Les états financiers des clients recèlent des opportunités qui peuvent permettre des déductions fiscales importantes, en particulier lors d’un transfert d’entreprise. Mais attention aux actifs qui pourraient jouer les trouble-fêtes.
« Il y a des bijoux à trouver dans les états financiers. Il peut y avoir beaucoup d’argent qui dort », a lancé Alex Blouin, fiscaliste chez Barricad, en introduction d’un webinaire sur les opportunités à déceler dans les états financiers présenté par SCiO Formation.
Un des éléments clés lors d’un transfert d’entreprise est la déduction pour gains en capital (DGC), souligne-t-il. « C’est le plus gros morceau à aller chercher pour les propriétaires d’entreprises canadiens. » En 2022, la déduction maximale au titre de la DGC s’élevait à 913 000 $. « Elle pourrait bientôt atteindre un million de dollars en raison de l’inflation », considère le fiscaliste.
Les états financiers de l’entreprise sont déterminants pour pouvoir bénéficier pleinement de cette exemption. Certains actifs peuvent contaminer le bilan financier et faire courir le risque au propriétaire d’en être privé d’une partie dont il pourrait bénéficier. Il faut donc être extrêmement vigilant concernant ces actifs, conseille Alex Blouin.
Deux années qui peuvent coûter cher
Le test d’actifs admissibles de 50 % dans les 24 derniers mois est crucial, souligne le spécialiste. Il consiste à s’assurer que plus de la moitié des actifs figurant au bilan financier des deux dernières années sont reliés directement aux activités de l’entreprise.
Une évaluation doit donc avoir lieu afin de « purifier » les états financiers des actifs contaminants. Une assurance vie permanente, des placements à la Bourse, un coussin financier, un immeuble résidentiel acheté avec les profits de l’entreprise sont quelques exemples d’actifs qui ne devraient pas figurer aux états financiers pour passer le test, mentionne-t-il.
« Une purification devait s’opérer continuellement afin de s’assurer de la qualification à ce test. Sinon, le propriétaire pourrait se retrouver à devoir effectuer une purification d’urgence afin de se qualifier au test d’actifs de 90 % au moment de la vente », souligne le fiscaliste.
À quoi faut-il faire attention lors de la recherche des actifs non admissible à la DGC ? Le coussin financier est une des pépites traquées par Alex Blouin dans les états financiers de ses clients. « Souvent ils gardent trop d’argent dans le compte de l’entreprise. Ils utilisent leur marge de crédit pour les dépenses d’opération afin de pouvoir conserver un coussin. Or, la portion excédentaire de l’argent dont ils ont réellement besoin pour faire fonctionner la compagnie est considéré, dans ce contexte, comme un actif contaminant », indique Alex Blouin.
Sécuriser les placements
Parmi les autres éléments susceptibles de « polluer » les états financiers dans le cadre de la DGC figurent les prêts sans intérêts à des personnes liées, ou une avance à un actionnaire. Un prêt avec intérêts à un tiers peut également être considéré comme un actif contaminant. Les comptes clients irrecouvrables, parce que le débiteur n’est plus en activité, ou encore un inventaire désuet, devenu invendable ou qui n’est plus utilisable par l’entreprise, ne devraient pas davantage figurer dans les états financiers aux fins de réclamation de la DGC, selon Alex Blouin.
Une fois repérés, les actifs contaminants peuvent être transférés dans une société de gestion, afin de permettre au client d’investir dans d’autres entreprises et de percevoir les bénéfices provenant des différentes entités dans lesquelles la société de gestion détient des actions.
À des fins de planification financière, le fait de transférer les placements dans la compagnie de gestion permet également de protéger les actifs et de sécuriser les placements, note le fiscaliste.
Un actif fantôme
Les états financiers permettent en général d’apprécier la croissance d’une entreprise. Or, les états financiers ne disent pas tout, mentionne Alex Blouin. « Il manque souvent le plus gros morceau, le goodwill, constitué du son savoir-faire et de son achalandage. » C’est le cas en particulier pour une entreprise qui a été créée de toute pièce par son propriétaire ou pour une entreprise de services.
Ces actifs intangibles sont-ils transférables ? « Il faut être prudent, estime Alex Blouin, car les tests de DGC sont tributaires de ces actifs. Si on n’en tient pas compte, les tests seront erronés. Or, c’est souvent le plus grand actif de certaines entreprises. Il n’apparait pas dans les états financiers, car l’entrepreneur ne l’a pas acheté, puisqu’il l’a développé. C’est un actif invisible, un actif fantôme. »
Une des façons de pouvoir lui attribuer une valeur consiste à recevoir une offre d’achat, indique le fiscaliste. Lors de la vérification diligente, la valeur nette de l’entreprise sera calculée afin d’établir la juste valeur marchande (JVM). Un évaluateur d’entreprise peut également l’estimer en se référant au marché.
La fiducie, un couteau suisse
Un des avantages de la DGC, c’est qu’elle peut être multipliée en créant une fiducie familiale discrétionnaire. Un propriétaire qui est l’unique actionnaire de son entreprise peut, en cas de vente ou de transfert, bénéficier d’une seule exemption d’impôt de 913 000 $ en 2022 au titre de la DGE. En mettant en place une fiducie avant la transaction, et en nommant, par exemple, son épouse, son fils et lui-même à titre de bénéficiaires, il peut tripler la déduction.
Les montants s’additionnent en fonction du nombre de bénéficiaires : enfants, petits-enfants, conjoints ou parents. Des enfants ou petits-enfants à naître peuvent également être inclus à certaines conditions, ce qui permet différentes options en matière de planification successorale.
De plus, la valeur des actions de l’entreprise est gelée au jour de la création de la fiducie, ce qui peut être intéressant pour un transfert futur, souligne le spécialiste. « La fiducie agit comme un couteau suisse qui donne plus de latitude au fiscaliste. »
Elle a cependant certaines limites. Sa durée de vie est de 21 ans. À la fin de cette période, tout ce qu’elle contient doit être vendu à la JVM. De plus, on ne peut pas transférer les biens d’une fiducie vers une autre, plus récente, afin de prolonger sa durée de vie.
En fonction de ces différents critères, conclut Alex Blouin, une planification fiscale exhaustive permet de prévoir les différents cas de figure afin de préparer le transfert d’entreprise et de s’assurer que le propriétaire pourra profiter pleinement du fruit d’une vie de labeur au moment de la retraite.