SNC-Lavalin devrait-il divulguer aux investisseurs l’échec de l’infâme accord de réparation avec les autorités canadiennes?
Non, selon le juge Perell, de la Cour supérieure d’Ontario, dans Peters c. SNC-Lavalin[1]. L’échec de l’accord de réparation ne constitue pas un changement important qui doit être divulgué en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario (la « LVMO »).
Dans son jugement, le juge Perell réitère les distinctions entre un fait matériel et un changement important tel que défini par la LVMO. Rappelons qu’un accord de réparation, également connu sous le terme d’un accord de poursuite suspendu (« APS »), permet en matière de corruption d’éviter des poursuites pénales en échange d’admissions de culpabilité et du paiement d’amendes.
Peters a demandé l’autorisation d’intenter un recours collectif contre SNC-Lavalin pour avoir omis de divulguer aux investisseurs, en temps opportun, le fait que la compagnie n’était plus en négociations avec les autorités canadiennes pour un accord de réparation concernant la poursuite à laquelle elle faisait face. Il s’agissait donc d’une demande d’autoriser un recours collectif fondé sur de prétendues fausses déclarations sur le marché secondaire.
Peters a allégué que, le 5 septembre 2018, lorsque les autorités canadiennes ont communiqué à SNC-Lavalin que les négociations liées à l’accord de réparation n’avaient pas abouti, cela constituait un changement important qui aurait dû être immédiatement divulgué.
Au lieu de cela, SNC-Lavalin a divulgué cette information le 10 octobre 2018, soit 36 jours après les faits. C’est le 10 octobre 2018, après la divulgation de cette information, que le prix des actions de SNC-Lavalin a chuté de 13 %.
Le juge Perell constate qu’un changement important dans les affaires, les opérations ou le capital d’une entreprise nécessite une divulgation. Cependant, selon le juge Perell, les communications entre les autorités canadiennes et SNC-Lavalin quant au non‑aboutissement de l’accord de réparation ne répondent pas à cette définition de changement important.
En se référant aux définitions de la LVMO, le juge Perell résume ainsi la différence entre un changement important et un fait matériel :
- Un « changement important » signifie un changement important dans les affaires, les opérations ou le capital d’une entreprise qui a un impact sur le prix des titres. Seul un changement important doit être divulgué.
- Un « fait matériel » englobe tout fait qui aura un impact significatif sur le prix du marché ou la valeur des titres d’un émetteur. Le fait matériel n’a pas à être divulgué.
Le juge Perell détermine que la communication du 5 septembre 2018 n’est pas un changement dans les affaires de SNC-Lavalin. SNC-Lavalin et ses investisseurs ne pouvaient ni présumer du succès de l’accord de réparation, ni déduire de la communication que de nouvelles négociations ne pourraient pas reprendre.
Le juge Perell tranche donc que la communication des autorités canadiennes ne fut pas un changement important dans les affaires, les opérations ou le capital de SNC-Lavalin, et conséquemment, il n’y avait pas de nouvelles informations à communiquer aux investisseurs.
Ainsi, la seule variation de la valeur d’un titre sur le marché ne constitue pas nécessairement un changement important qui doit être divulgué. Pour qu’il y ait un changement important qui nécessite divulgation, il doit aussi y avoir un changement dans les affaires, les opérations ou le capital d’une entreprise.
Selon le juge Perell, l’échec des négociations par rapport à l’accord de réparation n’est pas un changement important. L’autorisation d’instituer une action collective de Peters fut donc rejetée.
Julie-Martine Loranger associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., avec la collaboration de Kevin Pinkoski, stagiaire en droit.
Le présent article ne constitue pas un avis juridique.
[1] 2021 ONSC 5021.