C’est ce que montre le sondage mené du 13 janvier au 5 février auprès des responsables de la conformité de ces firmes à l’occasion du Pointage des régulateurs 2021. Ainsi, quelques répondants ciblaient bon nombre d’occasions d’amélioration pour le régulateur québécois qui dit adhérer à une culture d’amélioration continue. Tour d’horizon des critiques formulées et de la réponse de l’AMF à celles-ci.
Les répondants au sondage devaient accorder une note, sur une échelle de 0 à 10, à l’efficacité du processus d’inspection de l’AMF. Résultat: le régulateur a récolté une note moyenne de 7,1 sur 10 de la part des répondants du secteur de l’assurance de personnes, et de 6,6 sur 10 des répondants du secteur du courtage en épargne collective. Ces notes sont inférieures au score moyen de l’AMF en 2021 aux 17 critères d’évaluation du Pointage des régulateurs, qui s’établissait à 7,2 pour le secteur de l’assurance et à 6,9 pour le secteur de l’épargne collective. De plus, l’écart entre la note et l’importance accordée au processus d’inspection (8,6 sur 10) montre qu’il s’agit d’un enjeu important pour les répondants et qu’il doit être réglé.
Ce pointage ne constitue pas un drapeau rouge selon l’AMF, qui constate des variations dans les notes à ce critère au cours des trois dernières années. « Cette fluctuation est prise en compte par l’AMF sans toutefois être considérée comme étant alarmante à ce stade-ci », répond le régulateur dans un échange de courriels transmis par son porte-parole, Jean-Maurice Bouchard. L’AMF a préféré répondre par écrit à nos questions.
La Direction principale de l’inspection (DPI) de l’AMF a redoublé d’efforts durant la pandémie de COVID-19 en répondant promptement aux préoccupations de ses inscrits dès le début, ajoute-t-il. Cette direction a prolongé les délais de réponse imposés pour s’adapter aux contraintes des firmes inspectées et a misé sur des inspections réalisées entièrement à distance, faisant « preuve de flexibilité dans son approche ». « Elle a ainsi été en mesure d’alléger les efforts exigés des inscrits inspectés tout en clarifiant ses attentes relatives à la continuité des affaires et à la poursuite des activités opérationnelles », précise l’AMF par courriel.
Voyons quelques commentaires de répondants du secteur du courtage en épargne collective. Bon nombre d’entre eux indiquent que le processus d’inspection est « très long ». « Le processus dure pratiquement un an depuis l’annonce de l’inspection jusqu’à la fermeture du dossier et la lettre d’engagement à la suite du rapport d’inspection », estime un intervenant sondé.
Un répondant se plaint des délais de réponse requis par l’AMF, semblant contredire l’AMF sur l’allègement de ses exigences. « Nous avons dû attendre très longtemps des suivis de leur part et quand ça venait, ils exigeaient des délais de réponse qui n’étaient pas raisonnables », précise-t-il. Un répondant du secteur de l’assurance émet aussi un commentaire semblable.
Des répondants du secteur de l’épargne collective déplorent, encore cette année, que la réglementation de ce secteur permette à l’AMF de leur facturer leur inspection, mais ne permette pas de le faire auprès des cabinets en services financiers qui distribuent de l’assurance.
« Les droits qui sont actuellement exigés pour la préparation d’une inspection, l’inspection elle-même et le suivi des recommandations sont encadrés par la réglementation en valeurs mobilières. Ce n’est cependant pas le cas pour les cabinets assujettis à la Loi sur la distribution de produits et services financiers », confirme l’AMF.
Processus exigeant
De plus, bon nombre de répondants travaillant en épargne collective soulignent que le coût de l’inspection dépasse de beaucoup les frais facturés par l’AMF. Un répondant dit que « le processus d’inspection est intéressant, mais très long et coûteux en ressources. Des gains d’efficacité seraient souhaitables. » Un autre dit: « Le processus est extrêmement long et fastidieux. Il exige du temps et des ressources. » « Le processus d’inspection devrait miser davantage sur les risques », juge un troisième.
Par ailleurs, un sondé juge que « l’AMF a un biais négatif envers le marché dispensé et les petits cabinets indépendants. Les commentaires reçus par rapport aux produits dispensés étaient souvent non pertinents, voire dénotaient un manque de compréhension de ce marché. »
Finance et Investissement a récolté moins de commentaires provenant de répondants du secteur du courtage d’assurance de personnes. L’un d’entre eux est d’avis que « le rapport d’inspection [de l’AMF] était décevant. Il aurait pu être plus précis, plus détaillé. » Par ailleurs, bon nombre de répondants de ce secteur estiment que les inspections se sont déroulées « de manière très cordiale et constructive ». C’est aussi le cas pour certains répondants du secteur de l’épargne collective, comme celui-ci: « Les inspecteurs ont démontré une belle ouverture, discussions franches et honnêtes, de part et d’autre, qui amenaient des échanges productifs. Toutefois, la portion de l’inspection à distance (après la visite d’inspection) s’est un peu étirée dans le temps. »
L’AMF répond de manière générale aux critiques précédentes, soulignant que le passage aux inspections entièrement à distance s’est déroulé de façon rapide et structurée. En effet, une grande partie du travail était déjà effectuée à distance par les inspecteurs après la visite sur place, avant même la pandémie.
Le porte-parole de l’AMF relève que des ajustements aux façons de faire ont été apportés pour soutenir la pertinence des interventions et répondre aux demandes du marché. « La DPI a notamment augmenté le temps consacré à la validation de certains risques faisant partie de son programme, mais qui étaient susceptibles d’être exacerbés par le confinement. À titre d’exemple, la sécurité informatique, la protection des renseignements personnels ou la mise en oeuvre du plan de continuité des activités ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des inspecteurs », explique-t-il.
De plus, les inspecteurs sont demeurés sensibles aux préoccupations et aux réalités des inscrits inspectés, souligne l’AMF. « La DPI comprend toutefois que le fait de poursuivre ses activités durant cette période sans précédent a pu déstabiliser certains inscrits aux prises avec une gestion de crise plus difficile. Or, dans un contexte volatil et les circonstances exceptionnelles auxquelles les marchés étaient confrontés, la présence des inspecteurs était encore plus justifiée », lit-on dans la réponse du régulateur.
« L’AMF en général, et la DPI en particulier, adhère à une culture d’amélioration continue qui favorise l’optimisation de ses procédures internes, l’efficacité de ses interventions et la pertinence de ses moyens de communication », poursuit l’organisme de réglementation.
La DPI tente de s’adapter aux changements constants en se penchant entre autres « sur les délais d’inspections et les résultats attendus pour le déploiement d’une culture de conformité satisfaisante auprès des inscrits inspectés », ajoute-t-on.
Collaboration AMF-ACFM
Quelques répondants du secteur de l’épargne collective, qui sont également soumis aux inspections de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), ciblent d’autres occasions d’amélioration pour ces régulateurs. « Il est dommage que la présence de l’AMF et de l’ACFM lors de l’inspection entraîne une duplication au lieu que les travaux d’un régulateur servent à l’autre », dit l’un d’eux.
Un autre répondant juge que le processus d’inspection reste « très compliqué et très mal organisé avec l’ACFM. [Celui-ci dure] plusieurs mois et [est fait avec] des interlocuteurs qui ne connaissent pas ou ne comprennent pas la réalité des institutions financières. »
L’AMF réplique que sa collaboration avec l’ACFM est excellente: « En effet, les équipes d’inspections des deux organismes travaillent conjointement dans toutes les phases d’inspections. L’AMF a aussi fait preuve d’agilité et de flexibilité à l’occasion d’inspections conjointes avec l’ACFM dans les dernières années, notamment en variant ses approches d’inspection et en tentant d’optimiser l’impact de ses interventions. »
En août, l’AMF annonçait qu’elle allait reconnaître le nouvel organisme d’autoréglementation qui sera issu de la fusion des activités de l’ACFM et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). On ignore le moment du regroupement et les détails à son sujet, mais cette fusion éventuelle aura certes un impact sur le processus d’inspection des responsables de la conformité.