Vous savez, le genre de question où les réponses potentielles ne sont pas toutes agréables à considérer, dans la mesure où certaines le sont ne serait-ce qu’un peu.
Depuis plusieurs années, nous avons eu notre lot de débats de structures et de réglementation. Les questions de communication, de transparence, de frais, de rémunération, de compétence et de convenance ont régulièrement (et sous plusieurs formes) pris les devants.
Ce cycle n’est pas terminé. Pour s’en convaincre, il suffit de penser aux réformes axées sur le client que nous apprivoisons encore, à la fin prochaine des frais de sortie reportés en fonds communs et à la position récente du CCRRA qui laisse entrevoir la même chose avec les fonds distincts ou encore, le projet de nouvel OAR en valeurs mobilières.
Officiellement, le seul but est d’assurer la protection du public et le traitement équitable du consommateur.
Mais nous sommes-nous demandé qui est ce consommateur? Quels sont ses besoins, ses objectifs et ses aspirations?
Nous sommes-nous, sérieusement, demandé si ces réformes répondront réellement à ce consommateur? S’il sera mieux servi? Plus éduqué? Plus riche? Et, pourquoi pas, plus heureux?
Le consommateur qui se fait souvent entendre, celui qui est vocal et militant. Plus éduqué et plus riche que la moyenne, il a les connaissances et (visiblement) le temps de se faire entendre. Celui-là réclame de la transparence et des baisses de frais car il peut comprendre les informations qui lui seront données et sera heureux de payer moins cher pour des conseils ou des services dont il n’a pas toujours besoin.
L’industrie aussi sait se faire entendre. Certains joueurs plus que d’autres, mettant de l’avant leurs intérêts propres qui seront influencés par leurs modèles d’affaires ou le type de clients qu’ils servent.
Mais que nous dirait la proverbiale madame Tartanpion? Cette mère de famille trop occupée entre le boulot, la famille et toute cette liste de tâches qu’il faut accomplir pour être une femme moderne accomplie, preuve Instagram à l’appui.
Que nous dirait monsieur Tremblay, modeste homme à la retraite tout aussi modeste qui prend son plaisir à jardiner avec sa femme, à défaut de faire tous les voyages dont il rêve puisqu’il baigne dans la modestie?
Que nous dirait Alice, cette jeune étudiante dynamique qui épargne vaillamment une partie de son salaire minimum avec le rêve en tête d’acheter un jour sa première maison et qui sait que l’avenir se prépare aujourd’hui?
Ils nous diraient probablement qu’ils apprécient être conseiller par un(e) professionnel(le) qui prend le temps et qui dispose des outils pour les accompagner.
Mais voilà, il existe un risque, constamment sous-estimé, que ni madame Tartanpion, ni monsieur Tremblay, ni Alice ne puissent avoir accès à ce conseiller.
Chaque couche de structure, de règlement, de procédure, de formulaire et d’exigence entraîne des coûts financiers, humains et temporels.
On aura beau retourner la situation dans tous les sens, il n’y a que 24 heures dans une journée et cent cennes dans chaque piastre.
Forcément, si on en demande plus, il en reste moins.
Moins pour conseiller madame Tartanpion, monsieur Tremblay et Alice.
Les conseillers et les entreprises du secteur devront se concentrer sur le segment déjà très bien desservi des ménages à valeur élevée ou encore opérer selon une logique de « volume » où le temps n’est pas ce qu’on offre en quantité aux clients qui ont pourtant tellement besoin de conseils et d’accompagnement.
Et nous nous surprendrons chaque année de constater que l’écart de richesse devient un abysse toujours plus grand et profonds. Nous nous surprendrons de voir le paysage financier dominé par de grandes institutions financières offrant, dans une de leurs branches, des services de détail pour les petits de ce monde et, dans une autre branche, un service toutes étoiles pour ceux qui en ont les moyens.
Nous nous en surprendrons parce que nous échouons à nous demander de quoi le consommateur a vraiment besoin et comment répondre à ce besoin.
Nous nous en surprendrons aussi parce que nous évaluons l’impact sur le consommateur une réforme à la fois, oubliant que quand on a le nez collé sur un arbre, c’est impossible de voir la forêt.
Alors? Si on se posait les vraies questions? Si on cherchait ce qui aiderait vraiment madame Tartanpion, monsieur Tremblay et Alice?
Je pense qu’on serait surpris de ce qu’on pourrait faire et de toute la richesse qu’on pourrait créer.