Le budget du Canada 2022-2023 déposé le 7 avril dernier par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, propose une série de mesures destinées à soutenir les acheteurs d’une première maison.
La mesure phare de ces propositions est l’instauration du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Il offre aux éventuels acheteurs d’une première maison la possibilité de cotiser, à compter de 2023, un montant de 8 000 $ non indexé par année, jusqu’à concurrence de la limite à vie de 40 000 $.
Ce compte « se trouvera en quelque sorte à l’intersection du régime enregistré d’épargne-retraite (REER), du compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et du régime d’accession à la propriété (RAP) », illustre le planificateur financier Martin Dupras, de ConFor financiers.
« À l’instar d’un REER, les cotisations seraient déductibles d’impôt et les retraits pour l’achat d’une première maison, y compris le revenu de placement, seraient non imposables, comme c’est le cas pour le CELI », indique le plan budgétaire.
« Pour pouvoir cotiser à ce régime, il faut avoir au moins 18 ans, être résident du Canada, ne pas vivre dans une maison dont on est propriétaire ou dont notre conjoint est propriétaire dans l’année de l’ouverture du compte et durant les quatre années précédentes », explique Hélène Marquis, directrice régionale, planification fiscale et successorale chez Gestion privée CIBC.
Elle ajoute qu’il est possible de « participer dans ce compte une seule fois au cours de sa vie », et signale que les droits de cotisation inutilisés au cours d’une année donnée ne pourront pas être reportés à une année ultérieure, et « se trouvent donc perdus ».
Le CELIAPP pourra contenir différents types d’actifs, y compris des actions, des obligations et des fonds négociés en Bourse (FNB). Les titulaires de REER pourront aussi transférer des actifs dans leur CELIAPP sans être imposés sur le retrait.
« Si un particulier n’a pas utilisé les fonds de son CELIAPP pour l’achat d’une première propriété admissible dans les 15 ans suivant l’ouverture du CELIAPP, celui-ci devra être fermé. Toute épargne inutilisée pourrait être transférée à un REER ou à un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), ou devra autrement être retirée à titre imposable », lit-on dans le budget fédéral.
Ce transfert à l’abri de l’impôt comprend également les revenus de placement générés dans le CELIAPP. « Il s’agit donc d’un roulement et ça n’affecte pas les droits de cotisation au REER pour l’avenir », évoque Hélène Marquis.
Elle ajoute qu’il ne sera « pas possible de combiner le RAP le régime CELIAPP. C’est soit l’un, soit l’autre. »
Prenons le cas fictif d’une personne dont le revenu se situe entre 50 000 $ et 100 000 $, et qui épargne dans son CELIAPP à compter de 2023 le maximum annuel permis de 8 000 $ pendant cinq ans.
En déduisant cette somme de son revenu, elle aura ainsi profité d’un remboursement d’impôt fédéral annuel de 1 640 $, illustre le plan budgétaire. Grâce aux revenus de placement, cette personne aura épargné environ 45 000 $en 2027 à consacrer à l’achat d’une première maison. Pour un couple, cette somme atteindrait donc 90 000 $.
« Le CELIAPP ayant des dépôts totalisant 40 000 $ peut générer un retrait non imposable bien supérieur, en raison du rendement possible pendant la période maximale de 15 ans. L’accumulation après 15 ans de cinq dépôts annuels de 8 000 $, à des taux de rendement de 2 %, 4 % et 6 %, pourrait atteindre respectivement 51 800 $, 66 700 $et 85 600 $ », illustre pour sa part Daniel Laverdière, directeur principal, Centre d’expertise, chez Banque Nationale, Gestion privée 1859.
Il ajoute que les montants « retirés à d’autres fins que l’achat d’une première propriété admissible seraient imposables. L’imposition pourrait être repoussée jusqu’aux 15 ans suivant l’ouverture du compte, et permettre entre-temps de différer l’imposition des revenus annuels. »
Le gouvernement estime que le CELIAPP fournira un soutien de 725 M$ sur cinq ans.
Questions en suspens
Plusieurs précisions doivent encore être apportées par les dispositions législatives concernant le CELIAPP. Or, à la lumière des informations actuelles, Daniel Laverdière est d’avis qu’un particulier de 20 ans, sans épargne importante, pourrait prioriser le CELIAPP avant le CELI et le REER pour accumuler des sommes sur cinq ans, destinées à une mise de fonds pour l’achat d’une première propriété.
« Ainsi, il ne gruge aucunement les droits de cotisation REER/CELI, explique-t-il. Si aucun achat n’est effectué d’ici ses 35 ans, il pourrait simplement rouler le solde à son REER et payer les impôts au moment de son choix lors des retraits subséquents. Cela s’avère mieux que le roulement du rendement du REEE [régime enregistré d’épargne-études] vers le REER, car dans ce cas, les droits de cotisation au REER sont considérés. »
Selon Martin Dupras, bien qu’il « reste beaucoup de temps avant que l’on puisse recommander à nos clients d’ouvrir un CELIAPP », son arrivée « semble être un bel ajout pour les outils disponibles aux contribuables ».
Il soulève néanmoins un certain nombre de questions qui devront trouver réponse. En voici quelques-unes.
- Pourra-t-on cotiser au CELIAPP du conjoint si l’un des conjoints a déjà atteint sa limite viagère de 40 000 $, mais pas l’autre ?
- Est-ce que le fait qu’un conjoint possède une résidence va empêcher son conjoint d’utiliser le CELIAPP ? C’est le cas avec le RAP.
- Pourra-on cotiser dans une année donnée et déduire plus tard ? Ce qui est possible avec le REER.
- Pourra-on cotiser en début d’année et déduire dans la déclaration de revenus de l’année précédente ? Ce qui est possible avec le REER durant les 60 premiers jours de l’année.
- En cas de décès, un CELIAPP pourra-t-il être transféré d’un conjoint à l’autre sans influer sur la marge viagère de CELIAPP du conjoint survivant ?
- En cas de décès, pourra-t-on transférer les sommes au REER (ou FERR) du conjoint ?
- Pourra-t-on cotiser au CELIAPP après l’âge de 71 ans et déduire ces cotisations?
- Est-ce que la limite de 15 ans sera permise au-delà de l’âge de 71 ans?
Le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation sera doublé
Au nombre des mesures figurant dans le budget de 2022 visant à aider les Canadiens à acheter leur première maison, le gouvernement propose également de doubler le montant du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation. Il le fait ainsi passer de 15 % de 5 000 $, soit 750 $, à 15 % de 10 000 $, donc 1 500 $.
« Ce crédit peut être partagé entre les membres d’un couple si on le réclame dans son revenu », signale Hélène Marquis, directrice régionale, planification fiscale et successorale chez Gestion privée CIBC.
Elle rappelle que pour y avoir recours, la « condition sine qua non est que ni l’un ni l’autre des conjoints ne doit avoir été propriétaire d’un immeuble où il réside dans l’année, ou les quatre années qui précèdent la demande du crédit ». La mesure, qui cherche à atténuer les frais de clôture associés à l’achat d’une propriété, s’appliquerait aux habitations achetées à compter du 1er janvier 2022.