Le nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) qui regroupera les activités de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) aura son siège à Toronto, mais sera doté d’un établissement au Québec, en l’occurrence à Montréal, qui offrira tous les services nécessaires en français. Toutefois, il ne permettrait pas aux représentants de la province de se constituer en société.
C’est ce qu’on apprend des divers documents de l’Avis de consultation 25-304 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et des précisions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur ceux-ci. En voici un résumé.
Dans une consultation qui prend fin le 27 juin, les ACVM réitèrent que le nouvel OAR aura un mandat d’intérêt public. La majorité du conseil d’administration (8 membres sur 15) et de ses comités sera constituée d’administrateurs et de présidents indépendants. On créera des mécanismes officiels de dialogue avec les investisseurs, tels qu’un comité consultatif d’investisseurs et un bureau des investisseurs. Le nouvel OAR maintiendra également un programme de dénonciation.
Ce régulateur exercera toutes les activités actuelles de l’ACFM et de l’OCRCVM et, après la fusion qui est prévue pour janvier 2023, détiendra tous les actifs (et assumera tous les passifs) de ces organismes.
« Au départ, le nouvel OAR a l’intention d’adopter et d’administrer des règles provisoires qui contiendront les exigences réglementaires en vigueur avant la fusion qui sont énoncées dans les règles et politiques de l’OCRCVM et les statuts, règles et politiques de l’ACFM », lit-on dans l’avis.
On comprend que durant la période transitoire, les deux corpus réglementaires actuels cohabiteront. Les courtiers qui ont à la fois des activités en épargne collective et en courtage de placements toutefois, dès la fusion, employer des représentants en épargne collective pour toutes leurs activités et conclure des accords entre remisiers et courtiers chargés de comptes.
Le régulateur, qui sera une organisation à but non lucratif, jouira d’une certaine immunité à l’égard des personnes réglementées ainsi que de tout membre dont les droits et privilèges ont été suspendus ou révoqués. Ceux-ci ne pourront le poursuivre ou intenter une action contre lui.
Le nouvel OAR devra exercer ses activités selon le principe du recouvrement des coûts et sa tarification ne devra « pas avoir pour effet de créer des obstacles déraisonnables à l’accès, particulièrement pour les membres de petite taille et les membres indépendants ».
Or, d’ici à ce que soit adoptée la nouvelle tarification, les tarifications de l’OCRCVM et de l’ACFM seront provisoirement maintenues et administrées par le nouvel OAR.
Exigences québécoises
Dans sa constitution, le nouvel OAR stipulera que le pouvoir de prendre des décisions liées à la supervision de ses activités au Québec sera principalement exercé par des personnes qui résident au Québec. La section du Québec disposera d’un budget distinct.
« Les plaintes et demandes de renseignements que recevra le nouvel OAR à propos de personnes et de sociétés membres du Québec seront transmises au personnel de l’OAR à Montréal aux fins d’évaluation, ou seront transférées s’il y a lieu à l’AMF ou à la Chambre de la sécurité financière (CSF), conformément aux modalités des ententes de collaboration », lit-on dans une annexe de l’avis.
En ce qui concerne les affaires touchant des résidents du Québec, les membres des formations disciplinaires du nouvel OAR seront des résidents du Québec.
Sur le plan de la formation continue, les actuels courtiers en épargne collective inscrits auprès de l’AMF continueront d’être dispensés des exigences de formation continue du nouvel OAR pour leurs activités au Québec, « étant donné que la CSF est chargée de réglementer la formation continue des représentants de ces courtiers au Québec ».
Dans le cas des courtiers au Québec qui ont des activités dans d’autres endroits au Canada, le nouvel OAR ne modifiera pas le mandat pour les fonctions et pouvoirs de la CSF. Le nouvel OAR et la CSF signeront une entente de coopération.
À moins que les parlementaires ne changent les lois qui encadrent la distribution de produits et services financiers, le nouvel OAR ne permettrait pas le nouvel OAR ne permettrait pas la constitution en société (« incorporation ») des représentants, a précisé Éric Jacob, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, lors du 15e Colloque des fonds d’investissement, organisé par le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) en mai dernier.
« La détermination du cadre fiscal applicable aux courtiers en épargne collective ne relève pas de l’AMF. Je n’ai pas le pouvoir de permettre l’incorporation des représentants de façon préliminaire. On pense qu’une modification législative serait nécessaire pour le permettre. On est un peu à la merci de cela, ou, de notre côté, on est rendu au bout de ce qu’on pouvait faire de ce côté-là », a déclaré Éric Jacob.
Le surintendant a cependant précisé qu’un groupe de travail composé des parties prenantes concernées, auquel participe l’AMF, a été créé dernièrement et se penche sur la question. « Les accords de versement des commissions à des tiers (comme des sociétés non inscrites) est un sujet complexe », a-t-il noté.
Rappelons qu’un différend fiscal oppose Revenu Québec (RQ) à l’industrie financière, causant dans cette dernière son lot d’incertitudes. En 2020 et 2021, RQ a émis des avis de cotisation à plusieurs représentants ayant effectué un partage, car il ne reconnaît pas la validité dudit partage, selon le CFIQ.
Transition expliquée
Les courtiers en épargne collective (CEC) au Québec deviendront des membres du nouvel OAR. Or, ils bénéficieront d’une période de transition pour leurs activités au Québec, d’une durée indéterminée. Durant cette période, les cotisations qu’ils devront verser au nouvel OAR seront calculées au prorata des services que leur fournira celui-ci. Toutefois, les règles du nouvel OAR ne s’appliquent pas aux CEC au Québec, à l’exception des dispositions requises afin d’assurer le bon fonctionnement du régulateur.
Les CEC n’auront pas non plus à contribuer au fonds de garantie du nouvel OAR. Ils devront simplement continuer à contribuer au Fonds d’indemnisation des services financiers.
La date de fin de période transitoire fera l’objet d’une consultation. « On souhaite si possible que cette période prenne fin une année après l’entrée en vigueur des règles révisées du nouvel OAR, afin de conférer une période de transition adéquate pour les courtiers en épargne collective. La consultation va être importante », a indiqué Éric Jacob.
Lorsque la phase permanente s’amorcera, ceux du Québec seront assujettis au même encadrement que les CEC exerçant dans les autres juridictions, tout en tenant compte des particularités de l’encadrement de l’épargne collective au Québec, ce qui inclut le rôle de la CSF.
De manière plus générale, le document de consultation des ACVM signale que le nouvel OAR « comptera un conseil national et sept conseils régionaux formés de courtiers membres de chaque région », dont un conseil pour le Québec. Les conseils régionaux joueront un rôle consultatif et viseront à s’assurer que le nouvel OAR « s’attaque aux questions émergentes de manière proactive ».
Il a été proposé que Tim Hodgson, ancien dirigeant dans le secteur des services financiers et actuel président du conseil de Hydro One, agisse comme président du conseil d’administration du nouvel OAR. Il siégerait au conseil à titre d’administrateur indépendant.
Avec la collaboration de Guillaume Poulin-Goyer