Votre dialogue va être bienvenu. C’est un rendez-vous pour les quatre prochaines années », a indiqué Louise Gauthier.
Il reste que la vaste consultation sur les moyens de réduire encore plus le fardeau réglementaire et d’améliorer l’expérience des investisseurs de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) pourrait amener des changements pancanadiens auprès des ACVM.
« Je ne me souviens pas d’une volonté aussi forte d’une réduction du fardeau réglementaire de la part des ACVM », a observé Frédéric Belleau.
Différentes initiatives sont sur la table. Sur le plan des fonds d’investissement, on planche sur le fait d’utiliser la technologie pour avoir une divulgation plus adaptée, mais qui permette une réduction du fardeau réglementaire, selon lui.
Les ACVM devraient prochainement effectuer des consultations notamment sur une proposition qui se résume par « accès égal livraison ». « Plutôt que de l’envoyer par la poste, ou même de le mettre en pièce jointe dans un courriel, simplement de donner accès au document serait suffisant. On est en train de se questionner à savoir ce qui serait le potentiel de recommandation en gardant en tête que les consommateurs sont des particuliers », a-t-il mentionné.
Dépoussiérer le règlement sur les activités extérieures
Dans l’objectif de réduire le fardeau réglementaire, les ACVM tiennent actuellement une consultation sur la modernisation des obligations relatives aux renseignements concernant l’inscription et la déclaration des activités externes.
Selon cette consultation qui se déroule jusqu’au 5 mai, on propose la création d’un nouveau régime de déclaration des activités que les personnes physiques inscrites exercent à l’extérieur de leurs sociétés parrainantes.
Ce régime serait plus clair et ciblerait des activités plus précises. Notamment, les activités non rémunérées, comme le bénévolat, qui ne sont pas liées aux valeurs mobilières, aux services financiers ou à des postes d’influence n’auraient plus à être déclarées à l’AMF.
Vers un MRCC 3 ?
Les régulateurs membres des ACVM et du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) espèrent lancer une consultation publique cet automne sur ce qui serait une troisième phase au Modèle de relation client-conseiller (MRCC 3).
Le but est double. D’abord, il y a celui de bonifier le rapport annuel au client, en y incluant non seulement le coût direct et indirect facturé par le courtier, mais en y intégrant tous les autres coûts directs et indirects qui sont payés au manufacturier. Ensuite, il y a celui que ce rapport soit harmonisé entre les produits d’investissements en valeurs mobilières et ceux en assurance de personnes, comme les fonds distincts.
« On souhaite développer une approche cohérente qui va mener à des recommandations dont les résultats seront aussi harmonisés que possible. Mais on va tenir compte des différences entre les produits et les canaux de distribution et les encadrements réglementaires », a indiqué Louise Gauthier.
Parmi les différences, il y a le fait que c’est le courtier qui a la responsabilité de transmettre le rapport dans le secteur des valeurs mobilières alors que cette responsabilité irait aux assureurs du côté des fonds distincts.
« En assurance, on part de plus loin qu’en valeurs mobilières, parce que techniquement, on n’a pas d’obligation de fournir un rapport annuel sur les frais directs et indirects. Ça ne veut pas dire que les assureurs n’en fournissent pas, mais ce n’est pas fait de manière uniforme », note Louise Gauthier.
Le but vise à ce que le rapport reçu par les investisseurs soit le plus clair et le plus simple possible, pour que ceux-ci puissent le comprendre et agir en conséquence. Pour y arriver, le groupe de travail effectue actuellement des préconsutations auprès de différents groupes sur le prototype de rapport, a-t-elle noté.
Personnes vulnérables : l’immunité dépend de Québec
Les ACVM comptent publier au début de l’été 2021 des modifications définitives qui rehausseront la protection des clients âgés et vulnérables. Les modifications définitives seront similaires à celles proposées en mars 2020 et entreraient en vigueur le 31 décembre 2021, au même moment que les réformes axées sur les clients.
Les ACVM proposaient que les conseillers « prennent des mesures raisonnables » pour obtenir le nom et les coordonnées d’une personne de confiance et le consentement écrit du client à communiquer avec cette personne au cas où la firme « estime raisonnablement » qu’un client vulnérable est exploité financièrement ou que ses facultés mentales diminuent de façon préoccupante.
La deuxième mesure phare permettait aux firmes et aux conseillers d’imposer un blocage temporaire sur une série de transactions (achat ou vente de titres, retraits, transferts, etc.) dans le cas où ils estiment raisonnablement qu’un client vulnérable est exploité financièrement ou qu’un client leur ayant donné une instruction ne possède pas les facultés mentales nécessaires pour prendre des décisions financières.
Lors des consultations sur le sujet, les deux tiers des commentateurs ont demandé aux ACVM une forme d’immunité contre les poursuites réglementaires civiles et en matière de renseignements personnels. Ils craignent qu’en l’absence d’une telle immunité, il soit impossible de poser les bons gestes pour protéger des personnes vulnérables.
« Cette crainte, on la comprend et nous faisons des démarches concrètes pour l’apaiser, mais ce n’est pas un enjeu qui va pouvoir être réglé par voie réglementaire, a noté Louise Gauthier. On ne peut pas le faire. L’immunité ne peut être accordée que par voie législative. La bonne nouvelle est que nous sommes en discussion avec nos partenaires gouvernementaux pour explorer cette possibilité et il y a une très belle ouverture de leur part. »
Par ailleurs, lors de la conférence, Louise Gauthier a souligné que les ACVM ont toujours l’intention de publier cet été des recommandations concernant le cadre réglementaire s’appliquant actuellement à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières et à l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels. L’énoncé de position des ACVM jettera alors les bases du prochain cadre réglementaire.
En outre, Frédéric Belleau a souligné qu’il n’y a pas d’ajustement ou d’assouplissement au calendrier d’abolition de l’option des frais d’acquisition reportés (FAR). Cette dernière option sera interdite à compter du 1er juin 2022.