Les investisseurs institutionnels montréalais ont désormais accès à un fonds d’investissement d’impact grâce à un partenariat entre le Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ) et Gestion de placements Ciels bleus.
Il s’agit d’une première pour le PGEQ, a indiqué Carolyn Cartier-Hawrish, sa directrice, ajoutant que ce mandat du volet traditionnel – stratégie Actions mondiales, confié à la jeune firme vise à « accélérer l’adoption de l’investissement d’impact par les investisseurs institutionnels et à promouvoir les talents locaux ».
Pour Michel Brutti, président et fondateur de Ciels bleus (Clear Skies), ce partenariat permettra de « créer de la valeur que les marchés financiers peuvent générer en créant un monde plus axé sur l’impact ». « C’est un pas de géant pour que la finance soutienne les gens et la planète », a-t-il déclaré.
La firme, fondée en 2021 à Montréal, a lancé en début d’année trois fonds qui répondent aux objectifs de l’investissement d’impact. Le Fonds action climat s’intéresse aux solutions qui permettent de lutter contre les changements climatiques. Le Fonds d’impact équilibré s’aligne sur les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Le Fonds d’actions iGlobales, retenu par le PGEQ, est un fonds d’actions mondiales qui inclut des caractéristiques des deux autres fonds.
L’investissement d’impact par conviction
Gestionnaire, associé principal et membre du comité d’investissement durable de Jarislowsky Fraser, de 1994 à 2020, Michel Brutti a développé durant ces années, un vif intérêt pour la gouvernance et l’investissement durable. Il a décidé de lancer sa firme d’investissement d’impact par conviction, à la suite de l’acquisition de Jarislowsky Fraser par la Banque Scotia, en 2018.
Pourquoi avoir choisi l’investissement d’impact, qui prend en compte non seulement les risques ESG pour une entreprise, mais également les opportunités d’impact positif ?
« C’est un marché de niche en croissance, en raison des nombreux investissements des gouvernements et des entreprises dans la lutte aux changements climatiques », répond le dirigeant. Il souhaite convaincre davantage d’investisseurs institutionnels, actuellement peu représentés dans ce secteur, d’y rechercher des opportunités.
En 2019, le marché mondial de l’investissement d’impact représentait 715 milliards de dollars, selon Global Impact Investing Network (GIIN). La Commission des entreprises et du développement durable estime que d’ici 2030, les occasions d’affaires créées par les ODD pourraient atteindre 12 billions de dollars.
Impacts positifs et rendements
La stratégie d’investissement de Ciels bleus consiste à identifier des sociétés qui ont des impacts positifs sur l’environnement et sur la société, ainsi que des rendements ajustés au risque. « Nous adoptons une approche conservatrice et focalisée sur la problématique des changements climatiques. »
Pour ce faire, se concentrer uniquement sur les critères ESG ne suffit pas, estime le gestionnaire. Pour filtrer les critères et obtenir un portrait incluant tous les aspects de développement durable, il a développé un outil, le Radar d’Impact, en collaboration avec des étudiants universitaires.
L’analyse effectuée grâce à cet outil s’applique à 76 % du portefeuille, dans le cas du Fonds d’impact équilibré, en relation avec les cinq objectifs phares des Nations Unies : la préservation de la planète, le partage de la richesse, les besoins humains fondamentaux, les infrastructures résilientes et l’énergie durable.
En plus d’attribuer une note à l’empreinte carbone et aux cibles ODD, le filtrage permet de mesurer la diversité des genres et des races dans les entreprises du portefeuille, leurs investissements dans des initiatives environnementales ou encore la rémunération des dirigeants en fonction de l’atteinte des cibles ESG fixées par l’entreprise.
Pour réussir le virage d’impact
Le filtrage et la mesure des critères sont deux grands enjeux de l’investissement d’impact. L’exercice demande beaucoup de discipline et une grande rigueur, mentionne Michel Brutti. Plusieurs autres facteurs influencent le succès de la démarche.
Le premier est la culture d’entreprise. « La volonté de changer les choses (ou théorie du changement) doit être inscrite dans l’ADN des dirigeants. Actuellement, beaucoup d’investisseurs dans les marchés publics n’ont pas de vision de théorie du changement. Or, pour avoir un impact, il faut ressentir un besoin urgent de faire quelque chose de positif pour la société et l’environnement. »
Le second défi est la rentabilité. « On doit être discipliné dans l’évaluation des entreprises dans lesquelles on investit. L’évaluation des bilans financiers et des rapports d’investissement socialement responsable (ISR) est importante, mais il faut savoir lire entre les lignes. « Beaucoup de rapports ISR omettent de mentionner les facteurs qui n’ont pas assez progressé. Pour avoir l’heure juste, il faut regarder à l’intérieur des fonds et questionner les gestionnaires. »
Le troisième enjeu concerne la taille des entreprises. Les grandes entreprises divulguent de nombreuses données dans les rapports. Cependant, les plus petites ont rarement la capacité de fournir des informations détaillées aux investisseurs. « C’est à nous d’aller vers elles pour évaluer leur impact. »
Dans cette mouvance, le PGEQ s’est récemment associé à une firme de consultants pour soutenir les meilleures pratiques ESG et épauler les gestionnaires émergents dans la transition vers l’investissement responsable.