« Certaines façons de faire issues de la pandémie sont là pour rester. On assiste à la naissance d’un modèle hybride entre l’ancien et le nouveau », dit Denis Gauthier, premier vice-président, directeur national de la Financière Banque Nationale Gestion de patrimoine.
Les responsables de réseaux interrogés par Finance et Investissement s’accordent pour dire que le partage du temps de travail entre la maison et le bureau fera désormais partie de la vie des conseillers. Et que les rencontres avec les clients se feront en partie à distance, en partie en personne.
En revanche, ces responsables prennent bien soin de souligner que le dosage entre présentiel et distanciel ne sera jamais uniforme d’un conseiller à l’autre et qu’il s’effectuera selon les préférences de chacun… et des clients eux-mêmes.
« Avec le travail à distance, la productivité augmente, car on perd moins de temps dans les transports. Et bien des clients se sont habitués aux rencontres virtuelles. Toutefois, il n’y a pas de règles absolues. Pour certains clients et conseillers, le virtuel ne remplacera jamais le présentiel et l’électronique ne se substituera jamais au papier. Ces clients-là et ces conseillers-là reviendront en force vers ce qu’ils ont toujours connu, les rencontres face à face, les lettres de papier et le bureau cinq jours par semaine », résume Maxime Gauthier, directeur général et chef de la conformité chez Mérici Services Financiers.
Denis Gauthier ajoute que dans bien des cas, la présence au bureau ne sera plus aussi nécessaire qu’auparavant.
« Certains retourneront au bureau cinq jours par semaine. On s’attend toutefois à ce que de nombreux conseillers subdivisent leur temps et celui de leurs adjoints et adjointes en formules de deux jours à la maison et de trois jours au bureau », précise-t-il.
Question de confiance
Selon les patrons interrogés, l’extension du virtuel se heurte aux limites d’une saine gestion de patrimoine.
« Les rencontres par vidéoconférence ont de grands avantages. Par exemple, elles facilitent la participation d’experts géographiquement éloignés. Toutefois, nous voulons que nos conseillers reviennent partiellement sur place et qu’ils rencontrent leurs clients en chair et en os. Pourquoi? Parce que notre modèle d’affaires repose sur la confiance, qui est beaucoup plus facile à bâtir en personne qu’à distance », précise Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec chez Gestion privée de patrimoine CIBC et Wood Gundy.
Éric Lauzon, vice-président, développement des affaires chez CI Gestion de Patrimoine Assante, ajoute un argument choc: « Grâce aux logiciels de vidéoconférence, les conseillers pourront avoir davantage de contacts avec leurs clients qu’auparavant. Et c’est excellent, car on a observé que le taux de satisfaction de la clientèle augmente avec le nombre de rencontres et leur variabilité. Il est important d’avoir un mélange entre les rencontres virtuelles et les rencontres en personne. »
Denis Gauthier relève aussi qu’il est très difficile de parler de choses délicates par vidéoconférence. « Les impacts financiers des événements importants de la vie doivent être abordés en personne, ne serait-ce que pour mieux saisir le non-verbal des clients », dit-il.
Le développement des affaires est un autre domaine où se confirme l’hybridité entre l’ancien et le nouveau. « Les façons traditionnelles de susciter des références ne disparaîtront pas. On revient dans les restaurants! Mais on doit aussi continuer à miser sur les outils technologiques utilisés lors de la pandémie, dont les vidéos », dit Charles Martel.
Comme le résume Éric Lauzon, les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux représentent un des meilleurs outils de prospection à la disposition des conseillers: « Les vidéos peuvent mettre en relief les connaissances et le côté humain des conseillers. Les sites web sont trop statiques. Gare aux conseillers qui ignorent tout de ces nouvelles technologies ! »
Adoption de technos à vitesse variable
Selon les patrons des réseaux interviewés, l’appropriation des nouvelles technologies constitue l’un des enjeux majeurs de cette décennie.
« Lorsqu’on utilise une webcam, on doit projeter une image hautement professionnelle en s’assurant d’avoir de bons éclairages, de bonnes prises de vue, etc. Et bien sûr, il faut une webcam de qualité », dit Maxime Gauthier.
CI Gestion de Patrimoine Assante dit être en train « d’établir des méthodologies de travail » adaptées aux interactions à distance. Il s’agit de définir les bonnes façons de soutenir l’attention des clients à distance.
« C’est par exemple en utilisant certaines techniques de visualisation de documents électroniques qu’on réussira à capter l’attention des clients à distance », dit Éric Lauzon.
Les organisations mettent également les bouchées doubles afin de numériser les processus de travail.
« À la Financière Banque Nationale Gestion de patrimoine, nous avons voulu faciliter le travail à distance des assistants et des assistantes en numérisant, le plus possible, de tâches cléricales faites à la main », précise Denis Gauthier.
Ces efforts de numérisation s’effectuent également sur le terrain du marketing et de la prospection.
« Nous avons une équipe de production qui aide les conseillers à produire des vidéos de qualité, qui peuvent être mises en ligne sur les YouTube de ce monde. On accompagne les conseillers et on leur montre la recette. Cette façon de développer les affaires a maintenant sa place à côté des techniques plus traditionnelles, comme les invitations au restaurant », dit Denis Gauthier.
Car bien que la connaissance des réseaux sociaux s’impose, elle ne prendra jamais la place des rencontres en tant que telles, ajoute Maxime Gauthier. « Il n’y a pas que les vidéos sur YouTube. Il y a les rencontres avec les clients qu’il ne faut jamais négliger. Lors de la pandémie, les clients plus tièdes à l’égard de leurs conseillers ont eu le temps de reconsidérer leurs options. Les conseillers qui avaient négligé d’entretenir leurs relations en ont payé le prix. Ces clients les ont quittés. Et c’est loin d’être terminé! » dit Maxime Gauthier.