Un groupe de conseillers liés à un courtier multidisciplinaire est de plus en plus enclin à adopter la rémunération à honoraires, pour laquelle on facture directement le client en fonction de son actif administré.
Le pourcentage moyen du revenu brut de l’ensemble des conseillers liés à un courtier multidisciplinaire sous forme d’honoraires est passé de 7% en 2020 à 17,1 % en 2021, selon les sondages menés à l’occasion du Pointage des courtiers multidisciplinaires. Ce bond s’explique par un petit groupe de représentants dont la majeure partie du revenu brut découle de cette forme de rémunération. On en retrouve, entre autres, au Groupe financier PEAK, chez Gestion de patrimoine Assante CI et chez IG Gestion de patrimoine.
En effet, en 2021, 52 % des répondants au sondage n’ont aucun revenu provenant d’honoraires. Seuls 26 % des représentants sondés ont une proportion de 20% ou plus de leur revenu qui en résulte.
Ces proportions diffèrent de celles des conseillers en placement. Pour ces derniers, 94 % touchent 20 % ou plus de leur revenu sous forme d’honoraires et les trois quarts ont une part de 73% ou plus sous cette forme, selon le Pointage des courtiers québécois de 2021.
L’adoption de la rémunération à honoraires est donc largement répandue chez les conseillers en placement, et elle demeure plutôt marginale chez les représentants liés à un courtier multidisciplinaire.
Dans notre sondage auprès de ces derniers, nous leur avons demandé de quantifier, sur une échelle de 0 à 10, le soutien de leur courtier aux conseillers qui utilisent un modèle de tarification à honoraires, ce soutien pouvant entre autres inclure une aide à la transition vers ce mode de rémunération. En tout, 36 % n’étaient pas en mesure de répondre à cette question, parfois parce qu’ils sont rémunérés presque entièrement à commission.
Parmi ceux qui ont quantifié ce soutien, la note moyenne s’établit à 7,7 par rapport à une importance de 8,6 sur 10. L’écart entre la note moyenne et l’importance moyenne (0,9 point) montre qu’il s’agit d’une occasion d’amélioration pour les courtiers.
Trois constats se dégagent des avis des conseillers. Premièrement, le soutien varie d’une firme à l’autre. Il varie aussi d’un conseiller à l’autre au sein d’une même firme. Cela indique que l’industrie peut s’améliorer, y compris dans la normalisation du soutien au conseiller.
Par exemple, un conseiller de SFL Gestion de patrimoine juge que ce soutien est « très bien », alors qu’un de ses confrères le trouve mauvais. Un troisième qui est lié à ce courtier affirme: « Je m’en vais vers ça, mais je ne sais pas comment ouvrir un compte à honoraires. Ils veulent qu’on le fasse, mais ils ne nous disent pas comment. »
Deuxièmement, certains conseillers sont irrités que leur courtier les pousse à adopter une tarification à honoraires, et ce, pour différentes raisons. Certains refusent que leurs clients passent au compte nominee (aussi désigné compte de prête-nom, autogéré ou de propriété apparente), les investissements de ces clients étant alors détenus au nom du courtier et non plus en leur propre nom. Ces comptes seraient chez plusieurs courtiers nécessaires au passage aux honoraires.
D’autres jugent que ces comptes ne conviennent pas à leurs clients. « Tous nos clients ne sont pas fortunés. La tarification à honoraires ne s’adresse pas à tout le monde », dit un conseiller de SFL.
« C’est un mythe de penser que toute l’industrie s’en va vers ça. Ils nous vendent ça comme quoi on devrait tous s’en aller seulement à honoraires, mais je n’y crois pas », note un répondant de Services d’investissement Quadrus.
Troisièmement, une part des représentants craignent l’interdiction des frais d’acquisition reportés (FAR) prévue pour juin 2022 et s’intéressent aux comptes à honoraires pour cette raison.
« J’étudie le modèle, mais je ne suis pas très satisfait, donc je ne le mets pas en place tout de suite. Or, c’est très important. Avec les changements qui arrivent en juin 2022, on va seulement avoir des commissions de suivi », dit un représentant de PEAK.
« Avec la nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er juin 2022, Mérici a déjà annoncé son soutien pour ceux qui auraient des questions ou auraient besoin d’aide à mettre en place une structure à honoraires. Bravo ! », témoigne un représentant de ce courtier.
En dressant le profil des conseillers qui tirent les plus grandes proportions de leur revenu brut des FAR, on constate que ceux-ci sont un peu plus jeunes (47,5 ans en moyenne par rapport à 49,5 ans en moyenne pour l’ensemble des répondants), selon le Pointage des courtiers multidisciplinaires de 2021.
De plus, ces « grands utilisateurs de FAR » servent une part plus importante de clients ayant moins de 100 000$à investir (en moyenne 45,5 % de leurs ménages par rapport à 37 % pour l’ensemble). Bien qu’il semble probable qu’ils passent des FAR aux commissions de suivi d’ici juin 2022, il se peut qu’ils favorisent les fonds distincts, car une partie des revenus de la plupart provient de commissions d’assurance. On n’a pas sondé les répondants spécifiquement sur leur intention en ce sens. Parmi ce sous-groupe, la majorité n’utilisait pas les honoraires.
Croissance à venir
Davantage de conseillers adopteront les honoraires dans les prochaines années à en croire ceux-ci et certains dirigeants.
« On est en transition [vers ce modèle] », dit un conseiller du Groupe Cloutier. « La transition est facile chez PEAK », juge un autre.
« On va tous transférer vers ce modèle », indique un conseiller d’IG. Un autre dit la même chose, affirmant qu’à ce chapitre « le soutien [d’IG] est bon ».
Par ailleurs, Louis H. DeConinck, président d’Investia Services financiers, s’étonne qu’un conseiller juge la transition vers les comptes à honoraires « assez compliquée ». « Si c’était si difficile, il n’y aurait pas une explosion de nos actifs à honoraires », disait le dirigeant en mai dernier. Plus de 25 % de l’actif d’Investia était en comptes à honoraires à ce moment en 2021. L’an dernier, environ 15 % de la rémunération des conseillers d’Investia était fondée sur les honoraires.
Les conseillers doivent s’adapter à cette transition, y compris au logiciel de gestion de ces comptes.
Ils doivent aussi faire signer les formulaires nécessaires à l’ouverture des comptes autogérés. « Il y a beaucoup d’étapes de nature réglementaire, mais après, c’est transparent et bon pour le client », affirmait Louis H. DeConinck.
Le client connaît ainsi les coûts pour chaque produit, pour les opérations d’Investia et pour les services du conseiller. « Je trouve ça super, ajoutait-il. C’est pour ça qu’on a poussé [les conseillers] vers ça. » Il n’a aucun problème si un représentant refuse cette transition.
Pour les intéressés, une panoplie de formations existent et, ce printemps, Investia a même organisé des webinaires en direct sur les enjeux opérationnels de cette transition. Pour acquérir des fonds négociés en Bourse chez Investia, un client doit avoir un compte autogéré.
« Nous avons fait une tonne d’investissements dans les technologies de l’information et dans la plateforme Universis afin de soutenir la transition vers les honoraires », expliquait pour sa part Tim Prescott, président et chef de la direction de Quadrus en mai dernier.
Par exemple, dans le premier trimestre de 2021, Quadrus a lancé une fonctionnalité qui permet au conseiller de garder des liquidités dans un compte nominee afin de lui éviter de racheter des unités de fonds pour payer les frais pour ses clients.
Pourtant, un conseiller de la firme juge qu’il manque de soutien pour l’utilisation d’honoraires. Tim Prescott convient qu’une proportion relativement faible de conseillers utilisent ces comptes, mais que celle-ci augmentera à la demande des clients. « Lorsque nos conseillers vont composer avec des comptes de plus en plus gros, où les honoraires ont de plus en plus de sens, ils seront de plus en plus à l’aise d’offrir des comptes à honoraires. Notre défi est d’aider les conseillers à faire cette transition et de les éduquer en ce sens », disait-il.