Membre de la Première Nation huronne-wendat, Jean Vincent a consacré sa vie à mettre en œuvre des solutions financières innovantes pour aider les membres des communautés autochtones du Québec à relever le défi de l’accès au financement. Obtenir un prêt hypothécaire pour acheter une maison ou emprunter du capital pour faire croître son entreprise constitue un défi considérable pour bon nombre de membres des Premières Nations, qui ont difficilement accès aux outils de financement traditionnels. Jean Vincent, comptable agréé de formation, n’a eu de cesse de vouloir rétablir l’équilibre. En 1992, il crée la Société de crédit commercial autochtone (SOCCA).
Établie à Wendake, réserve autochtone située dans la région de Québec, cette institution financière unique en son genre soutient diverses initiatives qui favorisent le développement économique des communautés. En 2005, il fonde la Société d’épargne des Autochtones du Canada (SEDAC), le premier fonds de finance sociale en milieu autochtone au pays constitué d’épargne des particuliers, qui agit en synergie avec la SOCCA.
« Je suis un intrapreneur et un visionnaire. Ce qui me motive est de faire bouger les choses dans les communautés », confie ce fils de banquier qui a fait ses premières armes en développement économique au sein de l’ancien ministère des Affaires indiennes avant de s’engager dans la communauté huronne-wendat au milieu des années 1980.
Ses réalisations lui ont valu de remporter la mention Coup de cœur du Top des leaders de l’industrie financière. « En créant cette institution financière de finance sociale en 1992, il a été innovant afin de soutenir la communauté autochtone et créer une solution à la crise de l’habitation autochtone qui contourne les obstacles des institutions financières traditionnelles. Il a consacré sa vie à l’amélioration de l’éducation financière autochtone. Son approche et son modèle innovant en inspirent d’autres. Félicitations », ont souligné les membres du jury.
Sous sa gouverne, la SOCCA et ses sociétés affiliées sont passées d’un actif sous gestion de 5 M$ à 64 M$. Depuis ses débuts, elle a prêté près de 100 M$ à quelque 800 entrepreneurs avec un taux de pertes de moins de 0,5 %. La SEDAC, pour sa part, a émis 28 séries d’obligations pour environ 52 M$ et consenti quelque 200 prêts pour une valeur totale frôlant les 54 M$, dont la moitié en prêts habitation.
« Notre objectif est de réduire les écarts sur le plan socioéconomique entre les Autochtones et les autres Canadiens. À l’heure où tout le monde parle de réconciliation, l’accès au capital est une des principales mesures permettant de combler l’écart », affirme Jean Vincent.
Selon lui, le rattrapage passe par la mise en place de mécanismes de garantie différents et de produits spécialisés qui tiennent compte du contexte légal et fiscal des Premières Nations. « La fine connaissance de notre marché et nos outils d’analyse de risque adaptés nous permettent de diminuer les risques de pertes dès le départ », explique-t-il.
Il reste cependant encore beaucoup à faire pour combler l’écart. L’habitation est l’un des grands enjeux auxquels veut s’attaquer Jean Vincent. Les logements sont encore souvent la propriété des conseils de bande. Selon lui, une partie de la solution repose dans la propriété privée. La SOCCA a complété une première phase de démonstration de 20 M$ en financement de l’habitation avec un partenaire immobilier. Une phase de croissance de 150 M$ à 200 M$ sur deux à trois ans est planifiée. L’objectif est d’accéder au marché financier dans un horizon de trois à cinq ans pour un marché qui représente 1 G$ au Québec.
« Le combat n’est pas fini », assure Jean Vincent. Il estime qu’à travers ces innovations et cette créativité, il fait œuvre d’éducation auprès des grandes institutions financières. « On a fait la preuve du fonctionnement de notre modèle. On ouvre la porte pour les autres », conclut-il.