Une femme assise à un bureau devant un ordinateur. Elle écrit sur un bloc note.
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Après avoir accumulé des dettes pendant des années de taux d’intérêt extrêmement bas, les Canadiens sont invités à revoir leurs dépenses alors qu’ils font face à la perspective d’une hausse des coûts d’emprunt associée à une inflation galopante.

« Il faut complètement recalibrer ses dépenses, recalibrer la façon dont on vit sa vie », conseille Laurie Campbell, directrice au bien-être financier des clients chez Bromwich and Smith, spécialiste de l’allègement de la dette.

Tout comme si on suivait un régime, elle dit que la gestion de l’argent en situation de stress nécessite des changements de mode de vie pour éviter de revenir aux anciennes habitudes.

Laurie Campbell suggère aux gens d’examiner de près l’ensemble de leur situation financière et de faire un effort sérieux pour réduire leur dette autant que possible, même si la levée des mesures contre la pandémie stimulera probablement le désir de sortir et de dépenser.

« Je ne peux pas les blâmer, mais au fur et à mesure qu’ils le feront, nous allons voir le ratio de la dette au revenu augmenter. Et avec la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, c’est un peu une tempête parfaite », souligne-t-elle dans une entrevue.

Plusieurs observateurs s’attendent à ce que la Banque du Canada augmente son taux d’intérêt directeur de 0,25 point de pourcentage le 2 mars, et qu’elle procède à plusieurs autres hausses de taux dans les deux prochaines années. Dans un discours mercredi, le gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem, a clairement indiqué que l’inflation plus élevée se traduirait par une hausse des taux d’intérêt.

« L’inflation est trop élevée et nous allons la faire baisser », a-t-il affirmé.

Les taux d’intérêt des prêts hypothécaires à taux variable, des cartes de crédit et des marges de crédit suivent de près le taux directeur de la banque centrale.

Des taux d’intérêt plus élevés n’affecteront pas immédiatement les propriétaires ayant des hypothèques à taux fixe, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à renouveler leur prêt. Ceux qui recherchent la tranquillité d’esprit pourraient bloquer leur hypothèque avant que les taux n’augmentent.

Laurie Campbell s’attend à ce que les insolvabilités, qui sont assez faibles en ce moment, augmentent au cours de la prochaine année, car de plus en plus de personnes risquent d’être incapables d’effectuer les paiements minimaux avec l’augmentation du prix des produits d’épicerie et de l’essence.

« Pour certaines personnes, ça va être un peu l’éclatement d’une bulle. »

Elle craint que certaines personnes ne prennent des décisions désespérées qui pourraient aggraver leur situation, comme se tourner vers des consultants en dette qui facturent leurs services alors qu’une clinique de réparation de crédit pourrait les aider gratuitement, ou recourir à un prêteur à intérêt élevé pour consolider leur dette.

Examiner divers scénarios

Pour les millénariaux, qui ont atteint la majorité dans les années qui ont précédé la crise financière de 2008-2009 et qui élèvent maintenant leur propre famille, les faibles taux d’intérêt ont été la réalité pendant la majeure partie de leur vie d’adulte.

Des experts estiment qu’il est important de comprendre la structure de la dette, car des taux de prêt plus élevés signifient qu’une moindre grande partie du paiement va au capital, et une plus grande partie rembourse l’intérêt. Le paiement hypothécaire mensuel ne semblera peut-être pas si différent, mais une plus petite partie de celui-ci remboursera le capital qu’auparavant.

« Comprendre le portrait holistique de la situation financière du ménage est en quelque sorte la première étape, puis vient l’examen des divers scénarios d’évolution des dépenses mensuelles en cas de variation des taux d’intérêt », note Michael Greenberg, gestionnaire de portefeuille chez Franklin Templeton Investment Solutions.

L’examen de ces scénarios pourrait forcer des décisions difficiles en matière de dépenses et d’économies, prévient-il.

Selon les résultats d’un récent sondage de l’Institut Angus Reid, 34 % des Canadiens croient que des hausses de taux d’intérêt auraient un effet négatif mineur sur eux, 25 % croient que l’impact serait très négatif, 22 % estiment que cela n’aurait aucun effet pour eux et 6 % y voient un élément positif.

Plus de la moitié de ceux qui s’identifient comme « en difficulté » pensent qu’un bond des taux serait une très mauvaise nouvelle pour leur ménage et un autre quart s’attend à ce que cela ait un impact négatif mineur.

L’enquête a également révélé que les répondants à faible revenu étaient plus susceptibles de croire qu’une augmentation des taux ne serait pas dans leur intérêt supérieur.

Les épargnants et les personnes âgées dont les revenus sont fixes bénéficieraient de taux plus élevés et certains Canadiens sont en bonne position à l’approche du cycle de hausse des taux, s’ils ont continué à travailler pendant la pandémie et ont remboursé leurs dettes grâce à leurs économies accumulées.

« Il semble qu’il y ait deux camps pour ce qui est de la façon dont les gens ont résisté à la pandémie d’un point de vue économique », observe Kristi Ashcroft, vice-présidente principale et chef de produit chez Placements Mackenzie.

La hausse de la croissance des salaires, la vigueur des marchés de l’emploi et une éventuelle baisse de l’inflation font en sorte que cela ne devrait pas être une trop grande préoccupation pour l’économie ou la population dans son ensemble, estime M. Greenberg.

« Mais ces chiffres moyens cachent certains points faibles spécifiques au sein du marché et de l’économie », prévient-il.

Pas de reprise des années 1980

Bien que les hausses de taux puissent provoquer un choc, la situation ne ressemblera pas à celle de la fin des années 1970 au milieu des années 1980, lorsque les taux d’intérêt ont grimpé au-dessus de 12 %, ajoute-t-il.

Un avantage, cette fois-ci, réside dans le fait que de nombreux propriétaires ont accumulé beaucoup de capitaux propres grâce aux gains en capital de leurs résidences, qu’ils peuvent exploiter, souligne Beata Caranci, économiste en chef à la Banque TD.

Ceux qui sont confrontés à des renouvellements pourraient voir s’ils peuvent prolonger la période d’amortissement pour obtenir un certain allègement de paiement.

Les tests de résistance exigés par le régulateur des services financiers aideront également à amortir le coup, car les emprunteurs hypothécaires ont dû se qualifier à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés, note Mme Caranci.

« Ces personnes n’ont pas nécessairement besoin de faire quoi que ce soit au sujet des taux d’intérêt plus élevés, car leurs revenus ont déjà été vérifiés par rapport à un taux d’intérêt plus élevé. »