Fait plutôt rare dans le paysage disciplinaire, le Comité de discipline de la Chambre de la Sécurité Financière (CSF) acquitte une conseillère de deux chefs d’infractions qui pesaient contre elle.
L’équipe de Finance et Investissement a hésité à écrire sur ce sujet, mais l’a fait afin de relater les principales leçons qui se dégagent du jugement, soit qu’une « erreur d’inattention n’est pas automatiquement une faute déontologique surtout si elle rapidement corrigée ».
Le syndic reprochait deux choses à l’intimée, soit d’avoir fait une analyse incomplète des besoins financiers de ses clients et d’avoir fourni des renseignements inexacts à l’assureur sur le formulaire de proposition d’assurance, selon le jugement du comité de discipline de la CSF.
Ainsi, en juillet 2018, le client R.T. se présente au bureau de l’intimée, sans rendez‑vous. Il veut souscrire une assurance sur la vie de sa fille M.T. Celle-ci est affectée de déficience intellectuelle et souffre de dystrophie musculaire. Elle est âgée de 43 ans et R. T., son père, s’occupe d’elle. Ce que R.T. veut, c’est une assurance qui va couvrir les frais funéraires de sa fille, lit-on dans le jugement.
L’intimée connaît, au moins de vue, M.T. et sait qu’elle est affectée de déficience intellectuelle. La conseillère se dirige vers un produit d’assurance qui n’exige pas un examen médical et dont la prime mensuelle est d’environ 15 $. Elle complète une analyse de besoins financiers (ABF) de M.T., l’assurée, mais n’en complète pas pour R.T., même s’il est le preneur et même si selon toute vraisemblance c’est lui qui assumera le paiement de la prime. C’est ce que le syndic lui reproche, apprend-on dans le jugement.
L’ABF qu’elle complète indique que M.T. reçoit de l’aide sociale, qu’elle habite dans un foyer auxiliaire, qu’elle souffre de déficience intellectuelle et de dystrophie musculaire. Elle n’a aucun actif ni passif. Elle n’a aucune police d’assurance en vigueur, d’après le jugement.
Le syndic reproche à la conseillère ne pas avoir inscrit à l’ABF de M.T. le montant d’aide sociale qu’elle reçoit. Celle-ci répond qu’elle n’a pas vu pourquoi elle inscrirait quelque montant que ce soit puisque la totalité de ce qu’elle reçoit est versée au foyer auxiliaire où elle habite, d’après le document.
D’après le syndic, puisque le preneur paie la prime, la conseillère aurait dû compléter une ABF non seulement pour l’assurée, mais aussi pour le preneur, ce qui lui aurait permis d’évaluer si le preneur avait les moyens de payer la prime. « Cela lui aurait également permis de découvrir qu’une police antérieure avait été annulée par l’assureur à la suite d’un arrêt de paiement des primes », lit-on dans le jugement.
Devant le comité de discipline, la conseillère plaide qu’une ABF de celui qui paie les primes n’était pas nécessaire et que l’assurance-vie souscrite n’a aucun lien avec les obligations ou même la situation financière de R.T., preneur de l’assurance et père de l’assurée. Elle ajoute que le montant de la prime, 15 $, par mois est très peu élevé.
« Le comité est d’avis que l’ABF préparée pour M.T. est certes sommaire, mais elle est suffisante dans les circonstances propres à ce dossier », lit-on dans le jugement.
Pour le second chef d’infraction, le syndic reprochait à l’intimée d’avoir indiqué non, puis oui et encerclé cette dernière réponse pour la confirmer à la question suivant de l’assureur : « avez-vous rencontré le propriétaire et l’assurée en personne dans le cadre de cette proposition? ».
La conseillère s’est interrogée sur ce qu’elle devait répondre à cette question : elle a rencontré le preneur, propriétaire de l’assurance qui est aussi le tuteur de sa fille qui n’a pas la capacité requise pour voir à ce genre de choses.
Le comité juge que l’intimée n’a pas été négligente. Elle a fait une erreur.
Selon le jugement, le syndic plaide que l’erreur de bonne foi n’est pas une défense en droit disciplinaire et que les informations qui sont inexactes auraient pu avoir des conséquences.
« L’intimée s’est questionnée, a ultérieurement vérifié avec l’assureur; elle pouvait se tromper sans pour autant manquer de professionnalisme et commettre une infraction déontologique », lit-on dans le jugement.
Le comité de discipline de la CSF acquitte donc l’intimée du second chef d’infraction.