Les conseillers liés à des courtiers multidisciplinaires semblent généralement accorder beaucoup d’importance à leur rémunération, ainsi qu’au changement de ses modalités, montre le Pointage des courtiers multidisciplinaires 2021.
«Si quelqu’un réduit mon taux de rémunération, je quitte sur-le-champ», dit un conseiller de SFL Gestion de patrimoine, qui illustre ainsi l’importance accordée à ce sujet.
«J’ai des amis qui ont quitté le réseau parce qu’ils étaient tannés. La rémunération est trop basse ici», indique un autre.
Un dernier n’est pas enclin à recommander sa firme, car «la rémunération y est inférieure à la médiane».
Différents facteurs expliquent cette importance chez les représentants liés à des courtiers multidisciplinaires, à commencer par leur modèle d’affaires. Celui-ci diffère d’une firmeà l’autre et s’éloigne du modèle des conseillers en placement qui sont juridiquement considérés comme des employés à commission chez bon nombre de courtiers de plein exercice.
Ainsi, dans une grande partie des firmes présentées dans ce tableau, la part des revenus bruts générés attribuée au conseiller est plus importante. En contrepartie, celui-ci assume davantage de dépenses (frais de bureau, d’équipement informatique, frais pour le logiciel de planification financière, etc.). Dans certains cas, il peut choisir à la pièce des services parmi ceux offerts par son courtier ou les filiales de sa société mère. On parle dans ce cas d’un modèle 80-20, où, en moyenne, le pourcentage des commissions qui revient au conseiller sur le total de ses ventes brutes, c’est-à-dire son taux de payout moyen, tend vers les 80 %.
En 2020, le taux de payout moyen des firmes du Pointage des courtiers multidisciplinaires s’établissait à 68 % et variait généralement de 70 à 85 %, selon la firme et le conseiller. Ce pourcentage reste propre à chaque conseiller et change d’un conseiller à l’autre au sein d’une même firme, en fonction du revenu brut généré ou de l’actif sous administration et des subtilités de la grille de rémunération d’un courtier.
Les conseillers, qui se perçoivent souvent comme des entrepreneurs, doivent déjà composer avec des revenus instables en raison de la fluctuation de l’actif sous administration ou de leur niveau de ventes en assurance. Ils n’apprécient guère lorsque leur courtier change leurs modalités de rémunération, car cela se fait trop rarement à leur avantage, d’après le sondage.
Les répondants de celui-ci ont tendance à accorder des notes généralement plus élevées à leur courtier lorsque leur rémunération ne change pas ou change peu. Bon nombre de conseillers ne signalent aucun changement récent à leur rémunération. C’est le cas entre autres chez MICA Capital, Groupe financier PEAK, Groupe Cloutier Investissements, Excel Gestion privée, Investia Services financiers et Services d’investissement Quadrus.
«Je suis chez Investia depuis 2000 et on n’a jamais touché à la grille», affirme Louis H. DeConinck, président d’Investia. La grille y est modulée en fonction de l’actif sous administration d’un conseiller, et non en fonction de sa production brute. Il admet que la fusion avec FundEx, où des éléments de rémunération de cette dernière firme seront ajustés, peut avoir créé de la confusion.
Louis H. DeConinck souligne que les nombreux investissements technologiques d’Investia, dont les outils de signature électronique, les portails pour les clients et les représentants ainsi que les applications mobiles, ont été faits aux frais du courtier. «Si on rend le travail du conseiller plus facile, ça lui libère du temps, qui lui permet d’aller chercher plus d’actif et de générer plus de revenus. C’est bon pour tout le monde», dit-il.
Chez Quadrus, l’absence de changement à la grille de rémunération a été bien perçue par les conseillers. «Nous avons maintenu nos taux de bonus et nos taux de commission pour les conseillers durant la pandémie avec aucune intention de les réduire. Ç’a été apprécié. Normalement, il y a une réinitialisation de la grille annuelle chez la plupart des courtiers. Nous avons conservé les mêmes taux que ceux que nous avions en 2019», dit Tim Prescott, président et chef de la direction de Services d’investissement Quadrus.
Selon lui, la rémunération de Quadrus est concurrentielle et cette absence de changement a permis d’éviter de «rendre les choses plus difficiles pour les conseillers».
Chez SFL Gestion de patrimoine, les grilles de rémunération établies en fonction des revenus généraux en épargne collective n’ont pas été ajustées récemment. SFL prévoit réviser cette grille, comme elle l’a fait récemment avec sa rémunération en assurance.
Chez SFL, la grille de bonification en assurance a été majorée, indique André Langlois, vice-président principal, Ventes et Distribution, Réseaux indépendants au Mouvement Desjardins. «En assurance, c’est en fonction des volumes que les ajustements à la hausse ont été apportés dans les grilles de rémunération. C’était une question de se mettre à niveau avec le marché. Ç’a été grandement apprécié.»
Or, un conseiller de SFL s’est dit déçu de ne pas avoir été compensé pour les congrès de formation annulés en raison de la pandémie. «Les colloques seront déplacés et pour ceux qui auront été annulés, nous réfléchissons et nous allons annoncer des ajustements», répond André Langlois. Il souligne toutefois que les rendez-vous d’affaires virtuels, organisés toutes les six à neuf semaines, ont aidé les conseillers à échanger sur leurs meilleures pratiques et à rester motivés. «Ces événements étaient très appréciés par les intermédiaires.»
Mesures moins appréciées
Chez IG Gestion de patrimoine, un conseiller indique que l’on «change chaque année leurs avantages». Un autre déplore une «baisse de la rémunération depuis les quatre dernières années».
Quelques représentants reviennent sur un ajustement de janvier 2020. Ainsi, les commissions sont calculées à partir des nouveaux actifs nets versés dans les comptes des clients, à certaines conditions, «alors qu’elles étaient auparavant calculées en fonction des ventes brutes de fonds communs de placement», d’après le rapport de gestion de la Société financière IGM, société mère d’IG.
Selon un répondant, si un client retire de son portefeuille 30 000$par an pendant cinq ans et place 150 000 $au terme de la vente de sa maison, le conseiller aura quand même des ventes nettes nulles pour ce client (-150 000 $+ 150 000$= 0 $).
Sans nier cette difficulté, Claude Paquin, président d’IG Gestion de patrimoine au Québec, souligne que sa firme est l’une des seules de son secteur à offrir un tel boni sur les nouveaux actifs nets.
En outre, un conseiller d’IG indiquait qu’il devait atteindre des objectifs aléatoires et peu stimulants pour accéder à «des grilles de rémunération enrichies». Essentiellement, on vient bonifier la rémunération des conseillers qui, entre autres, sont bien notés par leurs clients à des sondages de satisfaction et qui ont des plans financiers à jour pour leurs clients.
À la fin de mai, IG a assoupli les règles d’accès à cette grille enrichie afin de tenir compte du temps nécessaire afin que le conseiller se familiarise avec les nouveaux logiciels.
Par ailleurs, pour une période de six mois, IG n’a pas facturé de frais de bureau ni de frais de stationnement, précise Nini Krishnappa, porte-parole de la Société financière IGM:«Nous avons aussi différé la hausse de frais d’accès technologiques à une date ultérieure cette année.»
Chez Placements Financière Sun Life, un répondant évoque un changement récent sur le plan de l’investissement, lequel «désavantage certains et en avantage d’autres». Comme on peut le lire dans «Insatisfaction à la Sun Life», la rémunération vise à récompenser les conseillers qui maintiennent et font croître leurs affaires de gestion de patrimoine axées sur le marché, et s’alignent sur les revenus. «Ces changements nous permettent d’être plus compétitifs et offrent à nos conseillers de belles occasions de croissance», indique Michel Fortin, vice-président, initiatives stratégiques et chef de la distribution pour l’Est du Canada à la Financière Sun Life, dans un courriel.
Avis d’un conseiller de la relève
Cette année, quelques répondants notent à quel point il peut être difficile pour un conseiller de la relève de prendre son envol. S’il n’acquiert pas un bloc d’affaires générant déjà des revenus réguliers ou ne s’associe pas à un conseiller senior, un représentant débutant doit avoir les reins solides sur le plan financier.
Certaines firmes vont soutenir un conseiller junior en lui versant des avances sur ses commissions au tout début, qu’il peut devoir rembourser s’il n’atteint pas certains objectifs.
Par ailleurs, la rémunération 100 % variable génère des défis pour certains représentants, dont un de la Financière Sun Life:«Je suis à commission pure et des fois, j’ai des paies négatives. Si je ne suis pas au niveau de vente exigé, il arrive que je n’aie pas de paie et que le mois d’après je doive rembourser.»
Un conseiller d’IG Gestion de patrimoine appelle même à une réforme de la manière dont sont bâties les grilles de rémunération, afin de mieux convenir aux juniors et aux seniors:«Il est frustrant qu’un conseiller ayant plus d’actif soit rémunéré à un taux significativement plus élevé que celui d’un conseiller ayant moins d’actif. Le travail n’est pas moins bien effectué ni moins important. Cela favorise la perte d’autonomie des conseillers qui n’ont pas les reins assez solides pour prendre le temps de se construire. Ils doivent finir par céder leur actif à un conseiller important et perdent le contrôle de leur clientèle qui avait pourtant choisi ce conseiller au départ.»
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