Benoît Laliberté doit des dizaines de millions de dollars à l’impôt, le gouvernement lui réclame ainsi 56 millions (M$) en impôts, taxes et amendes sur 15 ans, depuis maintenant 11 ans… Pourquoi? Son cas « est tombé entre deux chaises », selon le syndic, rapporte La Presse.
Benoît Laliberté a été condamné en 2008 pour 41 infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, en lien avec la manipulation du titre de sa compagnie d’informatique Jitec. Le juge lui avait donné environ trois ans, soit jusqu’en août 2011 pour payer les 976 862 $ d’amendes pour manipulations boursières auxquels il avait été finalement condamné, toutefois, ce dernier s’est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité un mois avant l’échéance.
Avant de déclarer faillite, l’intimé avait déposé une proposition concordataire pour pouvoir rembourser une partie de ses dettes. Sauf qu’il proposait de payer 50 000 $ à Québec et Ottawa, alors que ces derniers réclamaient bien plus.
En 2013, un procureur de revenu Québec s’est entretenu avec le syndic, car il voulait interroger Benoît Laliberté. Toutefois l’avocat du fisc ne l’a jamais rencontré. « Personne ne m’a contacté », rapporte l’intimé à La Presse.
Le dossier serait ainsi tombé entre deux chaises, selon le syndic. Sylvain Proulx, du cabinet Primeau, Proulx et Associé avoue même ignorer qui a la charge du dossier. Résultat, à ce jour, Benoît Laliberté n’a payé que 75 000 $ sur les 55 M$ en impôts et taxes réclamés, ainsi que 25 000 $ sur ses amendes et frais de 976 862 $ pour manipulations boursières.
Le conseiller politique du ministre des Finances, Jean-Philippe Fournier, assure que l’affaire n’a pas été abandonnée. Selon ce qu’il a affirmé dans un courriel envoyé à La Presse, « un dossier de cette ampleur nécessite beaucoup de temps et peut parfois s’étirer en fonction de ses particularités ».
En 2021, le fisc fédéral a décidé de reprendre le dossier en main, même si l’intimé ne doit à ce dernier « que » 4,8 M$. Ottawa veut ainsi l’empêcher d’être libéré de faillite pour cinq ans, ou jusqu’à ce qu’il ait remboursé une part substantielle des millions qu’il doit aux contribuables.
Ottawa note que le compte de carte de crédit de Benoît Laliberté qui s’élevait à 813 406 $ en 2019 est remboursé « au fur et à mesure », ce qui laisserait penser que l’intimé aurait « une capacité de gain plus élevée que ce qu’il prétend », selon le fisc fédéral. L’intéressé, de son côté, assure que cette carte de crédit n’existe « pas du tout ».
Celui-ci assure ne plus rien avoir à son nom et ne pas avoir de revenu comme tel « autre que ce qui [lui] est versé par les fiducies pour vivre et pour manger ». Des fiducies dont il ne serait « ni bénéficiaire ni fiduciaire », tient-il à préciser, mais qui profiteraient plutôt à « ses proches ».
Visé par les Pandora Papers
Benoît Laliberté s’est créé un holding aux îles Vierges britanniques. Son cabinet de gestion extraterritoriale, Fidelity Corporate Services a vu plusieurs centaines de milliers de documents fuiter dans les Pandora Papers.
Parmi ces derniers, plusieurs montrent qu’il a utilisé son ex-conjointe et la Fiducie Résidence JAAM pour ouvrir trois sociétés dans ce paradis fiscal, à partir de 2013.
En 2015, Laliberté a fait créer deux autres sociétés aux îles Vierges britanniques : iFramed et internet Personal Communication System. Gilles Poliquin, un avocat, maintenant radié du barreau, qui a laissé un client utiliser son compte en fidéicommis pour détourner des fonds, serait leur actionnaire ou leur « propriétaire bénéficiaire ».
Malgré sa faillite fiscale et son déménagement, Benoît Laliberté et son ancienne conjointe détiennent plus de 8,3 millions en immobilier au Québec, en leurs noms propres ou à travers la fiducie et les entreprises qu’ils contrôlent. Ils possèdent également des propriétés aux États-Unis.