En une année à peine, la situation financière du Québec a radicalement changé, au point de donner les coudées franches au gouvernement Legault, désormais apte à se montrer généreux envers les contribuables, à quelques mois de l’échéance électorale.
Sur fond de croissance économique exceptionnelle, la mise à jour économique aux allures de mini-budget présentée jeudi par le ministre des Finances, Eric Girard, vise notamment à contrer les effets de l’inflation, qui pourrait atteindre 4 % cette année, de manière à maintenir le pouvoir d’achat de certains contribuables, au premier chef les personnes à faible ou moyen revenu, de même que les aînés.
Au début de l’année 2022, toutes les personnes seules ayant un revenu inférieur à 50 000 $ auront droit à un chèque de 275 $ (400 $ pour un couple), un montant destiné à contrer l’effet de la hausse récente importante des prix à la consommation. Québec réservera 739 millions de dollars (M$), l’an prochain, pour cette mesure qui devrait viser plus de 3 millions de contribuables. Mais cela vaut uniquement pour l’an prochain et pour les personnes admissibles au crédit d’impôt remboursable pour la solidarité.
En plus de cette « prestation exceptionnelle », 709 000 aînés de plus de 70 ans auront aussi droit à un coup de pouce financier additionnel de 400 $, une mesure évaluée à 124 M$ cette année.
Pour l’ensemble des contribuables, la mise à jour de jeudi ne prévoit pas d’alourdissement du fardeau fiscal, donc pas de nouvelle taxe ou hausse d’impôt.
En rédigeant son mini-budget, le ministre Girard a dit en conférence de presse ne pas avoir tenu compte de l’échéance électorale toute proche, cherchant plutôt à présenter un « cadre financier solide qui inspire la confiance aux consommateurs et aux investisseurs ». Il a qualifié ses prévisions de conservatrices et prudentes.
À court terme, le gouvernement peut se permettre de faire preuve de générosité, grâce à une croissance exceptionnelle de l’économie, qui devrait afficher un bond de 6,5 % en 2021, une hausse « supérieure à la croissance mondiale », a commenté le ministre des Finances.
À pareille date l’an passé, le déficit du Québec atteignait un sommet historique à 15 G$. Depuis, il a fondu de moitié, à 6,8 G$, alors qu’on avait prévu l’an passé qu’il atteindrait 8,3 G$ cette année.
Le retour à l’équilibre budgétaire est toujours prévu pour 2027-2028, et pas plus tôt malgré la situation favorable parce qu’il importe d’assurer une transition « plus douce », a-t-il fait valoir.
Le ratio de la dette brute sur le PIB est rendu à 44,3 %., en baisse de cinq points par rapport aux prévisions de l’an dernier. La croissance du PIB nominal est fixée à 10,8 %.
On savait que le manque de places en garderie était criant, alors que la liste d’attente dépasse les 50 000 noms. Québec prévoit atténuer le problème en bonifiant le crédit d’impôt remboursable pour frais de garde dans une garderie non subventionnée. Environ 385 000 familles, dont le revenu se situe entre 60 000 $ et 100 000 $, devraient pouvoir en bénéficier et assumer au final un tarif au total comparable à un service de garde subventionné, soit autour de 8,50 $ par jour. Cela représente un gain d’environ 400 $ par famille annuellement.
La rareté de main-d’œuvre est devenue le principal frein à la croissance économique, alors que 200 000 emplois sont présentement vacants, et Québec entend s’attaquer au problème, en misant sur la formation et la requalification des travailleurs vers les six secteurs les plus en demande, dont les services de garde, l’éducation, la santé et la construction. À ce chapitre, il veut investir près de 3 G$ au cours des cinq prochaines années pour requalifier 170 000 travailleurs. Un nouveau programme de bourses d’études sera destiné à attirer les jeunes vers les secteurs d’activité ciblés.
Le Québec est pratiquement en situation de plein emploi, un marché du travail « extrêmement dynamique » dira Eric Girard, avec un taux de chômage prévu de 5,7 % anticipé en décembre 2021. Depuis un an, 142 100 emplois ont été créés, alors que le Québec avait perdu 123 900 emplois entre décembre 2019 et décembre 2020, au début de la pandémie.
Même si le pire semble derrière nous, la pandémie demeure un enjeu financier pour le gouvernement, qui prévoit consacrer 3,6 G$ dans diverses mesures au cours de l’année, dont 134 M$ en vue de réduire la liste d’attente en chirurgie et 380 M$ en mesures de rétention ou d’attraction de personnel, en plus de près de 2 G$ en services à la population et en mesures destinées à assurer la sécurité du personnel.
Prudent dans ses documents budgétaires, le ministère des Finances indique que l’évolution de la pandémie « demeure un risque pour les perspectives économiques ». La pénurie de main-d’œuvre, notamment, pourrait exercer une poussée inflationniste et ralentir la croissance.
Le gouvernement promet aussi de revenir à la charge pour convaincre le gouvernement fédéral d’assumer une part plus importante, à hauteur de 35 %, des dépenses totales en santé. Pour le Québec, cela se traduirait par un chèque de 6 G$ annuellement expédié par Ottawa.