L’industrie financière doit travailler sans relâche afin que l’investissement qui tient compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne devienne pas une désignation galvaudée, ce qui minerait les efforts de certains pour améliorer le sort de la planète.
Ainsi, la popularité grandissante des fonds d’investissement de type ESG pourrait être plombée par une soudaine perception négative. Celle-ci découlerait de l’écoblanchiment, cette pratique qu’adoptent des entreprises ou des fonds qui cherchent à acquérir une image de défenseurs de l’environnement, alors qu’ils ne le sont pas ou qu’ils continuent de provoquer des nuisances.
Cet enjeu est sérieux. Il y a une réelle volonté d’un certain segment de la population d’investir dans des entreprises qui font des efforts pour combattre les changements climatiques, qui traitent avec respect leurs parties prenantes (dont leurs employés et fournisseurs) et qui se soucient d’une saine gouvernance. Ces clients veulent faire le bien, quitte à légèrement amputer leurs rendements annuels. L’industrie doit continuer de leur offrir des options en ce sens.
Or, l’étiquette ESG est fragile dans le cadre actuel. Il n’y a pas de critères standards et communément adoptés pour définir un fonds d’investissement comme étant ESG. Résultat: les fonds ESG sont pluriels, parfois très différents les uns des autres et ils ont souvent des méthodes qui leur sont propres pour l’adoption des titres en portefeuille. En marketing, la différenciation est importante.
L’article « S’orienter dans le labyrinthe ESG», paru dans le Guide des FNB de Finance et Investissement en octobre, fait état de ces écarts. On n’a qu’à penser aux secteurs d’activité qui sont exclus. La grande majorité des fonds négociés en Bourse de type ESG appliquent un filtre négatif aux entreprises du secteur de l’armement, du tabac ou qui sont impliquées dans d’importantes controverses. Toutefois, une partie de ces fonds n’excluent pas les secteurs des jeux de hasard, du divertissement pour adultes, de l’alcool, ni des énergies fossiles, de l’énergie nucléaire ou à base de charbon.
Autre exemple : bon nombre de fonds visent une neutralité sectorielle par rapport à un indice de référence et surpondèrent les premiers de classe d’un secteur et en sous-pondèrent les cancres. Le hic est que les émetteurs de fonds ou les fournisseurs d’indices notent différemment les entreprises, car ils se basent sur des firmes d’analyse de données ayant leurs propres recettes. Les résultats sur le plan de l’expérience client peuvent être assez différents.
Ou encore, certains fonds misent uniquement sur un des critères de l’ESG. Certains produits privilégient l’investissement d’impact, soit dans des entreprises dont la mission vise directement à la résolution de problèmes humains ou environnementaux, même si cela en fait des fonds ayant des surpondérations sectorielles.
Il n’est pas étonnant que certains conseillers y perdent leur latin. L’une des raisons pour lesquelles des conseillers n’offrent pas de portefeuilles ESG est leur scepticisme à l’égard du marketing relatif aux produits ESG, comme le mentionne l’article « Vent de changement appelé ESG ». Les conseillers doivent creuser davantage pour comprendre ces produits et comment ils s’intégrent à leur propre recette. Et on ne peut les blâmer : ce sont eux qui rencontrent les clients.
Un autre danger de la disparité et de l’éventail des fonds ESG est qu’ils risquent, un jour, d’effriter soudainement la conbance des clients envers les émetteurs de fonds, les courtiers et les conseillers. Prenons le cas hypothétique de clients ayant mal compris ce dans quoi ils investissent et qui découvrent qu’ils sont actionnaires malgré eux d’une société pétrolière sur la sellette pour des raisons environnementales ou d’une entreprise qu’ils détestent viscéralement. Comment réagiraient-ils? S’acharneraient-ils sur les émetteurs de fonds, sur leur conseiller ou sur leur courtier?
La pandémie a montré à quel point les humains, soumis à un stress chronique, peuvent avoir des réactions démesurées ou irrationnelles.
À moins d’une amélioration significative de la taxonomie du secteur de l’ESG, celui-ci pourrait souffrir d’une crise de confiance qui entacherait l’ensemble de l’industrie.
La bonne nouvelle est que différents groupes travaillent afin d’éviter que cela ne se produise. La quête de standardisation est commencée. Elle prendra de l’ampleur au fur et à mesure que, entre autres, la comptabilité verte et le cadre réglementaire des émetteurs de titres à revenu fixe et de capitaux propres gagneront en maturité.
De plus, les nouvelles obligations de connaissance du produit qu’imposent les réformes axées sur le client devraient aider indirectement le consommateur à comprendre les produits ESG ainsi que leurs imperfections et biais méthodologiques.
L’investissement ESG est prometteur et porteur à bien des égards, à condition que l’industrie travaille à renforcer cette désignation.
L’équipe de Finance et Investissement