Définitivement, certains ne veulent rien comprendre. C’est ainsi le cas des Cooper. Une famille de riches immigrants qui, même après avoir été épinglée par l’Agence du revenu du Canada (ARC), continue d’utiliser une stratégie fiscale controversée afin d’éviter de payer de l’impôt, rapporte Radio-Canada.
Peter Cooper et ses deux fils, Marshall et Richard, on fait fortune en Afrique du Sud avant de s’installer au Canada au milieu des années 1990. Installés à Victoria, ils bénéficient de la plupart des avantages des citoyens canadiens grâce à leur statut de résident permanent.
Sauf que contrairement aux Canadiens, ces derniers font tout pour éviter de payer des impôts. Ils devraient pourtant en payer sur les revenus de placement provenant de la fortune qu’ils ont accumulée avant d’immigrer au pays.
Mais depuis 2001, les Cooper ont adopté une stratégie fiscale controversée, mise en place par KPMG. Ils utilisent ainsi des sociétés-écrans situées sur l’île de Man, un paradis fiscal situé entre l’Irlande et le Royaume-Uni.
Ils confiaient ainsi leur fortune à ces sociétés dont ils conservaient secrètement le contrôle. Dès qu’ils avaient besoin d’argent, ils demandaient à ces dernières de leur faire des dons, non imposables.
Le mois dernier, le comité des finances de la Chambre des communes a mis la combine à jour. Selon les documents de l’ARC, Peter Cooper était assis sur une fortune de plus de 25 millions de dollars (M$) en plus de posséder une résidence de 4 M$.
Pourtant, ce dernier n’a déclaré que des revenus dérisoires entre 1999 et 2010. Entre 2003 et 2010, il n’aurait payé que 319 $ en impôt provincial et fédéral. En 2001, il a même reçu un chèque de 250 $ d’un programme fédéral visant à aider les contribuables moins nantis à payer le chauffage de leur résidence. De 1999 à 2010, sa conjointe et lui ont réclamé des remboursements de la TPS.
Ses fils ont également bénéficié de crédits d’impôt. Ils ont notamment réclamé un crédit d’impôt pour des rénovations domiciliaires.
L’ARC a constaté que le train de vie des Cooper ne convenait pas aux sommes déclarées. Les autorités fiscales ont finalement découvert le stratagème mis en place par KPMG lors d’une vérification des impôts de la famille en 2010.
En plus de devoir rembourser impôts et intérêts, la famille a dû s’acquitter de pénalités s’élevant à près de 4 M$. Malgré cela, la famille Cooper a continué ses combines sans que les autorités fiscales ne s’en rendent compte.
« On s’attendait à ce qu’ils soient en conformité après les avis de cotisation de 2012; cependant, selon leurs propres affirmations, ils ont choisi de ne pas l’être, a écrit l’ARC dans un rapport interne déposé à la Cour fédérale.
En 2015 la famille a finalement avoué qu’elle avait continué à ne pas déclarer des centaines de milliers de dollars en revenus de placement entre 2011 et 2014. En passant aux aveux, la famille espérait se qualifier au Programme des divulgations volontaires qui offre un allègement des pénalités aux contribuables qui approchent l’agence de leur propre gré, déclarent des revenus non déclarés auparavant et acceptent de payer leurs impôts.
Toutefois, l’ARC a refusé de leur accorder un tel privilège. La famille a fait appel de cette décision devant la Cour fédérale avant d’abandonner les procédures aux bénéfices de négociations devant la Cour canadienne de l’impôt.
En 2019, l’ARC a finalement conclu une entente à l’amiable avec les Cooper dont les modalités n’ont pas été révélées.
KPMG se défend
Lors des audiences du comité de finances à Ottawa en 2016, KPMG, par la voix de Greg Weibe, un de ses grands patrons, a assuré avoir cessé de vendre son stratagème de l’île de Man en 2003.
Toutefois la société de comptable a continué à tirer profit de son stratagème bien au-delà de 2003, selon des documents déposés à la Cour fédérale dans l’affaire Cooper. KPMG aurait ainsi perçu des frais annuels, basés sur le montant des impôts éludés. « KPMG a perçu des honoraires concernant la structure [de l’île de Man] des Cooper de 2002 à 2008 d’environ 300 000 $ – les frais étant basés sur les réductions d’impôt annuelles des Cooper », selon une lettre que l’ARC a envoyé à KPMG en 2012.
Selon la firme, ces frais couvraient des conseils « de placement » et des « conseils d’entretien de la structure » de la société-écran des Cooper. Elle continue d’affirmer qu’il n’y a pas eu d’autres « mises en œuvre » de son plan depuis 2003, à part une « mise en œuvre supplémentaire en 2007 » dont KPMG ne divulgue aucun détail.
D’autres sociétés-écrans de KPMG sur l’île de Man sont toutefois restées actives bien des années après que les autorités fiscales eurent détecté le stratagème en 2010. L’une d’elles aurait ainsi été officiellement dissoute seulement en mars dernier. La représentante de la firme affirme n’avoir aucune information sur ladite société.