Les fonds négociés en Bourse (FNB) thématiques sont populaires. Ils peuvent présenter des avantages, mais le client doit en comprendre les risques liés à leur concentration sectorielle.
La pandémie n’a pas freiné la création de fonds d’investissement thématiques. « Un nombre record de 237 fonds thématiques a surgi dans le monde en 2020, comparativement à 167 en 2019 », d’après l’étude « Global Thematic Funds Landscape » publiée en mai 2021 par Morningstar. Au cours des trois dernières années, jusqu’à mai 2021, poursuit Morningstar, la totalité des actifs sous gestion dans le monde est passée de 174 à 595 G$ US répartis entre 1 349 fonds encore en activité. Selon la même source, le Canada compte 36 fonds thématiques qui, en mars 2021, cumulaient près de 2,5 G$ US d’actifs, par rapport à 52 M$ US en mars 2016.
Les thèmes à caractère technologique ont remporté la palme pour le nombre de fonds créés (intelligence artificielle, batteries, cybersécurité,fintech, etc.), suivis des thèmes liés aux énergies propres. Le Horizons Marijuana Life Sciences Index ETF était le plus important fonds thématique, représentant à lui seul 20 % de l’actif en fonds thématiques canadiens.
Le risque le plus apparent des fonds thématiques, selon Dan Hallett, vice-président et associé chez HighView Financial Group, « tient à la présence prépondérante d’un petit nombre de titres, parfois d’un seul ». Il donne l’exemple du iShares S&P/TSX Capped Information Technology Index ETF. En août, un seul titre, celui de Constellation Software, avait une pondération de 24,4 % de l’actif du fonds. En y ajoutant les trois titres suivants (Shopify, CGI et Open Text), leur poids cumulatif passait à 72,6 % !
Les coûts des fonds thématiques ont des côtés risqués. D’abord, leurs frais de gestion sont plus élevés que ceux des fonds non thématiques, indique l’étude de Morningstar. Ils diffèrent selon que le fonds est passif (frais moyens de 0,78 % par rapport à 0,53 % pour les fonds non thématiques) ou à gestion active (1,85 % contre 1,44 % pour les produits non thématiques).
« Les frais plus élevés facturés par les fonds thématiques ont contribué à leur performance relativement faible sur de longues périodes, relève Morningstar. Leur capacité à surperformer les marchés mondiaux d’actions tend à être basse pour des périodes qui dépassent une année et décline au fur et à mesure que la stratégie mûrit. »
Dans ces frais de gestion, on trouve plusieurs coûts qui sont communs à tous les FNB, explique Daniel Straus, directeur, recherche et stratégie en FNB, à la Financière Banque Nationale: couverture de change, couverture du mainteneur de marché, frais de transaction, frais de création et de rachat d’unités, taxes d’échanges, conversion de change, profits et pertes du mainteneur de change. Cependant, certains peuvent être accrus par la structure concentrée des FNB thématiques.
Le principal facteur de coût tient à la liquidité souvent restreinte de plusieurs FNB thématiques et des titres sous-jacents qui s’y retrouvent. « Un avantage des FNB tient à leur transparence qui fait que l’investisseur peut savoir quel est l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, fait ressortir Daniel Straus. Par contre, la variable cruciale tient aux écarts de prix dans les titres sous-jacents. »
Par exemple, dans le monde des microcapitalisations, qui abondent dans certains FNB thématiques, les titres se négocient souvent à faible volume, ce qui peut imposer des écarts de prix parfois marqués. Aussi, la moindre transaction un peu trop importante, de rachat ou de création de parts, peut faire varier de façon disproportionnée les prix des titres.
Cette liquidité restreinte touche le mainteneur de marché qui « peut supporter des écarts de prix plus onéreux parce que les titres sous-jacents qu’il achète ou vend sont plus chers ou plus difficiles à trouver », explique Dan Hallett.
La liquidité restreinte peut se répercuter dans le prix des FNB. « Elle n’affecte pas tant les frais de gestion, leur ajoutant 1 ou 2 points de base, ce qui peut monter à 5 ou 10 points de base, dit Daniel Straus. Par contre, l’écart sur certains fonds peut facilement atteindre un point de pourcentage. Par exemple, pour le Fonds d’occasions liées à la marijuana Purpose, l’écart est souvent de 0,40 $, ce qui représente 1,1 % du prix de 35 $, mais dans les jours à plus haut volume, il peut se rétrécir. »
On doit aussi considérer le risque de décès. Pendant la période de 12 mois qui se terminait en mars 2021, plus des deux tiers des FNB thématiques que suit Morningstar ont surpassé les marchés d’actions mondiaux. « Cependant, ce taux de succès tombe à 22 % des fonds thématiques quand on regarde le parcours sur 15 ans se terminant en mars 2021 alors que 57 % des fonds ont été fermés durant cette période », peut-on lire dans le rapport.
Un autre risque est celui d’interconnexion, selon Morningstar. « Par exemple, 28 fonds thématiques s’agglomèrent mondialement pour détenir un quart de toutes les actions en circulation de la firme d’impression 3D Stratasys. » Morningstar analyse aussi le cas du FNB ARK Genomic Revolution qui détient le quart du flottement public de Personalis. « Si ce FNB devait subir des rachats importants, il pourrait avoir du mal à trouver des acheteurs pour une participation aussi importante dans une société à petite capitalisation. »
Il ne faut toutefois pas gonfler ces risques, avertit une étude de Valeurs mobilières TD. On s’est beaucoup inquiété des rachats « théoriques » et de leur impact sur le mécanisme de création/rachat. « Malgré les récentes corrections dans le secteur technologique et la sous-performance de ARK Financial (principal manufacturier de FNB thématiques aux Etats-Unis) pour Tannée en cours, les investisseurs ne se sont pas précipités vers les sorties comme certains le craindraient et le fonds n’a connu que de modestes rachats dans les dernières semaines. »
Le risque de concentration ne doit pas devenir affolant. « Même un FNB concentré est moins concentré qu’un titre individuel, souligne Daniel Straus. Dès qu’on se diversifie même dans un petit nombre de titres, on se dégage des risques spécifiques à chaque titre. Dès qu’on veut être à la pointe d’une tendance au potentiel de croissance important, on n’a pas d’autre choix que d’investir dans une entreprise « leader », ou encore dans un petit nombre de telles entreprises, ce qui crée du coup un portefeuille concentré. »
Tous s’entendent pour considérer les FNB thématiques comme des fonds à plus haut risque qu’on peut ajouter à la périphérie d’un portefeuille, pas en son coeur, en espérant que de plus hauts risques entraîneront de plus hauts rendements. Selon Dan Hallett, ce n’est pas la place pour la majorité des investisseurs.