Bien que la quasi-totalité des conseillers en placement et des représentants liés à un courtier multidisciplinaire élaborent des plans financiers pour leurs clients, ce ne sont pas tous leurs clients qui en disposent d’un.
C’est ce que montrent les sondages auprès des représentants menés en 2021 pour le Pointage des courtiers québécois et le Pointage des courtiers multidisciplinaires.
D’après ces enquêtes, une majorité de conseillers pratiquent, à un degré ou à un autre, l’art de la planification financière. Le pourcentage se situe à 92 % chez les conseillers en placement et à plus de 95 % chez les conseillers faisant partie d’un cabinet multidisciplinaire.
Parmi ceux qui affirment pratiquer cet art – même s’ils n’ont pas tous le titre de planificateur financier –, la proportion moyenne de clients réellement dotés d’un plan financier dans le bloc d’affaires d’un conseiller en placement est de 59 %. Chez les représentants liés à un courtier multidisciplinaire, cette part est de 65,5 %.
Est-ce acceptable ?
« Ce pourcentage est nettement insuffisant », affirme Denis Gauthier, premier vice-président, directeur national de la Financière Banque Nationale Gestion de patrimoine (FBNGP). Le dirigeant note toutefois que « la demande de plans financiers doit provenir des clients eux-mêmes ».
Se pourrait-il alors que trop de clients ignorent leurs besoins en planification financière ?
« C’est au cours de dialogues entamés par les conseillers que les clients peuvent se rendre compte qu’une planification financière répondra à certains besoins. Nous avons habilité nos conseillers à faire ressortir ces besoins. Nous avons la responsabilité d’accompagner nos clients dans ce cheminement », explique Denis Gauthier.
Éric Lauzon, vice-président, développement des affaires de Gestion de patrimoine Assante CI, est sans équivoque : « L’industrie peut faire beaucoup mieux que ces pourcentages de 60% et 65 %. Tout le monde a besoin d’une planification. C’est la base de notre métier! »
Selon lui, son rôle et celui des conseillers consiste à faire correspondre le bon type de planification au bon type de client. « Par exemple, si on travaille à planifier la retraite d’un individu aux revenus moyens, il serait inutile d’utiliser des outils destinés aux clients à valeur nette élevée », dit Éric Lauzon.
« Les clients n’ont pas tous des besoins poussés en planification financière. Dans bien des cas, une planification de base est suffisante. La planification fait partie du coffre à outils du conseiller », note pour sa part Maxime Gauthier, directeur général et chef de la conformité de Mérici Services Financiers.
Éloges et reproches
Le sondage montre un écart entre les courtiers au chapitre de la proportion moyenne de clients réellement dotés d’un plan financier. Celle-ci varie de 43 % à 86 %. Les courtiers chez lesquels les conseillers sondés ont les proportions moyennes les plus élevées sont IG Gestion de patrimoine, Excel gestion privée, Mérici et RBC Dominion valeurs mobilières.
Plusieurs répondants font l’éloge des logiciels de base de planification financière. Par exemple, un conseiller de la Financière Sun Life signale ne pas détenir son titre de planificateur financier. Il précise toutefois faire des plans de retraite avec le logiciel en place. « C’est sans frais pour les clients et c’est un gros avantage », note-t-il.
Bon nombre de conseillers liés à un courtier multidisciplinaire n’ont pas de logiciel de planification maison mis à leur disposition. S’ils veulent un tel logiciel, ils doivent généralement en assumer les frais. Et cela fait l’affaire de plusieurs. « Ils nous laissent libres de choisir le logiciel qu’on veut. Ce n’est pas important, car j’aime mieux ne pas le payer et contrôler mes dépenses », confie un conseiller de Groupe Cloutier Investissements.
La plupart des conseillers liés à un courtier multidisciplinaire se disent satisfaits des services reçus. Un commentaire d’un conseiller du Groupe financier PEAK résume bien cet état de choses : « Je suis assez autonome, je ne sollicite pas d’aide de PEAK, mais je sais que c’est dans leurs valeurs. » Un conseiller de MICA Cabinets de services financiers affirme : « Je fais tout moi-même, ce n’est pas important pour moi. »
Maxime Gauthier explique pourquoi Mérici Services Financiers n’a pas de logiciel maison de planification financière. « C’est très cher et cela nous condamnerait à l’entretenir. Nous avons une entente avec une firme de logiciels pour des planifications de premier niveau. Nos conseillers ont droit à un tarif préférentiel ainsi qu’à une offre de formation », dit-il.
Mérici n’offre pas, non plus, de soutien spécialisé dans les cas où des planifications complexes seraient demandées. « Nous n’avons pas de spécialistes de la planification ou de la fiscalité sur place. Nous avons toutefois des ententes avec un réseau de spécialistes avec lesquels les conseillers sont mis en contact », dit Maxime Gauthier.
Le modèle d’affaires d’Assante est quelque peu différent. « Nos conseillers disposent d’un logiciel commercial pour les planifications simples. Dans les cas de planifications plus complexes, nos spécialistes à l’interne peuvent prendre la relève », explique Éric Lauzon. Le dirigeant d’Assante ajoute que « des planifications sont incluses dans certains produits de CI. Ces clients ne paieront pas pour ces planifications, car cela fait partie de cette offre de services. »
Les conseillers en placement sont également nombreux à être satisfaits des logiciels de base (ou de premier niveau) de planification. Leurs critiques portent sur la disponibilité du personnel spécialisé en planification financière complexe.
« Ils sont très bons en planification financière complexe, mais ils manquent de gens pour soutenir la demande », dit un conseiller de CIBC Wood Gundy. « Il y a trop de demandes pour des planifications complexes. Les délais d’attente s’étendent jusqu’à six mois », affirme un autre conseiller de la FBNGP.
L’industrie aurait-elle des difficultés à recruter des spécialistes en planification financière complexe?
Ce n’est pas l’avis de Denis Gauthier : « On ne manque pas de spécialistes. Mais dans certaines situations, il peut arriver que les délais s’allongent. »
Il ajoute avoir pris des mesures pour faciliter l’accès à ces spécialistes. « En 2020, nous avons déployé un nouveau logiciel permettant aux conseillers d’aller plus loin en planification financière. Ils règlent des problèmes plus pointus qu’auparavant. Cela libère les spécialistes de la planification de certaines tâches. Ils peuvent alors répondre à des besoins plus complexes. On en voit les fruits », dit Denis Gauthier.
Plusieurs conseillers en placement de la FBNGP font d’ailleurs l’éloge de ce nouveau logiciel. « Le nouvel outil est vraiment génial », dit l’un d’entre eux. « Nouvelle plateforme lancée cette année, beaucoup d’effort là-dessus, très beau travail », affirme un autre.
Gestion privée de patrimoine CIBC a une stratégie semblable. « La Banque a développé un outil pour la clientèle en succursale. Nos conseillers en placement s’en servent pour des besoins de base. La prochaine mise à jour permettra d’aller plus loin. Pour les besoins plus complexes, les conseillers en placement ont à leur disposition un logiciel très performant », dit Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec.
Selon ce dernier, l’embauche de spécialistes en planification financière suit la demande. « Nous embauchons dès que nous voyons que les spécialistes arrivent à leur capacité maximale de traitement. Nous avons récemment engagé une fiscaliste. Nous recruterons au fur et à mesure que nos clients feront appel à ces services spécialisés », dit-il.
Ce qui pourrait bien arriver bientôt, puisque Gestion privée de patrimoine CIBC veut « accroître le taux de clients aux actifs de plus de 1 M$ faisant appel à l’équipe de spécialistes en planification financière », comme le signale Charles Martel.