Les fonds communs de placement (FCP) et les fonds négociés en Bourse (FNB) ont fait l’objet de beaucoup d’attention pour leurs ventes record en 2021. Bien que les ventes de fonds distincts n’aient pas tout à fait battu des records, elles ont également augmenté l’an dernier. Certains pensent que cette augmentation est probablement le résultat d’un arbitrage réglementaire dans le contexte de l’interdiction des frais d’acquisition reportés (FAR) pour les FCP. Les faits, cependant, montrent le contraire.

Comme dans le cas des FCP et des FNB, l’augmentation des ventes de fonds distincts est le reflet d’une année exceptionnelle sur le plan de la performance du marché. Selon les données d’Investor Economics, une division d’ISS Market Intelligence, les flux nets de fonds d’investissement à long terme ont bondi à 174 milliards de dollars (G$) en 2021, contre environ 66 G$ l’année précédente, soit une augmentation d’environ 164 %. À elles seules, les ventes nettes de FCP ont été multipliées par quatre par rapport à 2020.

Pour les fonds distincts, les flux nets de 2021 ont triplé pour atteindre 4,6 G$, contre 1,5 G$ l’année précédente.

« Pratiquement tous les produits qui offrent une exposition au marché se sont extrêmement bien comportés en termes de ventes en 2021 », rapporte Carlos Cardone, directeur général principal chez Investor Economics, à Toronto.

Concernant les fonds distincts, Carlos Cardone a été sans équivoque sur le fait que l’augmentation des ventes n’était pas attribuable à l’arbitrage réglementaire. « Les données n’ont jamais indiqué que [l’arbitrage réglementaire] se produisait d’une manière ou d’une autre », précise-t-il.

L’interdiction des FAR pour les FCP a été annoncée en 2019 et est devenue officielle plus tôt cette année, tandis qu’une interdiction des FAR pour les fonds distincts est attendue l’année prochaine. Les régulateurs d’assurance mènent également des consultations sur une interdiction potentielle des commissions initiales.

Les recherches d’Investor Economics sont basées sur des données détaillées sur les produits, ainsi que sur des conversations permanentes avec de multiples acteurs du secteur, notamment des courtiers, des assureurs, des gestionnaires d’actifs, des responsables des ventes, des grossistes et des conseillers. Ces conversations couvrent tout, de l’allocation des fonds aux professionnels, en passant par les tendances en matière de frais et de pratiques de conseil, explique Carlos Cardone.

Bien qu’une substitution des FCP aux FNB ait été identifiée, aucun effet de ce type n’a été identifié pour les fonds distincts par rapport aux autres fonds, note-t-il.

De nombreux grands courtiers ont cessé de vendre de nouveaux fonds distincts avec FAR et à frais réduits lorsqu’ils ont cessé de vendre des FCP. Par conséquent, les conseillers détenant un double permis ne se sont pas précipités pour vendre des fonds distincts avec FAR. « Dans de nombreux cas, les conseillers ont cessé de faire des affaires sur la base de ces fonds distincts avec FAR », constate-t-il.

Selon Guy Armstrong, directeur général d’Investor Economics, le plus gros volume de ventes brutes de fonds distincts l’an dernier a été réalisé par des conseillers détenant uniquement un permis d’assurance. Les agences générales « avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont indiqué que la plupart de leurs ventes provenaient de conseillers en assurance désireux d’offrir une exposition au marché à leurs clients à mesure que les marchés progressent en 2020 et 2021 », écrit-il dans un courriel à Advisor’s Edge.

« L’ensemble des actifs de fonds distincts inscrits dans les registres des courtiers indépendants de conseillers financiers (principalement des ACFM) a chuté d’environ 10 % en 2020 et est resté relativement stable en 2021 », continue-t-il. Il ajoute que l’activité hors bilan – à l’exception peut-être des dépôts – chez ces courtiers a été faible et ne serait donc pas à l’origine de l’augmentation des ventes de fonds distincts.

La planification successorale stimule les ventes

 

Outre la performance du marché en 2021, l’accent mis sur la planification successorale a contribué à stimuler les ventes de fonds distincts.

L’utilisation par les conseillers des fonds distincts pour la planification successorale est « une tendance lourde », affirme Carlos Cardone, et une tendance à long terme, étant donné que les baby-boomers prennent leur retraite et transmettent leur patrimoine à la génération suivante. La planification successorale a probablement aussi été stimulée par la sensibilisation accrue des clients à leur mortalité due à la pandémie.

Brian Shumak, de Brian Shumak Financial Services, à Toronto, qui n’est titulaire que d’un permis d’assurance, assure que sa pratique n’a pas bénéficié d’un afflux d’argent frais dans les fonds distincts l’an dernier, bien qu’il ait reçu davantage de demandes de renseignements sur la planification financière et la planification successorale. Son marché cible est âgé de moins de 50 ans.

Il dit utiliser les fonds distincts avec les propriétaires de petites entreprises comme moyen de protection du crédit. Lorsqu’il a appris l’augmentation spectaculaire des ventes, sa réaction initiale a été à l’effet que l’augmentation était attribuable aux conseillers détenant un double permis qui comptaient sur les FAR et qui passent maintenant aux fonds distincts.

Cependant, l’augmentation des flux de fonds de l’année dernière a trouvé un écho dans l’ensemble du secteur. « Les gens investissaient davantage – point final », soutient Brian Shumak, en soulignant l’augmentation de l’épargne dans le contexte pandémique. De même, il attribue l’accent accru sur la planification successorale à la démographie, la promotion de la planification successorale par les entreprises et la sensibilisation accrue potentielle à la mortalité, précise-t-il.

Bien que l’année 2021 ait été une année de vente moyenne pour Don Plettell, de Plettell Financial & Estate Planning, à Lethbridge, en Alberta, celui-ci a augmenté son utilisation des fonds distincts pour la planification successorale au cours des deux dernières années. Principalement pour des clients octogénaires ayant déjà des affaires dans des fonds communs de placement.

Au-delà des données, certains conseillers « continuent à vendre plutôt qu’à conseiller », dit Brian Shumak. « Et si tout ce que vous faites est de vendre, vous voulez prendre le chemin de la moindre résistance ».

L’interdiction des FAR a entraîné une diminution du nombre de conseillers de l’ACFM. Selon le rapport de recherche sur les clients 2020 de l’ACFM, le nombre de conseillers titulaires d’un permis auprès de sociétés de conseil financier (par opposition aux banques et aux centres d’appels) a diminué de 17% de 2016 à 2019, en grande partie parce que les courtiers ont interdit les ventes de fonds avec FAR (ces conseillers sortants avaient tendance à avoir des books plus petits et à s’appuyer sur les ventes de fonds avec FAR).

Plus généralement, comme les exigences de conformité ont augmenté, « les conseillers qui estimaient qu’il y avait trop de réglementation du côté des fonds communs de placement ont abandonné leur permis de fonds communs de placement et ont vendu [des fonds distincts], explique Don Plettell. J’ai déjà vu cela se produire il y a dix ans ». Certains de ces conseillers étaient au départ des conseillers en assurance, fait-il remarquer.

Il est difficile de déterminer si la réglementation des FCP a eu une incidence sur le nombre de conseillers en assurance seulement.

Par exemple, le roulement des conseillers parmi de nombreuses sociétés de courtage dans le canal consultatif est très élevé « en raison de la nature du modèle indépendant et des défis économiques que ce modèle impose aux conseillers qui débutent, écrit Guy Armstrong. Les titulaires de permis d’assurance uniquement constituent une cohorte encore plus importante de conseillers et ne sont pas faciles à suivre. »

Don Plettell pense que les conseillers en assurance qui réussissent ne colportent pas de produits, mais planifient plutôt pour les clients et font attention aux coûts. Les RFG des fonds distincts peuvent être similaires à ceux des FCP de catégorie A, conclut-il.