S’ils sont d’avis que les programmes réservés aux individus ont permis aux plus vulnérables de garder la tête hors de l’eau, ils croient que l’aide aux entreprises a été trop généreuse.
Par exemple, Miles Corak, un professeur d’économie de l’Université de New York, affirme que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) a été « un grand succès », mais que la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) a été « un immense échec ». Il convient qu’il faille tenir compte des incertitudes auxquelles faisaient face la population et les gouvernements pendant cette période pour bien évaluer les programmes.
« La Prestation canadienne d’urgence a permis d’envoyer de l’argent à temps pour permettre aux gens de rester chez eux, ce que voulaient les autorités afin de sauver les vies, explique-t-il. [D’un autre côté], la SSUC est arrivée trop tard, le programme couvrait trop d’entreprises et celles-ci étaient surprotégées. »
La PCU a été mise en place dès mars 2020. Le programme permettait aux Canadiens admissibles de recevoir mensuellement 2000 $. Créée un peu plus tard, la SSUC permettait aux entreprises d’obtenir une subvention correspondant à 75 % de la rémunération admissible versée à un employé.
Le Professeur Corak dit qu’au moment de la mise en oeuvre de la SSUC, un grand nombre d’entreprises avaient déjà licencié leurs employés.
Jennifer Robson, une professeure agrégée de gestion politique à l’Université Carleton, dit que des entreprises, qui auraient normalement fermé leurs portes pour des raisons autres que la pandémie, ont été artificiellement maintenues à flot à cause du programme de subvention salariale.
« Ce ne sont pas des entreprises qui pouvaient espérer un retour à la rentabilité », soutient-elle.
Les données de Statistique Canada démontrent un grand nombre de fermetures en avril 2020, mais elles ont été continuellement en recul au cours des mois qui ont suivi, atteignant même un niveau encore moins élevé qu’avant la pandémie. Ainsi, environ 31 000 entreprises ont fermé leurs portes en août 2020, comparativement à près de 40 000 en février de la même année.
Selon le Professeur Corak, la SSUC aurait dû ratisser moins largement et viser les plus grandes entreprises ayant des besoins précis, celles qui devaient garder leurs employés coûte que coûte, comme les compagnies aériennes.
C’est un point de vue que n’exprimerait pas la Fédération canadienne des entreprises indépendantes pour qui la SSUC a été « cruciale » aux petites et moyennes entreprises. En avril 2022, la FCEI rapportait que seulement deux de ses membres sur cinq affirmaient avoir retrouvé des revenus normaux.
Adrienne Vaupshas, une porte-parole de la ministre des Finances Chrystia Freeland, rappelle que l’objectif du gouvernement était de protéger les emplois et d’assurer une forte relance économique au pays.
« Aujourd’hui, nous avons récupéré 114 % des emplois perdus pendant les mois les plus sombres de la pandémie », lance-t-elle.
De récentes analyses de Statistique Canada – fondées sur les données du recensement – indiquent que deux tiers des adultes canadiens ont reçu des prestations en 2020. Celles-ci ont permis de compenser des pertes de revenu et de réduire l’inégalité.
Selon l’agence fédérale, « l’utilisation de la Subvention salariale d’urgence du Canada est associée à une probabilité de fermeture plus faible et à des pertes d’emploi moins prononcées ».
La SSUC a créé un dangereux précédent, estime le Professeur Corak qui souligne qu’en subventionnant trop généreusement les entreprises, on peut freiner l’innovation.
« Nous sommes davantage tournés vers un revenu de base pour les petites entreprises que vers un revenu de base pour les individus. »